Je me dois bien de l'avouer: j'étais carrément désœuvrée,en ce quatrième soir à Fake Lover. Je n'avais pas l'habitude de rencontrer autant de nouvelles personnes d'un seul coup, et encore moins d'essayer d'être gentille avec tout le monde, comme ça. Le pire, je crois, c'est qu'il n'y avait pas énormément de choses à faire. Quand on est habitué à son petit monde, avec une routine bien établie... C'était beaucoup de chamboulements en très peu de temps, si vous voulez mon avis. Après avoir pris un repas léger, je me suis mise en marche, tentant d'explorer l'hôtel de fond en comble. Cela serait probablement une tâche ardue, puisqu'on ne pouvait pas dire que notre nouveau domaine était petit... Au moins, cette tâche aurait le mérite de m'occuper. Quittant la cuisine, je me suis dirigiée vers le cellier, puis j'ai rebroussé chemin et j'ai pénétré le grand salon, où plusieurs autres candidats s'affairaient. Je leur ai lancé un sourire qui se voulait amical, puis je me suis éloignée en direction de la sortie. Alors que j'allais passer la porte, un peu dans la lune, j'ai violemment heurté quelque chose... ou plutôt, quelqu'un. Une jeune fille brune se tenait devant moi. Si je me fiais à ma mémoire, elle se prénommait Lula, ou quelque chose du genre.
«Je suis désolée, j'aurais dû faire plus attention... Moi, c'est Tara.»
Je lui ai souri, me demandant si j'allais simplement passer mon chemin pour continuer ma si palpitante exploration. Finalement, je me suis décidée à rester là. Après tout, on était dans le jeu pour rencontrer les autres candidats, pas pour les éviter, non?

Ma première impression de cette Louise qui préférait qu'on l'appelle Lula était plus que positive. D'accord, je n'avais pas grand chose sur quoi me baser, mais... Ne dit-on pas que les premières impressions sont un bon indicateur de ce que la personne est réellement? Les premières rencontres dans ce contexte de télé-réalité étaient toutes un peu biaisées, car personne ne souhaitait, évidemment, se forger une réputation négative dès le commencement. Mais il y avait tout de même ce feeling, qui me força à lui sourire et à renoncer à mon exploration. Sa remarque à propos de mon physique me désarçonna quelque peu. J'étais habituée à me faire draguer plus ou moins subtilement par des hommes qui se croyaient irrésistibles à cause de leurs muscles et de leur pilosité, mais jamais une fille ne m'avait complimentée de façon franche et objective.
« Eh bien, merci. Lula ce sera, alors. Ça vient d'où, ce surnom? »
Je lui ai souri, détendue. Si j'avais percuté une personne un tant soit peu colérique, tout aurait pu dégénérer, ou au moins être moins agréable. Chose qui ne me tentait absolument pas. Les disputes et prises de tête, très peu pour moi. J'aimais les amitiés simples, pas les histoires compliquées et complètement accaparantes. Non, je ne comprenais pas cette tendance qu'avaient les gens à vouloir tout compliquer, tout le temps...

Je me suis installée près d'elle sans hésitation. Elle me demanda ce qui m'avait poussée à m'inscrire, et je dois avouer que j'ai eu un moment de réflexion. Pourquoi, hm? Plus le temps passait, et moins j'avais l'impression de comprendre les raisons de mon inscription.
«Eh bien... Je ne sais pas vraiment. Ça va sans doute paraître niais, mais j'ai toujours voulu vivre l'amour, tu sais, celui dont on parle avec les yeux brillants et dont tout le monde, ou presque, rêve. Je me suis dit que je ne serais sûrement pas la seule avec cette "ambition", ici. Et puis, j'étais presque sûre de ne pas être choisie, donc je n'avais jamais vraiment mesuré les implications d'une telle inscription. Et toi? »
Je l'ai observée en silence, attendant qu'elle réponde. Après la journée d'hier, avec le jeu de vérité et action et la musique qui m'avait poussée à aller l'embrasser, j'imagine que j'aurais pu être vraiment mal à l'aise. Même que j'aurais dû être mal à l'aise. Pourtant, à Fake Lover, tout était bien différent de la réalité, de cette vie quotidienne que je menais. C'était un jeu, un environnement vraiment trop différent pour être complètement soi-même. C'était regrettable, quand même. L'une des seules promesses que je m'étais faites en entrant ici, c'était de ne pas agir trop différemment. C'était relativement mal parti...
«Est-ce que tu as l'impression de ne plus être totalement toi-même depuis ton entrée ici, ou c'est seulement moi? »
J'espérais ne pas trop lui faire peur en lui demandant cela. Après tout, la dernière chose que je désirais, c'est que tout le monde pense que je jouais un double jeu, ou quelque chose du genre.

