@jade
« Viens on va voir les nouveaux nés. » Qu'elle lui dit, en attrapant son bras alors qu'elles se croisent dans l'entrée, sur le point toute les deux de prendre un bol d'air sans se concerter. Elle l’entraîne avec elle, l'idée bien en tête d'aller voir les petit mouton ? Brebis ? Elle ne sait même pas si c'est un agneau ou un âne, elle ne va jamais là bas dans le parcs des animaux. Elle sait que c'est de là que vient l'odeur qui prend bien le nez quand se promène dans le parc d'attraction, mais rien de plus. Mais puisqu'elle a nommée ces deux petites bêtes elle se doit bien de le rendre visite non ? Ça fait d'elle leur marraine peut être ? A mis chemin, elle lâche le bras de la petite dernière pour venir chercher une clope dans ses poches. Quand elle s'est servit, elle passe son paquet et briquet à Jade, partageant toujours tout ce qu'elle possède avec elle. « Tu veux que je te lâche ? Tu veux que je te laisse ton indépendance ? » Qu'elle lui demande, sans détour alors qu'elles arrivent enfin dans le parc à animaux, après avoir traverser toute la fête foraine. C'est ce qu'elle croit comprendre, parce que Jade la rejette ces dernier temps. Pas violemment, mais elle ressent dans ses gestes, dans ses paroles et regards qu'elle fait tout pour sa grande sœur se détache d'elle. Parce que ce n'est plus suffisant de passer du temps avec d'autre. C'est Jade la plus indépendante des deux, c'est Jade la plus forte. Tout le monde pense qu'elle entraîne sa grande sœur dans une sorte de spirale infernale, mais Scar s'y plonge volontiers, parce qu'elle ne connaît qu'elle. Du coin de l'oeil, elle l'observe. « Tu n'as plus besoin de moi ? » Qu'elle lui demande le coeur au bord des lèvres. Se sentir utile c'est quelque chose dont elle a besoin, elle se nourrit de ça, de cette relation avec sa soeur. Pour ne pas perdre la tête. Contrairement à ce qu'on pourrait penser, ça la garde plutôt lucide tout ça. Elle ne sait pas comment elle ferait sans cette relation, aussi toxique soit-elle. Scar ne veut pas que ça change. Sauf que ça à déjà changé, quand elle a accepté de faire entrer dans sa sphère personnelle des gens comme Lino, Khadi ou encore Colin. Les deux jeunes femmes arrivent devant l'enclos des deux chèvres, maintenant au nombre de quatre. Elle les observe sans vraiment le faire, trop dans la petite bulle qu'elle se crée au contacte de Jade.

Une main que je reconnaîtrais entre toute s'accapare sans gène mon bras. Je relève la tête lorsqu'elle me fait sa proposition. « Je te suis » je me contente de dire parce que je ne comprends pas ce qu'elle veut dire, je n'ai jamais mis un pieds dans le parc à animaux il me semble. Cela ne m'inspire pas confiance les bestioles. En attendant, je suis les pas de Scarlett, tel un automate, mes prunelles se posant parfois sur elle, parfois sur notre environnement. Sa question finit par percer le silence. Je ne dis rien parce que Scarlett sait très bien que je ne l'ai jamais perdu mon indépendance. Je ne réponds rien, je me contente d'allumer ma cigarette en haussant les épaules, laissant un silence s'installer. Elle me demande si je n'ai plus besoin d'elle. Je pousse un soupir agacé. « J'ai simplement besoin de ma soeur et pas d'une mère de substitution » je me contente simplement de lui dire. J'ai simplement besoin de ma soeur. Scarlett, ici, elle a tout mélangé, la mère, la meilleure amie, le médecin, elle veut tout être sauf ma soeur. « J'ai déjà une mère, ce n'est pas ton rôle Scarlett » je lui dis. On a une mère. D'ailleurs, je crois que Scarlett a besoin d'une mère, la vraie. C'est à cause de moi qu'elle part en vrille comme ça, qu'elle n'a plus de cadre, elle se contente de flotter autour de moi. Je crois que je l'ai vraiment bousillé, Scarlett. Je lui ai arraché sa substance parce qu'elle a tout sacrifié en s'imaginant que c'est ce qu'elle devait faire, elle s'est coupée de tout et maintenant voilà ... J'ai presque envie de