@colin
Ils ont convenu de se laisser le lit et donc la chambre à tour de rôle. Et cette nuit c’est le tour de Scar de retrouver la sécurité de ce lit qu’elle a commencé à côtoyer depuis le début de l’aventure. Elle ne pensait pas du tout à s’habituer aussi vite à la chaleur de ces draps. Et surtout à la présence d’une personne qu’elle ne connait pas à son flan. Ce soir, elle est seule dans son lit et déjà qu’elle ne parvient pas à trouver le sommeil rapidement habituellement, là c’est pire. Elle reste cantonnée à son coin du lit, ne souhaitant pas prendre trop de place, comme s’il se trouvait toujours à côté d’elle. Son regard émeraude s’embue de larmes, parce qu’elle a entendu dire que Jade avait pleuré l’autre soir. Le cœur lourd elle se sent totalement incapable de sortir la tête de l’eau même pour sa sœur. Alors elle s’enferme dans une position fœtal, pleur dans un silence religieux et attend que ça passe. Comme une enfant épuisée par le chagrin elle s’endort rapidement pour se plonger dans un sommeil de plomb. Le genre qui vous laisse rêver d’un monde à la limite du réelle. Scar est là, dans sa chambre, à se regarder dans le miroir d’une vieille coiffeuse. Elle est d’un blond doré et ses yeux sont d’un bleu océan. Elle se reconnait immédiatement et un fin sourire satisfait de son reflet se dépose sur ses lèvres. D’un geste élégant elle sort une cigarette d’un écrin en argent qu’elle vient allumer délicatement. Elle laisse une emprunte rouge sur le filtre blanc. De sa main libre elle remet en place son peignoir qui couvre sa nudité, elle a encore le corps humide du bain qu’elle vient de prendre. Une odeur âpre de rose s’échappe de la salle de bain, pendant que la naïade elle se place devant un grand placard pour trouver une robe adéquate à la soirée qu’elle va certainement passée dans le cabaret d’en bas à draguer des minets qui ont survécus à la guerre. Elle dépose sa cigarette sur un cendrier en cristal qui trône sur une petite commode qui contient des étoffes de qualité. Elle enfile une robe corolle aux tons rouges derrière son paravent. D’un geste du pied elle ferme le tiroir du bas qui était resté entre-ouvert. Ce geste quotidien va faire rouler sa cigarette sur le sol et commence à enflammer une étoffe qui jonchait le sol. Puis une autre, et une autre. Et bientôt les murs de papiers s’enflamment, pendant que celle qu’elle incarne termine d’enfiler sa robe derrière un paravent en flamme. Scar dans son lit s’agite, roule sur elle comme pour éteindre les flammes. Son corps se contracte et son cœur semble vouloir éclater dans sa poitrine quand elle se réveille brutalement. En sueur elle quitte à toute vitesse ses draps pour aller chercher un peu d’air. Elle pousse sur ses jambes, éteint des flammes imaginaires et pousse la porte des escaliers pour venir les dévaler pieds nus. Son corps heurte celui d’un autre et elle se retrouve projeté en arrière, le cul sur les marches. Ses cheveux couvrant une bonne partie de son visage elle ne sait pas de qui il s’agit. Et ne souhaitant pas découvrir si elle est encore dans un rêve ou bien si elle se situe dans la réalité. Elle reste là, le menton emboîté entre ses genoux et le frisson qui laisse place à la chaleur étouffante, formant sur son épiderme des petits picots. La chair de poule la fait trembler, elle ferme ses yeux avec force et vient souhaiter qu’il n’y a personne en face d’elle.

