Balayer, astiquer… Je suis d’humeur à faire le ménage et c’est ce que je me casse les fesses à faire depuis deux bonnes heures. Je ne peux pas me permettre de toucher aux affaires de mes colocataires mais j’ai au moins pu passer un petit coup d’aspirateur partout et me livrer à une performance endiablée de serpillères. Avec une telle surface il y a de quoi fatiguer, j’ai même été jusqu’à faire les escaliers, il y en a une tonne mais j’étais motivée à tout faire briller. Une vraie mama accro à la propreté. J’en aurais probablement fait autant avec l’ascenseur si je ne le fuyais pas comme la peste, la dernière fois que je suis montée à l’intérieur il est resté coincé pendant une bonne demi-heure entre deux étages et j’ai cru mon heure arrivée. Après autant d’émotions et de sport, parce que nettoyer dans une telle propriété je peux vous assurer que c’est plus sportif que de courir sur une machine pendant vingt minutes. Sans aller jusqu’à dégouliner de transpiration j’ai super chaud lorsque j’arrive à la chambre caramel par laquelle j’ai commencé tout à l’heure. Il n’y a aucune logique à cela mais c’est parce que j’ai prévu le coup, espérer que personne ne passe dans les couloirs pendant cinq minutes et m’isoler dans la chambre afin de bouquiner un petit peu. Je dois avouer avoir le moral un petit peu dans les chaussettes aujourd’hui, peut-être parce que c’est mon premier Noël loin de mon fils, sans ma famille. Je me sens étrangement seule alors que je n’ai jamais été aussi accompagnée… J’ignore si tous les candidats fêtent Noël, la plupart des musulmans ne fêtent que le nouvel an par exemple, ils ne sont probablement pas les seuls. J’entre tranquillement dans la chambre, jonchée sur mes talons et repère une petite touffe de cheveux roux qui dépasse derrière le lit. Mes lèvres s’étirent en un très fin sourire. « Tu es grillée jeune fille ! » Je ne semble pas être la personne qu’elle fuyait de toute manière, elle sort de sa cachette et se laisse retomber sur le lit, je crois que c’est l’une des jumelles, pas celle qui dort avec nous cela dit. « Un cadeau ? Dis-moi tout ! » J’aime les cadeaux, je suis dingue de l’esprit de Noël, vous aurez pu vous en apercevoir la semaine passée lorsqu’on a décoré le sapin. Je retire mes talons et laisse échapper un long soupire d’aisance, ce que cela fait du bien d’être libéré de chaussures, mes pieds respirent à nouveau. « Je peux m’asseoir vers toi ? » Ou m’étale de tout mon long pour me détendre tout en papotant, au choix ! Scarlett, il me semble que c’est son prénom, me parle de ma popularité, étonnant. « Oui et non, on va dire qu’il y a très peu de place pour un juste milieu lorsque l’on passe du temps avec moi. On m’apprécie ou on me déteste ! » Logique, je suis exubérante, grande gueule, super franche et spontanée. Une recette bancale qui ne plait pas à tout le monde. « Tu as déjà été séparée de ta sœur ? Pendant quelques semaines ? » Je suis curieuse, elles sont toutes les deux ici, sont-elles toujours l’une avec l’autre ?

Parfois j’oublie que je ne suis pas la maman de tous ces petits jeunes qui participent à Fake Lover. Je ne connais même pas un quart de ce qu’ils sont vraiment et je peux totalement me gourer sur ce que je pense connaitre. Il nous sera bien impossible d’avoir la certitude de ne pas être mené en bateau jusqu’à ce que tous nos secrets tombent les uns après les autres. Cette partie sera probablement la plus authentique, celle qui permettra de rebondir sur des sujets plus intimistes sans avoir peur de trop en dire et de dévoiler des indices essentiels sur son secret. Même si je ne connais donc pas grand-chose sur la vie de tous mes camarades, je les trouve pour la plupart attachants et j’ai tendance à les materner parfois. Surement parce que je suis la doyenne et que je prends finalement ce rôle peut-être plus à cœur que ce que je croyais, je suis celle qui hausse le ton en permanence lorsque quelque chose ne lui plait pas, qui demande le respect et qui n’a pas peur de remettre les autres à leur place. Je ne suis pourtant pas la voix de la raison, loin de là. Je prends Scarlett sur le fait, je crois qu’elle tente de cacher quelque chose mais je ne suis pas certaine de quoi jusqu’à ce qu’elle se relève et reprenne son activité là où elle l’a laissée lorsque je suis arrivée. Scarlett passe aux confidences et me montre le cadeau qu’elle prépare à sa sœur jumelle, de quoi m’attendrir un petit peu plus et me donner envie d’en savoir plus à son sujet. Elle est des rares candidats avec qui je n’ai encore jamais parlé, j’aimerais changer la donne, y remédier et je crois avoir trouvé la parfaite occasion. « L’important ce n’est pas d’avoir le plus cher des cadeaux, c’est la valeur symbolique qui compte ! » Et je ne dis pas cela pour la rassurer, l’intention, il n’y a rien de plus important que l’intention. Je demande l’autorisation, plus par politesse qu’autre chose, de m’asseoir à côté d’elle et ne tarde donc pas à le rejoindre, à m’avachir sur le lit, la tête appuyée contre la paume de ma main. « Les paillettes sont sympa ! Et tu t’y prends super bien, je n’ai pas vu le moindre petit défaut ! » Et pourtant, sur une ligne cela arrive très vite, croyez-moi. La petite rouquine me questionne sur ma popularité, je n’ai pas vraiment l’impression d’être populaire, il faut dire que je ne cours pas après cela, je le fais déjà bien trop au quotidien dans le cadre de mon métier. « Bon, ça va alors… J’ai l’impression qu’on est dans la maison des Bisounours, l’ambiance est plutôt bonne, limite chaleureuse tu ne trouves pas ? C’est agréable ! » Je n’ai pas eu vent de beaucoup d’engueulades, peut-être une ou deux, tout au plus et j’aime cela. Je suis de ceux qui hurlent tout le temps mais ne le font pas pour l’amour du conflit. J’expulse ma colère sur le moment mais j’oublie et passe à autre chose aussitôt. Lorsque je questionne la jeune femme sur sa sœur, elle me fait remarquer qu’il est rare que l’une ne soit pas questionnée au sujet de l’autre. « Désolée, je crois que cela nous intrigue tous. » J’acquiesce sur ses brèves explications, elles ont donc déjà été séparées une ou deux fois. « Tu fais quoi dans la vie ? » Sa sœur est ballerine mais elle ne m’a rien dit la concernant. Pas plus que moi jusqu’à présent puisqu’elle me pose une nouvelle question sur mes frères et sœurs. « Bien-sûr, j’ai un grand-frère et une petite sœur. » Ils ont été là pour moi, ce sont eux qui m'ont aidé à me relever lorsque mes parents m'ont tourné le dos, je leur dois tellement. La famille c'est sacré.