pleurer parce qu'ici je me rends encore plus compte que c'est moi qui suis à l'origine du dysfonctionnement, je lui ai inconsciemment imposé des conditions de vie qui ne sont pas saines et j'en paie maintenant les conséquences. « J'ai besoin que tu penses un peu à toi, que tu arrêtes de penser à moi trop souvent, tout le monde le ressent » je lui dis, il faut qu'elle apprenne à être égoïste. Je ne peux plus supporter les yeux inquiets des autres parce que Scarlett est dans tous ses états parce qu'elle me cherche. « Ça commence à devenir difficile, je ne peux pas tout gérer en même temps Scarlett, je n'y arrive pas » je conclus parce que je sens que plus les semaines passent et plus je monte en pression. La preuve, j'ai parfois du mal à supporter ma propre soeur, alors qu'à l'extérieur, je ne suis jamais arrivée à une telle émotion, à un tel point. Je me suis jamais sentie aussi étouffée que maintenant par Scarlett. Je sens son regard pesant sur moi, mais je fais abstraction, en tentant de ne pas imaginer ce qu'elle peut ressentir. Non, sinon je serai bien incapable d'aller jusqu'au bout après alors que c'est elle qui me le demande pour une fois. « Tu es plus sur mon dos ici, qu'à l'extérieur et tu ne t'en rends même pas compte » je lui dis clairement sans passer par quatre chemins. C'est la vérité. A l'extérieur, elle n'est pas autant derrière moi, je ne me sens pas surveillée comme ici. Elle n'analyse pas mes relations comme ici. « Parce que tu as peur ... mais pas pour moi cette fois-ci, pour toi » je lâche simplement alors que mes prunelles se plantent sans violence dans les siennes.

Elle accepte de la suivre, mais elle sait bien que Jade à aucune idée de qui il s'agit. A vrai dire Scar n'a jamais été dans le parc à animaux, elle a pas tellement d'affinité avec les petites bêtes. Mais bon c'est surtout le prétexte pour passer un petit moment avec la petite dernière. Elles ont besoin de se parler, Scar à besoin de lui parler. Parce qu'il y a des choses qu'elle ressent c'est dernier temps. Elle a la certitude que Jade s'éloigne petit à petit. C'est elle qui parle, Jade qui écoute, Jade qui réfléchit à ce qu'elle va lui dire. Et c'est de mauvaise augure, elle aurait espérer qu'elle vienne tout démentir et la rassurer d'une caresse dans le dos. Mais Jade en a marre de la relation qu'elles ont, de cette façon qu'à Scarlett d'être à la fois sa soeur, sa mère et sa meilleure amie. Parce que finalement la mère prend plus de place. Et qu'on oublie la soeur et la meilleure amie. Ce qu'elle lui dit, la laisse pantoise. Elle ne répond rien. Mais elle est là pour elle ce n'est pas qui compte ? « Tu as une mère ? » Qu'elle la questionne sur l'ironique, leur mère est un fantôme qu'elles n'ont pas vu depuis trop longtemps. Elles n'ont pas de mère. « Je veux juste être là pour toi en toutes circonstances, ce n'est pas ça mon rôle ? » Parce que si ce n'est pas son rôle, elle ne sait pas où elle se place. Si elle perd sa place près de sa soeur, elle n'a plus vraiment de place nulle part alors ça l'effraie bien entendu que ça l'effraie ce qu'elle lui dit. Les autres, on s'en fout des autres. Même s'il pense qu'elle n'est pas assez centré sur elle-même. Ce qu'elle comprend elle, c'est qu'elle est bien de trop étouffante pour la rouquine. Et pourtant elle a toujours l'impression de ne pas en faire assez. Nerveuse, elle passe une main dans ses cheveux. « Je n'ai pas besoin de penser à moi. » Qu'elle lui dit sur un ton crédule. Ça ne l'intéresse pas, de se centrer sur sa personne. Parce que y a trop de boulot là dedans, c'est tellement plus facile d'être là pour Jade. Elle a trouvé sa place dans ce monde en restant toujours auprès d'elle, en la suivant dans ses décisions, la soutenant sur ses projets. Elle baisse les yeux presque honteuse de rendre les choses plus difficile pour sa petite soeur, ce n'est pas le but. « hm. » Elle se contente de marmonner en vrillant son regard