Colin a rejoint le lit qu’il partage avec Gael assez tôt dans la soirée, chose quelque peu surprenante venant du jeune homme, plus habitué à se coucher aux premières heures du matin qu’à une heure dite « raisonnable ». Enfin, se coucher, c’est vite dit, il a fait la conversation à Gael jusqu’à ce qu’elle finisse par s’endormir – ce qui est arrivé assez vite en réalité, c’est limite vexant – avant de déserter à nouveau le lit. Il n’avait de toute façon pas tellement sommeil, et même en essayant de fermer l’œil, il a vite réalisé que c’était peine perdue. Prenant le chemin du bar (à quoi bon dire bar-bibliothèque s’il ne fait pas usage de la seconde utilité de la pièce), il pique une bouteille de Passoã, la première qui entre dans son champ de vision en fait, avant de prendre le chemin du rez pour fouiller la cuisine à la recherche d’un en-cas. Heureusement pour lui, il trouve un paquet de chips encore épargné par les voraces qui lui servent de colocataires, et il ne tarde pas à l’attaquer, véritable affamé qu’il est, bien que sa soif ne soit pas en reste puisqu’il ne manque pas de se réhydrater avec la bouteille piquée quelques instants plus tôt. C’était son anniversaire il y a encore quelques minutes et il n’a pas suffisamment fêté celui-ci à son goût. Une chose est certaine, dès qu’il sera de retour à l’extérieur, il organisera une fête digne de ce nom pour rattraper celle que ses camarades ne lui ont pas offerte. Tout de même, vingt ans, ça se fête, et il a vu que c’était des sacrés pochtrons pour certains, il leur donnait une occasion en or de se mettre la tête à l’envers. Ils ne savent pas ce qu’ils ont raté, malheureusement, hm. Puisqu’à cette heure-ci il n’y a quasiment pas âme qui vive, il reste accoudé au comptoir de la cuisine, seul avec ses pensées, et surtout, sa bouteille. Ce n’est pas le meilleur truc qu’il ait bu, mais clairement il ne fait pas la fine bouche à son âge, il prend ce qu’il trouve et ça lui convient très bien. Tandis qu’il termine son paquet de chips avec regrets et qu’il laisse un fond de bouteille pour pouvoir se vanter d’en avoir laissé aux autres, il se dit qu’il est enfin temps pour lui de rejoindre le lit et d’y comater jusqu’aux premières heures de l’après-midi. Faisant le chemin inverse, il décide de prendre les escaliers, bien que ce ne soit pas une très bonne idée. Il n’est pas complètement bourré – il a commencé à boire bien avant d’avoir l’âge légal (bien qu’il ne l’ait toujours pas dans son pays, en fait) il a désormais une capacité de résistance assez élevée – mais il n’est pas totalement sobre non plus. C’est le moment que choisit un imbécile (ou plutôt une, dans ce cas de figure) pour dévaler les escaliers à toute vitesse et lui rentrer dedans, ce qui manque de le faire trébucher, heureusement qu’il a encore quelques réflexes qu’il tient à sa pratique du sport à plus ou moins haut niveau, puisqu’il se retient rapidement à la barre de l’escalier. « P’tain, viens pas me dire que tu m’as pas vu ! » Il est peut-être pas bien épais, mais il est quand même visible, faut pas déconner. Il lui faut toutefois quelques secondes pour stabiliser sa vue, avant qu’il ne prenne enfin l’initiative de se tourner légèrement pour découvrir la silhouette de … C’est laquelle, elle, déjà ? Il ne voit pas grand-chose vu son état et  les cheveux roux recouvrent une partie du visage de son bourreau. Mais ils sont trop foncés pour que ce soit ceux de Jade, alors il mise sur Scarlett. Qui ne bouge pas. Qui semble complètement bloquée. C’est quoi le délire ? « Roh merde, j’ai cassé Scarlett, génial. » Un pas devant l’autre, il avance doucement pour s’approcher de la frêle silhouette prostrée à terre. « Bon, allez, fais pas exprès, y’a pas de sang, tout va bien. » C’est bon, elle a le feu vert pour se relever. Mais ça n’a pas l’air de marcher. « Ok, ça va, j’ai compris, tiens. » Il lui tend sa main, tout en veillant à s’accrocher à la barre de l’escalier avec l’autre, une perte d’équilibre serait très mal venue vu la situation. « Il s’passe quoi ? On dirait que t’as vu un fantôme. » Il finit par lui demander, sourcils froncés.

