La nourriture ici est tellement dégueulasse que même si son estomac commence à crier famine Salomée n’est pas décidée à aller poser ne serait-ce qu’un orteil dans le réfectoire. C’est limite s’ils n’ont pas mis de la mort aux rats dans leurs lentilles. Au lieu de ça il est beaucoup plus plaisant de contempler les dessins de prisonniers sur les murs, c’est clair. D’ailleurs à force de s’attarder sur ce genre de détails ils vont tous finir psychotiques et compatir avec tous les criminels qu’on met en prison. C’est vrai, ça ne fait que trois jours qu’ils sont enfermés et déjà certains pourraient trouver que même un meurtrier violeur ne mérite pas cette potence. Tiens, demandez aux deux zigotos d’à côté. La rousse est prise d’une question existentielle. La réponse de Salomée ne se fait pas attendre, virant son regard azur vers la poupée rouquine elle annonce platoniquement. « C’est la même chose. » Sauf qu’on s’en moque finalement. Connasse de rousse. Arquant un sourcil irrité et pressant ses molaires elle préféra retourner à l’analyse de ses dessins plutôt que de laisser échapper une réflexion désobligeante. Sinon elle c’est Jade. Noté. Dans une totale mauvaise foi la blonde avait la fâcheuse envie de ne pas lui répondre pour les laisser dialoguer tous les deux, entre sorcière du moyen-âge et mec sous protéines. Il devait mal vivre la bouffe de la cantine lui. Plus que les autres, s’entend. « Salomée. » finit-elle par lâcher en daignant leur accorder son attention.

Retournant dans sa cellule, Lloyd n'a qu'une idée en tête enlever ses chaussures l'espace de quelques instants. Le confort de ses vêtements ne lui manque pas encore, au fond il n'est pas très compliqué à satisfaire côté fringues, mais ses chaussures... leur semelle délicate et moelleuse qui accueille son pied comme un chausson. Ah. Il lui tarde de les retrouver. À cet instant elles lui manquent presque autant qu'Arthur. La conversation en cours dans sa chambre de fortune le laisse perplexe, pour lui clairement il n'y a pas de discussion possible. « Je suis pas d'accord, l'hôpital psychiatrique c'est pire. Déjà parce qu'une fois que tu y entres, tu perds grandement tes chances d'en sortir, puis si tu as une maladie génétique, c'est pas de ta faute, t'y peux rien. La prison t'es responsable de ta situation et tu sais que tu en sortiras. Ou non selon la sanction, quoique tu peux toujours faire appel. » explique-t-il sans trop de fougue, les gens ont tendance à prendre la passion pour une agression quand ils ne sont pas connaisseurs du milieu du droit. Les avocats ont leurs petits travers et c'est bien pour ça qu'ils s'entendent si bien entre eux, hors des salles d'audience. Snö connait déjà Jade, ils sont dans la même équipe et elle a une chevelure assez mémorable pour qu'il n'ait pas pu l'oublier. L'autre en revanche... elle lui a échappé jusqu'ici, un mal qu'il tentera de réparer une fois que son prénom, Salomée, sera gravé dans son crâne. D'ici quelques jours probablement. « Lloyd-Snö. » les informe-t-il en s'allongeant sur sa banquette, ses yeux noirs étudiant l'espace de quelques secondes la planche qui sert de sommier au lit du dessus, celui de Lawrence. « Vous savez s'il y a du lait dans ce trou ? Leur café est imbuvable noir... » Lloyd aime le café, le bon café, les grands arabicas et autres grains bien réputés. Le café lyophilisé qui fait de la mousse, très peu pour lui, ou alors avec beaucoup de lait, un lait qu'il n'a pas encore trouvé et qui s'annoncera bientôt nécessaire.

