+ @MYLAH

Cette journée s'écoulait lentement, peut-être un peu trop d'ailleurs puisque j'avais clairement le temps de penser et de repenser au départ spontané d'Ariadne. Départ qui m'affectait, mais évidemment, j'étais bien trop fier pour le montrer. Trop fier ou trop renfermé, voyez-en là un dilemme à résoudre. A vrai dire, je ne savais pas bien ce qui m'affecter, puisque je ne la connaissais que depuis une poignée de jours lorsque l'on y repensait, ce qui n'était clairement pas assez pour qu'une personne manque à quelqu'un si ? Elle ne me manquait pas, non, j'aurais simplement aimé avoir des réponses aux questions que je me posais. Mais ça n'était peut-être pas mes affaires, et si j'avais l'impression que nous naviguions sur la même barque, mes camarades et moi, il était évident que ça n'était pas le cas. Chacun était là pour sauver sa propre peau et n'hésiterait pas à balancer certains de son entourage à la flotte pour ne pas que son navire coule. Je n'étais pas de cela, non, bien que je ne savais en réalité pas dans quelle classe je pouvais me ranger. Je ne savais même pas quel était le but de tout ça, du moins, quel était le mien. Au final, je crois qu'il ne me tardait qu'une chose, que cette journée se termine pour pouvoir enfin tourner la page et entamer convenablement ma semaine. On ne pouvait pas dire qu'en cette fin d'après midi, j'avais particulièrement faim, non, d'ailleurs je n'avais pas mangé de toute la journée, l'appétit n'y étant pas réellement. A la place, je m'étais rendu au salon de thé où je m'étais servi un thé noir, juste de quoi me réchauffer un petit peu, pendre une nouvelle saveur aux bouts de mes lèvres en noyant mes pensées dans une tasse bouillante. C'était à ce moment là que Mylah avait fini par arriver. « Tu étais impressionnante hier. » la complimentais-je en me rappelant de la plupart de ses tirs exécutés avec succès lors de la partie de paintball. Réellement, je ne regrettais pas de l'avoir touché par erreur, puisque cela m'avait permis de conclure qu'il s'agissait d'une réelle battante. Oui, elle n'avait pas l'air d'avoir peur de grand chose.

Il n’est pas loin de dix-huit heures en ce lundi et Mylah erre dans les couloirs. Habituellement, à cette heure-ci, Mylah termine son travail. Son travail, d'ailleurs, lui manque atrocement. Elle s’en rend compte chaque jour, quand elle repense à un dossier qu’elle doit boucler avant de se rendre compte qu’elle ne peut pas, quand elle a une illumination à propos de ses contacts à travers l’Europe ou même quand elle cherche son téléphone dans sa poche. Il faut qu’elle s’occupe, sans quoi elle fera une dépression. Oui, son travail est sa raison de vivre et ne pas l’exercer la déprime au plus haut point. Elle prend la direction de l’extérieur, sans trop savoir pourquoi, peut-être parce qu’elle a tendance à être un chat d’intérieur depuis qu’elle est ici et qu’elle se rend rarement à l’extérieur. Elle passe par le jardin exotique, marche à nouveau à sa façon sur l’allée et continue de cette façon, évitant de marcher sur des catelles qui se touchent directement, esquissant des pas bizarres, jusqu’à se rendre au salon de thé. Là-bas, elle est arrêtée par Clarke, candidat dont elle ne connait que le prénom, mais qu’elle apprécie déjà à entendre son commentaire. « Je fais du tir depuis mes seize ans, l’inverse aurait été honteux. » Elle rétorque, en haussant les épaules et en esquissant un bref sourire. Il est vrai que si chacun de ses tirs avait été raté, elle n’aurait parlé à personne de sa capacité au tir, parce qu’elle ne serait pas crédible. Oh, certes, dans l’effervescence du moment elle a eu quelques loupés, mais dans l’ensemble elle s’en sort plutôt bien, notamment avec ses deux headshots et son deux en un. « Tu te débrouilles, pour ta part. Je te dois un bleu sur la jambe. » Elle ne compte pas le flatter plus que cela, d’autant plus qu’il a eu plus de raté et de tirs sur coéquipier qu’elle, si elle se souvient bien. Et puis, puisqu’il est à l’origine du bleu qui orne sa cuisse, elle ne va pas encore le féliciter sur la précision de ses tirs. « Tu me sers, s'il te plait ? » Elle demande innocemment avec un sourire aux lèvres, en observant la tasse qu’il a dans les mains. C’est ainsi qu’elle va l’amadouer, il ne va pas pouvoir résister à ses yeux de biche, surtout pas après qu’elle lui ait prêté la responsabilité d’un de ses bleus, n’est-ce pas ? Et puis, son regard croise celui de Clarke et elle cesse de prêter attention au reste. C’est donc lui, le type aux yeux vairons. Elle en avait entendu parler, mais n’a jamais fait attention. Faut dire qu’elle ne s’est jamais retrouvée aussi près de lui. « Tes yeux sont particuliers. Tu n’as jamais pensé à mettre des lentilles pour qu’ils soient de la même couleur ? » Elle réfléchit à voix haute, et ça sonne comme une question. Mais maintenant qu’elle a remarqué sa différence, elle ne se focalisera que sur cela. C’est comme les yeux de Sayid, la peau d’Imma, le visage d’Adélie. Elle ne voit pas le problème à être original – même si elle n’adhère pas à cela – mais tout de même, il faudrait faire quelque chose pour rendre son regard plus harmonieux. Il n’y a pas que le regard du candidat qui la perturbe, mais aussi la disposition du lieu, puisqu’elle se met à accrocher les rideaux plutôt que d’en laisser un sur quatre ouvert, et elle remet les coussins en place avant de s’asseoir.