Elle sent comme une impulsion dans son corps qui la force à sortir de son sommeil. Le doux rêve à l’ambiance feutré s’est transformé en un cauchemar incandescent. Tous ses muscles sont sollicités dans sa course, alors que son cœur lui semble s’être échappé hors de sa poitrine, pour laisser place à un trou béant. Comme une furie elle quitte ses draps et sa chambre pour venir se réfugier ailleurs. Elle ne sait trop la destination de sa course. La rouquine n’a même plus vraiment la sensation d’un ici. Comme souvent elle se retrouve plongé dans un ailleurs indéfinissable. Un ailleurs palpable et étouffant. Sa conscience à occulté le jeu, Fake Lover et tous les candidats. Elle se retrouve dans une dimension nouvelle, sans murs, sans couleur et sans odeur. Une sorte de projection de son esprit, une noirceur épaisse dans laquelle la rouquine s’englue avec une facilité proche de la délectation. Sa course endiablé la guide à l’aveugle dans les escaliers, peut-être qu’elle s’arrêtera lorsqu’elle aura trouvé un brin de fraicheur ? Lorsque ses poumons auront gouté l’air frais et humide de l’Irlande. Ou pire encore que ses longues jambes diaphanes se transforment en glaçons.  Un évènement impromptu vient arrêter sa course et semble l’avoir quelque peu réveillé, tranquillement. La chute dans les escaliers, la petite culotte qui se retrouve marquée par les escaliers, sans oublier cette odeur sucrée d’alcool la ramène petit à petit à aujourd’hui. Ses cheveux couvrent son visage et elle continue d’espérer que personne n’est en face d’elle, serrant son corps contre les bras et tentant d’éprouver un peu de chaleur humaine. Une vague protestation lui est parvenu à l’oreille, c’est quand même bien trop flou pour qu’elle puisse mettre un nom sur cette voix. Elle reste là, à se cacher le visage et à tenir la position. Celle d’une enfant qui a peur du monstre sous son lit et qui vient se cacher dans le placard de sa chambre. Un commentaire de plus et finalement elle commence à reconnaitre le to acide d’une personne qu’elle côtoie depuis quelques semaines. Elle relève tranquillement la tête, observe autour d’elle et le décor semble se reconstruire en suivant son regard. Fake Lover, les escaliers qu’elle ne prend que très rarement. Fake Lover et un candidat en face d’elle. Son regard émeraude vient s’accrocher aux yeux du jeune homme en face d’elle, d’où s’échappe des effluves sucrés. Colin. C’est Colin. Elle souffle tranquillement et ferme les yeux deux secondes. Elle est en Irlande, elle est en 2015 et en sécurité à l’heure actuelle. « Scarlett. » Qu’elle se murmure à elle-même en déposant de nouveau son regard émeraude sur le gamin. « Tout va bien. » Qu’elle continue de répéter l’observant d’un air absent. Oui tout va bien. Elle n’est pas du tout réceptive à ce qu’il lui raconte et ne semble même pas tellement réagir, toujours le visage livide par les séquelles de son cauchemar. Il lui tend une main, qu’elle observe d’un regard vide. Elle vient effleurer sa main dans la sienne, fait grimper ses doigts jusqu’à son poignet et continue sur le chemin inverse. « J’ai vu un fantôme. » Qu’elle lui dit en prenant le même ton que lui et se résignant à venir déposer sa main dans la sienne pour qu’il l’aide à se relever. Ses jambes tremblent. « J’ai fait un cauchemar, je suis désolée. »  Qu’elle place en quittant sa main pour venir la déposer sur sa hanche. « Le dit pas à Jade. »  Parce que Jade pourrait s’inquiéter. Elle adopte une voix blanche et frêle à la fois. Après la chaleur de son cauchemar, la voilà qui commence à frissonner face à la fraicheur des escaliers. Le contraste est saisissant, mais ne participe pas à la faire retrouver quelques couleurs. « J’ai froid. »  Elle murmure d’un air absent en observant autour d’elle comme si elle venait ici pour la première fois. « J’étais plus dans le nid, c’était bizarre. »  Pas tant que ça, parce qu’elle est familière de ce rêve. Mais bizarre quand même. Elle repose ses yeux sur Colin. « Tu ne dors pas ? » C’est évident, elle insinue plutôt « pourquoi tu ne dors pas ? » mais ça il est capable de le comprendre.

