des lendemains qui chantent
ft. Clémentine & Andreja

Il devrait le savoir pourtant. Celles de ses soirées qui comprenaient à la fois Lou et une bouteille d'alcool étaient toujours susceptibles de se terminer de la même manière : par une migraine carabinée au réveil. Ce matin ne faisait en rien exception à cette règle tacite, et si Andreja se souvenait vaguement d'avoir avoué à voix haute la veille se reposer un peu trop souvent et un peu trop facilement sur l'alcool pour éponger frustration et désarroi, le résultat restait le même. Il avait besoin d'une aspirine, voir même de deux, et surtout il avait besoin qu'on ne le secoue pas trop fort ce matin. Il dormait au gymnase depuis le début de la semaine, en soutien à sa partenaire qu'Alistair avait choisi de coincer dehors jusqu'au prochain prime, mais pour la première fois depuis le dimanche il se disait que dormir dans un véritable lit ne lui aurait peut-être pas fait de mal ... Mais soit, il n'avait que ce qu'il méritait, personne ne l'avait obligé à s'imbiber à ce point de Vodka bon marché avant de s'en aller dormir. Et il en avait vu d'autres, des gueules de bois, des bien pires que celles-ci devrait-on dire, alors tout ce dont il avait besoin à cet instant c'était d'une douche, d'un grand verre d'eau et de silence. La première proposition effectuée il était passé par le dressing pour se changer et enfiler des vêtements propres, après quoi il était descendu à la cuisine en espérant y trouver de quoi satisfaire à la fois la deuxième et la troisième. A cette heure-ci la pièce était généralement tranquille, il était trop tard pour les uns et trop tôt pour les autres, mais telle l'exception qui confirmait la règle Clémentine déambulait actuellement dans la cuisine, sa crinière blonde trahissant un réveil qui ne devait pas remonter à bien loin. « Tu toujours pas convaincu ton partenaire de dormir avec toi ? » avait-il demandé sur le ton de la conversation, gardant le volume de ses propres paroles assez bas pour ne pas auto-agresser ses oreilles. Il savait bien que la réponse était non, il le savait parce qu'il se souvenait d'avoir croisé Alistair aux petites heures du matin deux jours plus tôt encore. Attrapant la théière il l'avait mise à réchauffer et demander à la volée « Thé ? » tout en commençant déjà à fouiller les placards pour s'en préparer un. Pour le café en revanche elle devrait se débrouiller, il n'était véritablement pas fan de la caféine. Question de culture, sans doute.

Il se l'était pourtant promis la semaine précédente, qu'il lui faudrait songer à arrêter de boire, ou tout du moins plus dans ces proportions là. Mais Andreja était comme tous ces types qui prenaient des bonnes résolutions, il ne s'y tenait pas, et le savait presque dès le moment où il décidait de prendre ces résolutions. C'était trop difficile ici, de toute façon. Il n'y avait pas grand-chose de véritablement efficace pour s'occuper l'esprit, rien qui ne soit assez prenant pour empêcher de penser à ce qui tracassait, de faire ce qui ne devait pas être fait, de céder à ce qui ne devait pas être cédé. Y'avait du bon autant que du mauvais dans le fait d'être enfermé dans ce nid, et si pour le moment le serbe estimait les avantages équivalents aux inconvénients, il savait qu'il ne mesurerait le bien fondé de sa présence ici qu'une fois dehors. Lorsqu'il verrait si cela lui avait été utile ou non. Pour le moment il ne pouvait qu'attendre, et dans l'attente il y avait actuellement deux choses pour lui : apprendre à connaître ses petits camarades, et boire. Voir les deux à la fois dans certains cas. Mais après avoir bien bu la veille il n'avait pas vraiment envie de remettre cela dès le matin, que ce soit avec Clémentine ou quelqu'un d'autre. Se renseigner en revanche il pouvait, et il voulait, et pour cette raison il avait entamé la conversation en évoquant le partenaire de Clémentine. Ce n'était plus un secret pour personne, le fait qu'Alistair préfère dormir sur un canapé du salon, plutôt que dans le lit qu'il était supposé partager avec elle. « J'ai abandonné l'idée depuis quelques semaines. Je suis dans une phase d'acceptation maintenant. » Voyez-vous cela, et pour donner du crédit à sa comédie elle y avait même rajouté un soupir tristement résigné. Le tout avait arraché un sourire amusé à Andreja, tandis que la jeune femme rajoutait d'un ton plus sérieux « A la place, je dors parfois avec Paloma. » Il avait adressé un signe de tête. Parfois, avec tous ces changements de binômes, il ne savait plus vraiment qui était associé à qui, et à cet instant précis il serait bien incapable de dire à quel partenaire Paloma faisait-elle faux bon pour lui préférer Clémentine. « Ouais, ça pas être le même genre que Alistair. » Ce n'était même pas un reproche envers l'un ou l'autre mais bon, ils avaient autant en commun qu'un chien et un chat, quoi. S'affairant dans les placards pour se trouver une tasse il avait machinalement proposé du thé à Clémentine, parce qu'après tout s'il en faisait pour un il pouvait bien en faire pour deux, cela ne changeait pas grand chose. « Oui. » Adjugé, vendu. « Tu as une sale tête. » Ou peut-être pas. Se retournant vers elle après avoir mis la bouilloire sur le feu, il avait plissé les yeux d'un air faussement suspicieux et répondu « D'habitude les gens plutôt répondre merci quand on leur proposer du thé. Ça pas être comme ça en France ? » Ils étaient particuliers ces français il faut dire, Andreja avait déjà eu l'occasion de s'en rendre compte, mais ceci dit il doutait que dans une culture quelle qu'elle soit soit "tu as une sale tête" soit un équivalent de formule de politesse. Même si certes, elle n'avait sans doute pas tort. « Je bu un ou deux verres en trop hier. » Comme si c'était une explication suffisante. Il avait raison lorsqu'il disait qu'il buvait trop, il avait raison et peut-être qu'il était enfin temps qu'il se calme un peu sur la boisson ; Faire mentir les clichés sur ses origines ça ne lui ferait pas de mal non plus. Déposant deux tasses vides sur la table il s'y était appuyé d'un air pensif, et changeant totalement de sujet il avait demandé « Tu penses tu avoir participé, si tu pas être venue ici toute seule ? » Participé à l'émission, il ne pensait pas utile de le préciser. Il se demandait quels étaient ses objectifs en s'inscrivant à cette émission, si elle était simplement venue là pour suivre Hadrien et se retrouvait maintenant à jouer un jeu qui n'avait jamais été le sien, ou bien si elle avait ses propres objectifs, indépendants de la présence du jeune homme.