sur les petites chèvres. C'est vrai qu'elle est toujours derrière son dos ici, parce qu'il n'y a pas le boulot, parce qu'il n'y a pas la vie. Alors oui elle est là, plus souvent. Mais ça ne veut pas dire que dehors elle ne s'inquiète pas h24 pour sa petite soeur. Au contraire. C'est peut être même pire dans sa tête quand elles sont dehors, parce qu'ici elle a réussit à se convaincre que rien de grave pourrait lui arriver. Y a la production derrière. Elle écoute mais ne répond plus, parce que Jade est une tête de mule et que là, elle s'en sortira pas en lui disant qu'elle est tout pour elle. C'est catégorique Scar, tu dois t'éloigner pour retrouver ton rôle de grande soeur. « Bien sûr que j'ai peur Jade, parce que je suis qui sans toi ? Je suis personne. » Qu'elle murmure amer par la situation. Est-ce qu'elle comprend ça Jade ? Est-ce qu'elle comprend qu'elle va se sentir plus vide que jamais ? Elle a clairement pas été à la hauteur toutes ces années. Elle croise les bras. « Ok, je vais te lâcher. » Elle avale un sourire mal à l'aise, parce qu'elle comprend que trop bien ce que ça veut dire. Ça veut dire qu'elle devra s’inquiéter en silence, arrêter de la chercher, de tourner autour d'elle au moment du dîner parce qu'elle ne mange pas assez. Tout son quotidien va être remis en cause.

Scarlett est obligée d'enfoncer un peu plus le couteau dans la plaie. « Oui j'ai une mère » je réponds du tact au tact.  « Ce n'est pas de sa faute » je réponds parce que contrairement à elle, je n'en veux pas à nos parents, ils savent juste pas s'y prendre, c'est maladroit et surement bien trop difficile à gérer pour eux.  « Ne dis pas ça, tu es trop là pour moi, tu t'en oublies Scarlett » je lui réponds, à trop faire passer mes besoins avant les siens. Elle me surprotège si bien que cela à l'effet inverse, j'ai encore plus envie de m'écarter d'elle pour respirer. Il est temps qu'elle apprenne à savoir ce qui est bien pour elle, et agir ainsi ne l'est pas ! Elle n'est personne sans moi. Le visage glacé, les prunelles azurées plantées dans les siennes, je l'observe dans un silence qui pourrait presque être gênant, objectivement. A quel moment j'ai pu lui laissé comprendre qu'elle était dans le vrai quand elle me sort ce genre de phrase qui m'hérisse, fait augmenter la pression de mes artères, me fait serrer la mâchoire un peu plus. Ce n'est pas possible. « Mon dieu, ce que tu es butée Scarlett ! » je m'agace un peu, sans hausser le ton, mais  ma voix semble retrouver son intensité, les couleurs qu'elle avait perdu.  « Ce n'est pas possible ce que tu dis ! » je continue sur ma lancée, en roulant des billes sous le coup de l’exaspération. Elle sait très bien que j'ai du mal à supporter ce genre de déclaration, ça me fait un peu vriller, enfin, juste un peu plus quoi.  « Ce n'est pas sain que tu continues à construire ta vie autour de moi Scarlett tout en sachant que la réciproque ne sera jamais vraie » je lui dis, parce que je l'aime tellement que je suis tout à fait capable de lui asséner cette vérité sans ciller, en soutenant son regard sans flancher. Je l'aime suffisamment pour lui dire que j'ai besoin de vivre et qu'elle aussi. Or avec moi, elle est entrain de s'éteindre, je le sais, je le vois quand elle n'est pas avec moi, elle semble plus colorée, plus vivante moins absente, moins inquiète. Elle sait que je suis bien trop indépendante pour ne rester qu'avec elle toute ma vie. Elle dit qu'elle va me lâcher. C'est déjà un premier pas. J'approche de la demoiselle, mes frêles bras allant s'entourer autour de son cou pour la presser contre moi dans une vague d'affection pas très contrôlée.  « Souris Scarlett » je lui demande parce qu'elle me semble au bout de sa vie en ce moment. « Et puis je croyais qu'on allait voir les nouveaux nés en plus » je lui rappelle histoire de lui changer les idées, apparemment, voir des bébés, ça apaise, à ce qu'on m'a dit, pour moi, cela ne marche.