+ J'ai bien envie de faire une petite promenade en forêt, une vraie, pas de simplement la traverser parce que je veux aller d'un point A à un point B, comme à la plage par exemple. Faut dire que le sable fin et la mer sont plus attrayants que la drôle d'atmosphère pesante qui règne en permanence dans ces bois, même quand il fait beau. Heureusement, c'est le cas aujourd'hui, je doute fort que la pluie soit de la partie, c'est donc le temps idéal pour aller se balader. J'enfile tout de même des bottines et la veste qu'on ne présente plus désormais, parce qu'on ne sait jamais. Il pourrait y avoir des flaques d'eau ou de la boue sur le sentier, et puis le ciel pourrait être amener brusquement à changer si le vent venait à se lever. Je préfère donc être prévoyante, même s'il n'y a, à priori, pas de quoi s'inquiéter. Au pire, j'attraperais la crève et ce sera bien fait pour moi, j'avais qu'à pas sortir. Non mais il faut pas partir défaitiste, ça va me gâcher tout le plaisir de ma balade sinon. Et finalement tout se passe plutôt bien, c'est calme, paisible la forêt, comme celle où j'allais avec mon père quand j'étais petite. Mais forcément, j'étais avec lui donc ça me faisait moins peur que maintenant quand je m'y aventure seule. Pourtant je vis dans un quartier chaud d'une des villes les moins tranquilles des Etats-Unis, c'est pas deux buissons et trois arbres qui devraient me terrifier, mais on ne contrôle pas ses peurs, c'est comme ça. D'ailleurs, je sursaute au premier bruit suspect que j'entends. Je tourne la tête de tous les côtés pour voir de quoi il s'agit et je pousse un long soupire de soulagement quand je me rends compte que ce n'est que Felice. « Oh putain, tu m'as fait trop peur. » Comme quoi, c'est chacune son tour, l'autre fois dans le labyrinthe, c'est moi qui l'avait effrayée, maintenant c'est elle qui me fout la pétoche et j'ai bien failli faire une attaque pour le coup. Mais heureusement qu'elle est là, si je me souviens bien, elle m'a dit un jour avoir une formation de secouriste ou un truc comme ça, en cas d'arrêt cardiaque elle doit savoir quoi faire. Non parce que ce serait quand même trop nul de mourir de peur au sens strict du terme, puis surtout, c'est pas comme ça que je prévoyais ma mort, limite je préférerais presque la noyade dans une baignoire bien décorée.

Le temps est idéal pour passer la matinée en forêt. Pas l'ombre d'un nuage dans le ciel et une douce brise souffle sur l'île, Je me munie de mon carnet à dessin et d'une veste au cas où le vent se lève et je prends la direction du massif forestier. C'est ici que je trouve toujours l'inspiration et le calme pour me concentrer sur mes dessins. Mes escapades dans les forêts de l'État de Washington me manque tout comme ma ville me manque, alors à la moindre petite pointe de nostalgie je me replis dans la forêt. Je grimpe dans un arbre pour avoir une vue imprenable sur toute la forêt et pour passer inaperçue aux yeux de certains candidats. J'ai besoin de faire le vide autour de moi quand je commence à dessiner ce qui implique que je ne souhaite pas être dérangée par le premier venu. La curiosité de mes camarades ne me dérange pas mais je ne tiens pas à ce que mon inspiration me quitte. En hauteur, je peux voir tout ce que la forêt a à m'offrir et je me nourris de chaques parcelles animées dans cette forêt pour les dessiner sur une simple feuille de papier. Sauf que lorsque j'aperçois Jessica en pleine promenade dans la forêt je descend, mon carnet à la main, de mon petit havre de paix niché dans un arbre. J'atteris lourdement sur le sol sans toutefois m'écraser. Lorsque Jessica m'aperçois, elle ne peut s'empêcher de me faire remarquer que je lui ai fait peur. « Chacun son tour » . Je remarque en haussant les épaules. La semaine dernière c'est elle qui m'avait fichu un de ces trouilles. Même si je n'ai pas eu l'intention de lui faire peur en premier lieu. « Ça t'arrive souvent de faire des ballades en forêt comme ça ? » . Parce qu'elle n'a pas l'air à première vue d'être une amoureuse de la nature mais je n'ai pas la prétention de dire que je la connais suffisamment pour tout savoir d'elle. Je ne me fis qu'à mon intuition et souvent je me trompe. « Je voulais pas te faire peur en fait, j'étais juste en train de dessiner là haut dans cet arbre » . Je lui explique tout en montrant du doigt ma cachette secrète, le même arbre qui m'avait servi à faire peur à Mallaury au début de l'aventure.

Déjà que je ne me sens pas très à l'aise dans cette forêt, alors si en plus on s'amuse à me faire peur pendant que je m'y balade, je ne risque pas d'y remettre les pieds avant un moment. En tout cas, je n'hésite pas à faire remarquer à Felice qu'elle m'a bien effrayé, et elle dit tout haut ce que j'ai pensé tout bas, que c'est chacune notre tour comme ça. « Oui, et donc maintenant qu'on est quitte, plus de frayeurs entre nous, hein. » Je tiens à ce qu'on soit d'accord sur ce point, ce serait bien d'arrêter de se faire peur à tour de rôle comme ça parce qu'à force, l'une de nous pourrait ne pas y survivre. Bon, j'exagère sans doute un peu, mais mieux vaut trop que pas assez. Enfin peu importe. La jeune femme me demande si ça m'arrive souvent de me promener en forêt. « Non, pas vraiment. » Je réponds en hochant la tête à la négative. « J'en faisais surtout avec mon père quand j'étais petite. C'était chouette. Même que parfois on arrivait à surprendre des petits animaux tout mignons, comme Bambi, Pan-pan et compagnie, mais maintenant j'ai surtout peur de me retrouver face à un truc qui pourrait me bouffer. » Je lui raconte comme si elle en avait quelque chose à faire, alors que je doute que ce soit le cas, en fait. La candidate m'apprend qu'elle ne voulait pas me faire peur à la base, encore heureux, manquerait plus qu'elle l'ait fait exprès, mais c'était pas le cas, donc c'est pas si grave. Elle désigne un arbre du doigt en m'expliquant qu'elle dessinait là-haut. « Oh, tu dessinais quoi ? Je peux voir ? » C'est que ça m'intéresse. Et puis elle est tatoueuse, elle doit être douée, sinon c'est qu'elle s'est un peu gourée de métier, hm.