La loveroom, les canapés du salon, et peut-être même les transats de la piscine, Alistair semblait du genre à pouvoir tenter de dormir partout, du moment que ce n'était pas avec sa partenaire. Mais il y avait fort à parier que Clémentine ne prenait pas cela contre elle en particulier, comme les autres elle devait bien avoir remarqué que le britannique n'était pas des plus enchanté par l'idée de contact physique, même involontaire et même furtif. Alors au lieu de cela elle dormait avec Paloma, parfois. « C'est beaucoup plus affectueux. » Affectueux. Il ne saurait dire si Paloma était une personne affectueuse ou non, mais si l'on comparait à Alistair la réponse ne pouvait être que oui ; Toute était une question de point de vue. Bref, puisqu'elle était là il lui avait proposé du thé, qu'elle avait accepté en le remerciant à sa façon, en lui disant qu'il avait une sale tête. « Les français sont des sauvages, les parisiens sont les pires. » Il lui avait rendu l'ironie de son sourire, d'un air amusé. D'un autre côté si Clémentine représentait le pire il n'y avait pas non plus vraiment de quoi s'en faire, on avait vu pire. Comme pire. « Et ma sœur qui rêve visiter Paris. » Enfin bon, si tenté qu'elle tombe sur ces images, et quelque part Andreja espérait bien qu'elle avait autre chose de mieux à foutre que de perdre son temps à se faire du mal en le regardant, ce n'était pas ce qui la ferait changer d'avis à ce sujet. Avouant finalement à demi-mot qu'il avait peut-être bu un ou deux verres de trop la veille, raison de sa "sale tête" il avait plissé le nez d'un air faussement vexé en l'entendant répliquer « A ton âge, il parait qu'on met plus de temps à s'en remettre. » A son âge, moui. Enfin, il ne niait pas supporter les gueules de bois un peu moins facilement qu'il y a six ou sept ans, certes, mais il estimait avoir encore de la marge. Et puis la résistance à l'alcool cela coulait un peu dans son sang, aussi cliché cela puisse-t-il être. « Hm, tu me rappeler quel âge tu av- ... as ? » Parce qu'elle le traitait de vieux, là, mais elle n'avait pas non plus l'air d'avoir dix-huit ans, alors elle ne devait pas être beaucoup plus jeune que lui. Comment ça, ça ne se faisait pas de demander son âge à une femme ? Oups. Il avait rempli le réservoir de la théière d'un thé noir, et fini par changer de sujet de conversation. Il se demandait quelles étaient ses motivations à elle, si elle avait ses propres objectifs à atteindre ou si elle n'était maintenant plus que la victime d'un concours de circonstances ayant fait qu'elle était encore là et Hadrien non. « C'est moi qui l'ai forcé à venir ici. Pour moi, c'était une bonne excuse de renouer le contact de le faire venir ici avec moi. » Est-ce qu'elle voyait cela comme un échec alors, d'être venue ici avec lui et de se retrouver maintenant seule alors qu'il était dehors ? Probablement, si l'on en jugeait la suite de sa réponse « Je ne pense pas que je serais venue ici toute seule. » Il avait acquiescé d'un léger signe de tête, tout en faisant tourner sa propre tasse entre ses doigts, respirant un instant l'odeur du thé en attendant que l'eau refroidisse un peu. « Et tu penses ça a marché ? Ou bien il pas rester assez longtemps pour "renouer" ? » Il ne savait rien de la relation entre Clémentine et le jeune homme, il ne suivait pas assez les histoires qui ne le concernait pas pour avoir la moindre idée de ce qui liait les deux candidats, si c'était fugace ou plus profond, si c'était récent ou bien plus lointain. « Et toi ? Tu cherches quoi ici ? » Ses yeux avaient quitté un instant Clémentine pour redescendre sur sa tasse de thé, et finalement il avait haussé les épaules « Ici, rien. » Rien en particulier en tout cas, l'argent n'était pas sa motivation principale même s'il ne cracherait pas dessus non plus, et s'il plaisantait en disant que sa présence ici lui permettait d'améliorer un peu son anglais il savait très bien qu'il aurait pu se contenter de faire des efforts dehors pour y arriver, sans être obligé de passer par ici. Ses motivations étaient ailleurs. « Je attendre de voir dehors, les conséquences. » C'était un peu compliqué à expliquer, et il n'avait pas envie de se faire taper sur les doigts par Cupidon. L'épisode Jaheim leur avait assurément à tous servi de leçon.