C’est l’heure du déjeuner et, par conséquent, l’effervescence dans la cuisine. Elle prépare son repas sans se soucier des autres, estimant qu’ils sont assez grands pour se faire à manger tout seul, et elle n’est pas assez généreuse pour daigner cuisiner pour tout le monde. Et puis, elle suit un régime strict, elle n’a aucune envie de manger les mêmes cochonneries que les autres. Elle mange de son côté, parce qu’elle aime savourer son repas plutôt que d’en oublier les saveurs des produits parce qu’elle est trop concentrée sur le fait de tenir une conversation. Elle a suffisamment de temps pour parler aux autres, ce n’est pas un problème. Elle ne se soucie donc de personne, y compris de son partenaire. Ils ne sont pas proches, tout le monde s’en est probablement rendu compte. Elle sait qu’elle ne fait rien pour arranger les choses, elle n’a pas l’habitude d’être dépendante de qui que ce soit et, binôme ou pas, elle vit, pour l’instant, cette aventure uniquement pour elle. Alors quand il lui demande si elle est douée avec les roulettes et les machines à sous, parce qu’il aimerait savoir comment cela fonctionne, elle se contente de murmurer un « je me débrouille. » en levant la tête pour croiser le regard de son partenaire, quelque peu sceptique. Elle n’est pas croupière, mais elle est habituée à fréquenter les casinos, ainsi elle connait quelques astuces, bien qu’elle soit loin d’avoir les capacités de Rain Man. « Si tu veux. » Elle lance, en haussant les épaules. Si ça peut lui faire plaisir. Elle n’a rien de mieux à faire de son après-midi, de toute façon. Et puis, il faudrait bien qu’elle essaie de faire des efforts. Il a bien confié qu’il placerait son destin entre ses mains – grossière erreur – elle peut bien lui offrir un cours privé. Après son déjeuner, elle se rend donc au casino, là où elle est supposée retrouver Léo. Il ne tarde pas à la rejoindre et elle n’écoute pas ses paroles, trop accaparé par la tenue qu’il porte. « Attends. » Elle lui ordonne tandis qu’elle observe le peignoir qu’il porte. Elle a un mauvais pressentiment. Elle s’approche et le contourne, muette. Et puis, elle découvre son prénom brodé et elle laisse échapper un soupir avant d’adresser un regard noir à Léo. « Enlève ça tout de suite. » Hors de question qu’il profite de ses affaires. Son peignoir, qui plus est. Celui dans lequel elle s’enveloppe à chaque fois qu’elle sort de la douche. Et même si elle le lave tous les jours, elle n’est pas d’accord de partager cet objet si précieux avec Léo. « Est-ce que je touche à tes affaires, moi ? Non. Alors tu ne touches pas aux miennes, compris ? » Elle n’aime pas partager ses affaires. Elle n’a jamais aimé. Que ce soit sa nourriture ou ses vêtements, peu importe, ce qui lui appartient n’appartient pas aux autres, point barre. Alors s’il compte effectivement avoir le droit à quelques conseils sur les jeux de hasard, il a tout intérêt à ne pas l’énerver. Et autant dire que c’est mal parti.

Elle sait que faire un scandale pour un simple peignoir pourrait être mal perçu. Nul doute qu’elle sera sûrement cataloguée de gosse pourrie gâtée qui n’a jamais eu de véritables problèmes dans sa vie. Mais le fait est qu’il vient de commettre l’irréparable : on ne touche pas à ses affaires. Elle n’a pas à une tête à être généreuse, Mylah, tout le monde le sait et lui aussi. Mais il se sent obligé de l’emmerder dès que l’occasion se présente. Oh, elle n’est pas stupide, elle remarque ses petits gestes, comme déplacer ses affaires ou justement, les emprunter. Sans parler du fait qu’il lui demande parfois ce qu’elle veut, alors qu’il sait très bien qu’elle ne sait jamais ce qu’elle veut quand elle est confrontée à plusieurs choix. En toute logique, elle exige donc qu’il enlève ce vêtement de suite. S’il a un minimum de bon sens, il le fera, ne serait-ce que par respect pour les affaires d’autrui. Or, c’est un non catégorique qui sort de sa bouche. « Pardon ?! » Il se moque d’elle, pas vrai ? Il va lui sortir une connerie dont lui seul a le secret, à base de ‘’et le mot magique’’, elle en est persuadée. Or, ce n’est pas le cas, il se contente d’affronter son regard. Elle soupire et sa mâchoire se crispe. Elle ne demande pas grand-chose, simplement qu’il enlève SON peignoir, qu’il s’est permis d’emprunter sans même lui en demander la permission. Pas qu’elle aurait accepté, mais question de principe. « Je vais te dire ce qui marche dans la vie, c’est le respect. Et on ne peut pas dire que tu en fasses preuve. » En plus de lui piquer ses affaires, il compte lui donner une leçon, elle aura tout vu. Elle avait raison d’appréhender ce partenariat depuis le début. « Évidemment qu’il est plus propre. » Elle siffle entre ses dents. C’est une évidence que le peignoir de la jeune femme est plus propre que celui de Léo, pour qu’il le soit encore faudrait-il qu’il prenne le chemin de la laverie et elle ne l’a encore jamais vu se diriger là-bas. Elle serre les dents et se crispe quand il se love dans son peignoir. Son peignoir à elle. Si elle s’écoutait, elle lui sauterait dessus sans attendre pour le lui arracher. Il sait aussi bien que Mylah que la blonde est en mesure de se défendre, même si elle ne le montre pas. La seule chose qui le sauve, c’est qu’elle n’a aucune envie de passer pour une sauvage aux yeux des téléspectateurs, elle qui tente d’être constamment distinguée. Et puis, voir son aventure Fake Lover écourtée pour violence physique, ça la poursuivrait durant des années. Le compromis qu’il lui propose manque de la convaincre de se jeter sur lui, mais elle tente de se maîtriser et se contente de serrer le poing. « Je te rassure, je connais les compromis. Mais je les accepte uniquement quand j’ai quelque chose à y gagner. En l’occurrence, avec le tien, je ne gagne rien. Si je lave ton peignoir avec le mien, tu seras gagnant, idem si je ne m’en occupe pas, tu continueras à utiliser le mien. » Certes, l’option qui consiste à laver celui de Léo en même temps que le sien lui permettrait de s’épargner la vision d’horreur du candidat profitant de son peignoir à elle, mais il aurait gagné dans ce cas-là et il est hors de question qu’il domine la situation. Et puis, par principe, il s’agit ni plus ni moins de chantage pour renverser la situation en sa faveur. « À choisir, je préfère laver mon peignoir quinze fois par jour pour éliminer ton odeur, plutôt que de devenir ta boniche. » Elle le répète, ce n’est pas marqué femme de ménage sur son front, elle ne voit pas pourquoi elle devrait faire la lessive du jeune homme. Si les rôles étaient inversés, il ne prendrait pas la peine de lui faire sa lessive. « Je n’ai pas besoin de me connecter avec toi. Et puis, ce n’est pas ainsi que l’on va y arriver. » Clairement pas, ils régressent plus qu’ils n’avancent. « Autant te dire que le cours privé de cet après-midi est annulé. » S’il est encore nécessaire de le préciser.