Les deux nazes se faisaient un débat sur l’imbattable. Mon dieu comme ça lui faisait mal tous ces efforts de socialisation surfaits. « Dans les deux cas les gens sont dérangés psychologiquement. » Oui, oui, elle suivait leur conversation en même temps que son analyse des petits dessins et elle maintenait que l’un ou l’autre c’était pareil. Dans les deux cas l’enfermement bouffait la vie, d’une façon différente certes mais petit à petit ça éliminait tout ce qu’il y avait autour de la personne jusqu’à ce qu’il ne reste plus que le personnel pour discuter avec elle de temps en temps. L’avis de la française sur le sujet était radical, peut-être l’aurait-il été un peu moins si elle avait plus réfléchi à la question en remettant en cause son savoir personnel sur le sujet. Pour le moment elle s’en foutait complètement. Bref, Jade et Llyod-Snö. C’était imprimé. Le mec voulait du lait dans son café, il n’avait pas dû tout comprendre au fonctionnement des abysses lui. « Grave, même si t’en trouves y a 90% de chances que ce soit un truc périmé juste pour le plaisir du faux espoir. » Ou pour celui de créer une petite épidémie de gastro au sein de leur communauté et ainsi voir les toilettes dévastées. Après tout c’était la suite logique à la douche sans eau chaude. S’asseyant à son tour sur une banquette dont elle ignorait le propriétaire, elle ne savait même pas pourquoi elle avait fini par atterrir dans cette cellule plutôt que la sienne d’ailleurs, elle sortit de sa poche une boîte d’allumettes puisque les briquets avaient été confisqués. « Moi je suis à la recherche d’une clope. Il vous en reste ? » Là pour le coup elle avait très mal joué. Ses paquets étaient restés dans sa valise et prise par divers sentiments d'anxiété toutes ses cigarettes y étaient passées depuis la veille. En gros elle n’avait pas arrêté. La semaine allait être longue.

Elles font des objections tout à fait logiques à sa réflexion sur la question plutôt hôpital psychiatrique ou prison ? D'ordinaire, Lloyd-Snö n'est pas du genre à refuser un petit débat de fond ou de forme, mais dans les moments où il se laisse emporter par la passion qui fait qu'il est si bon dans son l'exercice de son métier. C'est sans tristesse qu'il leur concède un round. Qu'il laisse le sujet être changé, un peu à contrecoeur. « Peut-être... je sais pas. J'y avais jamais vraiment réfléchi. Le mieux ça reste de n'être ni dans un HP, ni en taule. Pas de chance pour nous. » fait-il, un peu rêveur, en s'imaginant allongé sur un queen size à la fois dur et accueillant, plus confortable que le matelas mi-planche de bois mi-plaque de pierre sur lequel il repose en ce moment. Les réponses de ses camarades le font soupirer. Ne pas pouvoir compter sur la caféine, s'ils étaient installés dans une magnifique villa ne serait pas un problème... mais dans une cellule de trois mètres par quatre, le café de qualité se faisait plus qu'important, il s'avérait vital. « Sans café ça va être très, très long comme semaine... » murmure-t-il plus pour lui que pour elles, comme une note préventive qui viendra se rappeler à sa conscience dans quelques heures quand il se fera servir une plâtrée indigeste par Margaret la cuisinière. Salomée, oui, c'est ça, Salomée, est à la recherche de clope, extirpant un paquet à moitié défoncé de la poche de sa combinaison de taulard, il l'interpelle en lançant l'étui dans sa direction en une boucle haute et lente, histoire qu'elle ait le temps de voir arriver le missile en carton.  « Sers-toi ! Tu peux leur demander des clopes, ils nous ont pas autorisé à prendre nos affaires mais ils ont mis des cendriers, je suis sûr qu'ils te fileront un paquet si t'es à sec. » après tout ils leurs avaient bien fourni une cantinière et lui n'avait pas récupéré son paquet de clopes, juste un paquet de clopes. « Une clope avec un bon café... hayy ! Ça serait le pied ! » s'excite tout seul un Lloyd-Snö de plus en plus désespéré par la perspective de passer cinq jours sans sa dose d'or noir. Il va devoir s'habituer à l'horrible boue qu'on leur sert, ses papilles en frémissent d'avance. La poisse.