La douche. La Renaissance comme je l'appelais dans mon jargon. Symbolique de réincarnation après les soirées dites « fracasse » que j’enchainais sans cesse, ce moment était sans aucun doute le plus indispensable et sacré de mes journées. J’étais pour cela réglé comme une horloge. Dix-sept heures vingt précises. Chaque jour à cette heure, je quittais mon lit et m’isolais dans la salle de bains pour d’interminables minutes pendant lesquelles je tâchais de me préparer au mieux pour la « nuit » qui m’attendait. Malgré que l’alcool ne coulait pas particulièrement à flots au cours des veillées dans le Nid d’Amour, je m’étais promis de ne jamais déroger à mon rituel. Ce soir même, je devais me faire le plus étincelant possible pour encaisser une nomination qui planait sur ma tête comme une épée de Damoclès. Je quittai donc mon lit sur lequel j’avais végété toute la journée pour la cinquième journée consécutive. Je me demandais d’ailleurs comment les habitants arrivaient à se distraire dans une ambiance si oisive et éteinte. Mes pas lourds me menèrent dans la salle de bain où je me déshabillai impudiquement avant d’offrir enfin mon corps divin aux litres d’eau qui s’abattaient sur moi. Les minutes défilèrent sans que je ne bouge d’un quelconque centimètre ni que je me soucie de la quantité d’eau chaude à disposition des autres. Une seule devise pour moi dans la vie en colocation « chacun pour soi ». Cet idéal ne devait sans doute pas rallier tous les suffrages mais une chose était sûre, jamais ici je ne lui serai infidèle. Un sourd bruit provenant du couloir jouxtant la pièce me tira de mes songes et j'aperçus sans plus attendre une silhouette féminine s'introduire dans la pièce. Le prénom de la jeune femme me revint naturellement, j'avais évidemment usé d'un moyen mnémotechnique pour m'en souvenir et j'avais bien l'intention de partager ce dernier avec elle. Immédiatement donc, je coupai l'eau, interceptant le regard de la candidate avec un sourire radieux aux lèvres.

Dis, Lula c'est pas un prénom de putain ça ? demandai-je avec un naturel déconcertant.



hj: t'excuseras la petite référence à saez, c'est tout ce qui m'a inspirée, j'suis incorrigible.

Un rire. Un rire ?! C'est tout ce que ma grossière déclaration inspirait à la jeune femme qui se tramait ici. Je levai les sourcils profondément déçu de n'avoir pu susciter en elle qu'un amusement sincère, cela n'était clairement pas l'intention de mon appel. J'aurais espéré voir un visage fou de rage, ou même entendre jaillir une insulte désobligeante. Mais rien ne vint, juste un ricanement puis un regard soutenu. Je laissai s'échapper un long soupir d'entre mes lèvres, déclarant d'un ton profondément dépité :

Non mais t'es pas drôle. Gifle moi, fais semblant d'être outré, fais quelque chose avec laquelle je pourrais m'amuser quoi.

Mes yeux se levèrent au plafond dans un automatisme presque consternant. Je décidai de ce fait d'ignorer la candidate mais ma résolution ne fit pas bien long feu. Sa réaction m'avait surpris, certes, mais j'étais enfin satisfait de voir qu'une personne possédant un minimum d'auto-dérision errait dans les couloirs sinueux de notre habitation. Après un bref moment d'hésitation, je m'avançai vers elle, m'assis sur le rebord de la baignoire dans laquelle elle s'était immergée puis tirai expressivement sur l'élastique de mon boxer dont j'estimais à trois jours la dernière fois où je l'avais changé.

Et comment.

Subitement je me relevai, mains sur les hanches et air grave greffé au visage, mes yeux oscillant entre son corps et son visage, je ne pus empêcher une grimace de crisper mes traits.

Enfin non laisse tomber, pas assez mince. Et c'est un euphémisme crois-moi.