Je ne comptais pas faire peur à Jessica en descendant de mon arbre, je voulais simplement engager la conversation avec elle. Même si du haut de mon arbre, j'étais sûre de surprendre n'importe qui. C'est pas souvent qu'on se fait aborder par quelqu'un qui saute du haut d'un arbre, alors je pouvais bien comprendre sa réaction. Maintenant nous étions à égalité en terme de frayeurs. Il fallait dire qu'elle m'avait vraiment fait peur la dernière fois dans le labyrinthe alors que j'avais échafaudé un plan pour lui infligé la trouille de sa vie. Un partout, la balle est au centre. « Je vais essayer de faire de mon mieux pour éviter que ça ne se reproduise ». J'ajoute avec un petit sourire malicieux qui veut dire que je n'ai pas dit mon dernier mot. On ne sait jamais peut être que si je reste je continuerai à chercher un moyen de lui faire peur à tout prix. Mais tout ceci reste purement hypothétique dans la mesure où je ne suis même pas sûre de rester une semaine de plus. Je lui demande si ça lui prend souvent de finir faire des ballades en forêt et elle commence à me parler de ses promenades avec son père lorsqu'elle n'était qu'une enfant et qu'elle croisait toute sorte d'animaux. Je l'écoute d'une oreille attentive en hochant la tête lorsque je juge le moment opportun. « Je n'ai jamais vécu ça avec mon père, alors tu as eu de la chance ». Non mon père, lui, il préférait s'occuper des garçons. Pas de temps à accorder pour les fillettes dans mon genre. Les femmes avec les femmes, les hommes restent entre eux. Oh que c'était cruel et révoltant comme vie de famille pour un vilain petit canard comme moi. Mais bon passons. Je préfère lui assurer que je ne cherchais pas à lui faire peur, du moins pas intentionnellement. Je ne faisais que dessiner, voilà tout. Mon activité a le don d’éveiller sa curiosité puisqu'elle voudrait voir ce que j'étais en train de dessiner. « Oui bien sûr, tiens regarde ». Je lui dis tout en lui tendant mon carnet sur la feuille du dessin que j'étais en train de terminer au moment où elle est apparue dans mon champ de vision. « C'est quoi ton rêve le plus fou ? ». Je finis par lui demander, parce que vivre de ma passion pour le dessin c'était le mien. Et je l'avais réalisé alors j'ai envie qu'elle partage ses idées avec moi.

On est d'accord, plus de peur entre nous, ou du moins, on va essayer d'éviter. De toute façon je vais arrêter me promener trop souvent dans le labyrinthe et la forêt comme ça ce sera vite réglé. De toute façon, je ne le faisais plus depuis que j'étais gamine, là c'est juste parce que j'avais beaucoup de temps à perdre et que je me suis dit "pourquoi pas" que je me retrouve à errer dans les bois. En tout cas, Felice trouve que j'ai eu de la chance de vivre ça avec mon père, les balades dans la forêt. « Oui, c'est un des rares bons souvenirs que j'ai avec lui. » Je réplique d'un air à la fois nostalgique et troublé. En réalité, ces souvenirs-là sont nombreux, des souvenirs heureux de l'époque où j'étais innocente et pure et toutes les conneries que sont les enfants, tous ce qu'ils peuvent penser, que le monde est beau et que leur parents sont parfaits. Y a qu'à cette période-là de la vie qu'on a de véritables merveilleux souvenirs. Après en général, on se souvient trop bien d'un souvenir gâché par un truc beaucoup moins sympa. Enfin, peut importe. Quand la jeune femme m'explique qu'elle dessinait dans un arbre, je lui demande sans attendre si elle veut bien me montrer, et elle accepte volontiers. Je prends le carnet qu'elle me tend en lui adressant un sourire ravi. « Wahou, j'adore ! C'est trop beau, t'es super douée ! » Je m'exclame, et peut-être que j'exagère, je sais pas, mais c'est clair que c'est pas moi qui arriverait à faire ça. Elle me demande alors ce que c'est mon rêve le plus fou. « Heu... » C'est un peu soudain et inattendu comme question et sur le coup je sais vraiment pas quoi répondre. « Réussir à faire tous les trucs que j'ai marqué sur ma liste de choses à faire avant de mourir, sans doute. » Le rêve (nul) de ma vie, ou la réponse facile parce que je savais pas vraiment quoi lui dire, du coup c'est pas qu'un seul rêve, c'en est pleins à la fois que j'aimerais réaliser, mais je pense pas que ce soit possible, j'ai l'impression que j'aurais jamais le temps de tout faire. Mais bon, c'est pas grave, c'est comme ça, faut s'y faire, c'est tout.