« Tu me brises le coeur, je croyais que tu avais trouvé l'amour depuis que tes lèvres s'étaient posées sur les miennes. » J'éclatai d'un rire plus ou moins convaincu lorsque Lula prononça ces paroles. Son ton me confirmait qu'elle était sarcastique, tout comme son rire. Je n'avais pas vraiment peur qu'elle se moque de moi - elle le pouvait si elle le désirait, même si ça ne semblait pas être tout à fait son genre - la seule personne dont j'avais "peur", c'était moi. Je n'aimais pas agir de manière déraisonnée, et le regretter après. J'imagine que je me posais trop de questions futiles, et que je me torturais inutilement lorsque j'avais à faire un choix. Mais tout ça, c'était une autre histoire, bien loin de cette petite conversation tranquille avec Lula sur un canapé. Je l'ai écoutée avec beaucoup d'attention alors qu'elle parlait des raisons qui l'avaient poussée à s'inscrire ici. Je l'admirais, en quelque sorte, d'être venue ici avec un but qui n'était ni l'argent ni l'amour. Je lui souris, étrangement heureuse d'être (littéralement) tombée sur elle en cette soirée.
« Je ne vois pas du tout en quoi ton but serait moins recherché que le mien, au contraire... Mais tu as tout à fait raison. L'amour à la télévision, c'est un contraste étonnant, mais peut-être pas si négatif, non? Je veux dire, oui, il y aura des candidats uniquement là pour l'argent, et d'autres qui joueront des jeux, mais... Je sais pas, ça peut sûrement mener à quelque part tout de même. Je dois être dure à suivre, là, non?»
Je m'esclaffai, consciente du fait que ce que je venais de lui dire était tout à fait clair dans la mienne, mais que ce n'était peut-être pas le cas pour elle.
Lorsqu'elle me demanda ce que je voulais dire, je me suis étirée, tentant de trouver les bons mots, cette fois.
«Bien... Qu'on le veuille ou non, FL demeure un jeu, et il y a certaines règles auxquelles il faut que l'on se plie. C'est un contexte vraiment hors de l'ordinaire, même si on appelle cela télé-réalité, et j'ai l'impression que je me mets trop de pression pour ne pas faire mauvaise impression, et pour ne pas désobéir aux règles. Juste cette histoire de baiser avec la petite musique, la Tara hors de l'émission n'aurait sans doute pas réagi de la même manière.» Je l'ai regardée en souriant légèrement en coin, me demandant si elle allait m'appuyer, ou le contraire.

« C'est clair qu'il existe des manières plus simples de gagner de l'argent... mais il existe également d'autres façons de trouver l'amour, non? »
Je comprenais le point de vue de Lula, mais je ne parvenais pas à me convaincre qu'aucun candidat ne participait pas pour l'argent. Lorsque la jeune femme me demanda sous le ton de la confidence si j'avais remarqué un participant plus intéressant que les autres, j'ai senti le rouge me monter aux joues. J'ai réfléchi un moment en silence, repassant en revue les visages des divers jeunes hommes croisés jusqu'à présent. « Sincèrement, non. Bon, il y en a plusieurs qui n'ont rien à envier à personne, physiquement, mais je les connais encore trop peu pour pouvoir avoir une opinion bien forgée... Et toi? » J'avais parlé d'une voix aussi peu forte que la sienne, comme pour échapper aux caméras et à leur oeil indiscret - tentative probablement vaine.
J'ai souri en entendant Lula dire qu'elle ne croyait, pour le moment, pas avoir dérogé à ce qu'elle était habituellement. Je l'enviais un peu, tout en me disant que je ne faisais probablement que m'adapter pour ne pas être complètement détruite par ce jeu qui, tout de même, était assez pervers. « Oh, c'est certain qu'il doit y avoir quelque chose d'intéressant à nous regarder tourner en rond dans cet hôtel, pour que les cotes d'écoutes soient si fortes. À moins que les gens soient tout simplement devenus aussi voyeurs que nous sommes exhibitionnistes... »
Je souriais tout en disant ces quelques mots, prouvant que je n'avais rien contre les télé-réalités du genre. Il aurait tout de même été hypocrite de détester ce type d'émission et d'y participer, tout de même...