Prendre les escaliers dans son état alors qu’ils ont un magnifique ascenseur à leur disposition n’est certes pas une très bonne idée, mais elle reste toutefois la plus sûre. Car pour être plus ou moins familier avec l’émission, il sait que l’ascenseur a tendance à tomber facilement en panne, or il ne veut pas prendre le risque de se retrouver coincé jusqu’au lendemain, n’étant pas certain que des techniciens soient encore dans les coulisses à les surveiller vu l’heure. Mais ce soir les escaliers ne semblent pas beaucoup plus sûrs que l’ascenseur puisqu’à peine a-t-il commencé à emprunter ceux-ci qu’une silhouette le heurte sans ménagement. Et ce n’est un secret pour personne que Colin est fragile, il le dit peut-être sur le ton de la plaisanterie – ce qui fait que personne n’a l’air de le croire – cela n’en reste pas moins véridique. Si on ajoute aussi ses difficultés à garder un semblant d’équilibre, on peut effectivement dire que prendre les escaliers s’est avéré compliqué pour le garçon. Reprenant ses esprits après la collision, il finit par enfin prêter attention à la silhouette qui a d’ailleurs subi plus de dégâts que lui, puisque celle-ci est prostrée au sol alors que son côté il a la chance de tenir sur ses deux jambes. Il reconnait la chevelure flamboyante de Scarlett et alors qu’il s’attend à ce qu’elle se relève rapidement, celle-ci reste désespérément au sol, ce qui ne manque pas d’intriguer – ou agacer – Colin. Il ne comprend simplement pas pourquoi elle ne se relève pas immédiatement, en sachant que la collision fut désagréable, mais pas meurtrière. Il commence à se dire qu’il a cassé la rouquine, dont aucune réaction n’émane, comme si la vie avait quitté son corps et qu’elle n’est plus qu’un pantin sans âme. C’est avec soulagement qu’il l’entend finalement prononcer son prénom, avant qu’elle ne certifie que tout va bien, bien que ce ne soit pas très convaincant. « Ouais, ça a l’air, tu pètes le feu on dirait, wahou. » Il ne peut s’empêcher de remarquer, en fronçant les sourcils. Toujours au sol, il finit par se proposer afin de l’aider à se relever, lui tendant la main tout en s’assurant un appui à la barrière. Elle l’effleure, mais ne la saisit pas pour autant. Elle confirme qu’elle a effectivement vu un fantôme et se décide enfin à accepter son aide. Colin descend d’une marche pour être à son niveau une fois la jeune femme relevée, tandis qu’elle lui justifie les raisons d’une telle maladresse. « C’est bon, j’suis encore debout, t’as de la chance. » Il rétorque avec un léger sourire pour apaiser la situation. Chose surprenante de sa part, mais il n’est clairement pas à l’aise vu l’état de Scarlett. « J’vois pas pourquoi j’le dirais, à elle ou aux autres. C’est pas l’événement de la semaine non plus. » C’est sa façon de lui dire qu’elle n’a rien à craindre parce qu’il n’ira pas répéter ce qu’il vient de voir plus loin, que ce soit auprès de sa sœur ou d’autres. « Ah. » Il laisse échapper par la suite quand elle lui dit avoir froid, ne sachant pas vraiment ce qu’il doit faire dans une telle situation. Il n’est pas la personne face à laquelle se retrouver en cas de détresse, étant assez détaché – plutôt qu’insensible – face à la situation. « J’ai pas d’veste, donc euh j’sais pas quoi faire pour t’aider, là. » Et lui passer son sweat n’est pas vraiment l’idée qui le tente le plus, étonnement. « T’étais où ? » Il la questionne par réflexe quand elle en dit plus sur son cauchemar. « Ah non, c’est trop tôt et puis ça l’fait pas de se coucher à minuit un jour de fête, j’suis pas un petit vieux. » Comment ça il est plus proche des deux heures que de minuit ? Bah, pour sa défense il n’a plus la notion du temps. L’observant un instant, il finit par revenir sur le sujet de son cauchemar. « Euh, mais t’es sûre que ça va ? Parce que t’as vraiment une sale tête, ça fait peur. » Oui, ce n’est pas délicat, mais il a le mérite d’être franc. « Tu veux que j'file chercher quelqu’un ? Ça me dérange pas d’aller réveiller quelqu’un, au contraire même, ça m’donne une bonne excuse. » Passé les insultes de rigueur, quand il expliquera que Scarlett est en détresse, on lui pardonnera, autant en profiter. Et il l’aime bien la petite Scarlett, alors il n’est pas forcément ravi de la voir dans cet état et il sait qu’il n’est pas la personne la mieux placée pour lui venir en aide.