Jardin désert. Pas étonnant, il fait nuit. Et la nuit, tout les chats sont gris, mais là il n'y a pas un chat parce que la maison se vide de plus en plus de toute façon. Elle réalisé que bientôt ce ne seront que quelques photos souvenirs collées sur un panneau dans un coin de son crâne et ça lui fait mal à Pia, mais sans doute moins mal que tout le reste. Elle avance sans trop savoir où aller, se contentant de respirer les arbres, de faire semblant d'être sensible au calme de la nature même si en réalité ça n'a jamais été le cas. Elle a la démarche un peu hasardeuse de ce qui ne savent pas si ils veulent s'asseoir ou marcher. Elle finit par s'asseoir sur le bord de la fontaine. Elle est remplie de pièces, cette fontaine. Elle se demande soudain si c'est pas la production qui l'a remplie au fur et à mesure, histoire de faire illusion. Elle sait pas qui parmi ses camarades auraient pu croire à de telles conneries. Mais il paraît que si on retire la pièce de l'eau c'est comme si on volait un vœu, alors elle n'y touche pas Pia. Elle croit en rien mais elle veut bien essayer de respecter, et qui sait, si c'était vrai, elle s'en voudrait d'avoir avorté la réalisation du rêve d'un des autres candidats. Elle sait à quel point ça compte, les rêves, Pia. Trop. Beaucoup trop. Elle sort une clope du paquet qu'elle serrait dans sa main, trop fort justement. Elle s'amuse à la faire tourner entre ses doigts et c'est un geste maladroit mais elle parvient à ne pas la faire tomber jusqu'à ce qu'elle remarque du coin de l’œil le déplacement furtif d'une silhouette qui vient d'apparaître dans son champ de vision. Elle relève la tête, venant fixer ses prunelles sur le nouvel arrivant. « Salut. » Un sourire trop gris pour être vu lorsqu'il fait nuit se dessine timidement sur ses lèvres. Elle s'étire paresseusement, les yeux clos, avant de rouvrir les paupières, laissant échapper un soupir qui veut trop en dire ou pas assez. « J'ai pris ce paquet de clope qui traînait sur la table de cuisine, tu vois. Et en fait je me suis rendue compte que j'fumais pas. C'est con, n'est-ce pas ? ». Elle rit d'un rire qui ne rit pas. « T'en veux une ? ». Elle propose, tendant le paquet, dans une démarche qui veux dire, s'il te plaît, reste avec moi.

Il devait s’y attendre. Discuter avec Jessica l’a maintenu éveillé, suffisamment pour qu’il ne soit plus fatigué. Résultat des courses, le schéma habituel reprend. Il est fatigué, mais pas assez pour sombrer dans le sommeil. Alors inutile de lutter, il se connait. Il préfère donc quitter l’intérieur du nid pour l’extérieur. Bien qu’ils soient en Australie, le climat se rafraîchit une fois la nuit tombée, et l’air frais lui fait toujours du bien quand il est fatigué, énervé, triste. C’est un allié infaillible. Et il espère qu’il ne lui fera pas faux bond ce soir. Dans l’idéal, il effectuera une petite promenade à l’extérieur comme il en a l’habitude, puis quand viendra le moment de rejoindre le nid, une série de bâillements l’obligeront à se trouver un coin pour dormir. Là, il ne mettra que quelques minutes avant de sombrer dans le sommeil, avant de se réveiller une poignée d’heures plus tard, par son cauchemar habituel. Il marche donc d’un pas lent, jusqu’à ce qu’il se retrouve sur le chemin de la fontaine. Il n’est pas du genre à croire au hasard. Il n’est pas superstitieux et ne s’en remet pas non plus au destin. Mais ce soir, il est attiré par cet endroit. Peut-être parce qu’il a touché le fond, et qu’il est prêt à n’importe quoi pour regagner un peu d’argent maintenant que la roulette russe n’a rien trouvé de mieux à faire que de réduire sa cagnotte à zéro. Alors oui, même s’il continue de ne pas croire en cette fontaine, il peut toujours tenter de lancer une pierre, il ne perd rien. Il s’avance et constate avec le peu de lumière qui éclaire la fontaine, qu’une silhouette qu’il n’avait pas vue et déjà présente. Il pense reconnaître Pia, et sa voix l’aiguille définitivement sur cette identité. « Salut. » Il répond par pure politesse, tout en s’arrêtant net, restant debout à quelques pas de Pia. Il n’y a pas trente-six solutions qui expliquent sa présence ici, il ne voudrait pas déranger. La réflexion qu’elle lui fait par la suite lui provoque un léger froncement de sourcils. Elle a pris ce paquet de clopes qui traînait sur la table de la cuisine. Mais elle s’est rendue compte qu’elle ne fumait pas. Si c’est con ? « Un peu, oui. » Autant être honnête, il ne peut pas mentir tant la situation est risible. « Comment on peut oublier qu’on ne fume pas ? » Il demande, d’une voix neutre, de celle qui ne porte aucun jugement. Certes, ça lui parait bizarre que l’on puisse oublier un tel détail, mais qui sait, elle a sûrement ses raisons. La précipitation de sortir à l’extérieur, un esprit occupé par des pensées peu réjouissantes ou une simple envie d’avoir quelque chose dans les mains. « Mais oui, je veux bien. Merci. » Il dit, s’emparant du paquet avant de sortir une cigarette qu’il vient plaquer entre ses lèvres. Et il garde le paquet, bien entendu, puisqu’elle ne fume pas, il ne voudrait pas qu’elle cède à la tentation de commencer parce qu’elle a le paquet en mains. Alistair ou la bonté incarnée, hm. Ou peut-être que ça lui fait simplement plus de clopes pour lui permettre de se détruire les poumons encore plus vite. Il cherche son briquet dans sa poche et allume sa cigarette tandis qu’il prend place sur le rebord de la fontaine, n’oubliant pas de marquer une légère distance avec Pia. « La première heure est gratuite, si ça t’intéresse. » Il parle à la façon d’un psy qui tenterait d’appâter un nouveau client en lui offrant une heure de consultation gratuite, censé le convaincre de dépenser une fortune par la suite. Mais il n’est pas dupe Alistair, il connait peu Pia, mais il a bien entendu son rire pas aussi réjouit et sincère qu’à l’accoutumée. « Je ne suis pas très bavard, mais ça ne veut pas dire que je ne sais pas écouter. » Il précise, plus explicitement. Peut-être qu’elle va très bien, en fait, et qu’il se trompe. Peut-être que ça va pas vraiment et qu’elle ne compte pas se confier à quelqu’un qui peut apparaitre comme inconnu à ses yeux en comparaison de certains. Ou peut-être que justement, c’est ce dont elle a besoin.