THE QUESTION ON EVERYONE'S LIPS
@greta

Les deux filles avaient trouvé d’un commun accord que leur soirée de la semaine précédente avait été beaucoup trop courte. Il fallait remettre ça, maintenant que Khadija était parfaitement formée au jeu de « je n’ai jamais ». De plus, échanger des confessions intimes avec Greta était un jeu délicieux. C’était comme se retrouver face à une mère et une amie en même temps, quelqu’un qui avait plus vécu qu’elle et ne se choquait de rien. Khadija avait passé une heure de l’après-midi à apprendre un nouveau cocktail dans le fameux livre du bar à la disposition des candidats plutôt mauvais en improvisation. C’était son cas : elle savait parfaitement reproduire, mais question création ex nihilo, c’était pas vraiment ça. Elle avait opté pour quelque chose de plus sucré et plus fruité, cette fois, à base de liqueur de cassis. Enfin prête, elle entraine Greta à sa suite jusqu’à la salle de détente et lui présente les cocktails, déjà dans de jolis verres de cristal, surmontés de fraises Tagada piquées dans des cures dents. — Madame est servie, annonce-t-elle en s’inclinant légèrement, avant de bondir jusqu’au bar et d’attraper son cocktail. La nouvelle question à poser est à elle. Je n’ai jamais… voyons voir… Ses yeux verts sondent ceux, noirs d’encre, de Greta par-dessus son verre qu’elle a déjà hâte de siroter. — Je n’ai jamais mis fin à une partie de jambes en l’air à cause de la taille du membre de mon partenaire ? La question lui est venue en remarquant les origines, lointaines ou pas, de Greta. A ce qu’on dit, les hommes originaires d’Afrique(s) auraient un sexe plus grand que ceux, par exemple, des pays asiatiques, voire même européens… C’est le moment de vérifier si cette rumeur datant de l’aube de l’humanité (…) est véridique. Ses amis qui la regardent à la télé depuis la côte doivent être écroulés sur leur canapé…

Cette semaine sera celle du renouveau, du moins d’un point de vue purement physique puisque j’ai décidé d’abandonner mes cheveux lisses pour leur offrir un peu plus de volume en les frisant. Ce ne fut pas bien difficile, mes cheveux ont déjà naturellement tendance à frisoter, avec quelques bons produits et un petit coup de pouce je me retrouve donc avec une toute nouvelle tête et je dois admettre que cette coupe me va à ravir. J’ignore si je serais capable de me supporter sur une longue durée avec cette coupe de cheveux mais elle me plait beaucoup pour le moment et c’est le principal. Ce soir j’ai rendez-vous avec la petite Khadija, une jeune femme extraordinaire avec qui le courant est tellement bien passé que nous avons décidé de reproduire notre petit soirée confidences de la semaine dernière avec de nouveaux cocktails concoctés par la jeune femme. De mon côté j’ai préparé un bol de gougères en trois variétés, fromage, chorizo et thon pour dire de bien éponger l’alcool que nous serons amenées à ingérer. La soirée est déjà bien avancée lorsque Khadija me fait signe de la suivre, j’attrape mes gougères au passage dans la cuisine et lui emboite le pas pour constater à l’arrivée qu’elle a fait les choses bien elle aussi, petites fraises tagadas sur les verres, cocktails déjà servis… Parfait ! « Cette soirée va être exquise ! » J’ai déjà diablement envie de sauter sur mon verre pour goûter ce nouveau cocktail qu’elle a préparé mais je me souviens des règles, il me faudra avoir fait quelque chose pour m’autoriser une gorgée. Khadija attaque quasi-immédiatement avec une très bonne question qui fait naitre un sourire amusé et sadique. Je me baisse pour attraper ma paille et aspirer une bonne quantité d’alcool. « Je suis une garce, ça m’est arrivé deux fois et les mecs avaient vraiment de petites queues, ç’en était presque ridicule ! » Paix à leur âme, ils se reconnaitront pour le moment gênant que je leur ai fait vivre et la frustration qu’ils ont dû ressentir. « L’un d’entre eux casse le mythe, tout le monde pense que les black en ont des grosses… Lui était tout le contraire ! » Mais je dis ça, j’dis rien bien entendu. « Je n’ai jamais été jusqu’à rouler un patin à une fille pour exciter un mec qui m’intéressait ! » Et pour une fois je ne l’ai réellement jamais fait… Je n’en ai jamais eu besoin.

Exquise, c’est le mot. Khadija glousse de plaisir en entendant le compliment de Greta sur ses préparations, et jette un œil gourmand sur les gougères qu’elle a apportées. — Trop bien. Il y en a plusieurs, différents pour tous les goûts, et puis, c’est super d’avoir à manger si on boit, histoire d’absorber un peu tout l’alcool qu’elles vont sans doute ingurgiter. Elle saute sur la chaise haute qui borde le bar, et le jeu commence. Le sourire de Greta lui en déclenche un en retour, sentant qu’elle a touché juste avec la question. Mais la réponse de Greta est tellement inattendue (petite ?! Elle entendait « trop grosse », elle !) qu’elle éclate de rire, rejetant la tête en arrière. — Non !! Imaginez l’égo des deux types face à un tel refus ? Elle en mal au ventre à force de rire. Elle rit de nouveau en apprenant que non, tous les Africains ne sont pas forcément « bien » membrés : comme chez tout le monde, c’est vraiment aléatoire. La question de Greta va malheureusement priver Khadija de boisson. — Je suis une prude, ou quoi ? Elle grogne, mécontente d’elle-même et de son visible manque d’expérience… — Jamais, par contre, j’ai déjà embrassé le pote du garçon que je voulais pour… le réveiller, avoue-t-elle dans un sourire sardonique. Hugo ne faisait pas assez attention à elle, feignait de ne pas remarquer ses avances, alors… elle a cédé à celles de son ami, tiens, ça lui apprendra. Une nouvelle question est à trouver, aussi elle se creuse les méninges pour coincer Greta. — J’ai déjà piqué le copain d’une amie ? Elle se risque à poser cette question qu’en général, les gens ont du mal à assumer, parce que c’est quelque chose qui ne se fait pas. Elle, elle ne l’a jamais fait, par solidarité, quitte à s’empêcher de sortir avec un garçon qui lui plaisait beaucoup, uniquement parce que son amie en était raide amoureuse… Elle n’aurait peut-être pas du, comme on dit, il faut prendre le bonheur là où on le trouve… Mais elle s’est dit qu’il y avait suffisamment de garçons comme ça sur terre pour éviter de choisir celui qui faisait battre le cœur d’une amie…

La semaine passée j’ai été la première surprise de la rapidité de l’alcool à se répandre dans mes veines et à s’approprier mes capacités les plus intellectuelles. On perd très rapidement quelques dizaines d’années sous le coup de l’alcool et je me suis promis de faire plus attention ce soir en trouvant de quoi éponger. Quoi de mieux que des gougères ? Elles bourrent peut-être un petit peu mais j’ai bien calculé mon coup en formant des boules plus petites pour que nous puissions plus facilement en manger davantage sans avoir l’impression d’être au bord de l’explosion. Plutôt intelligente la Greta quand elle le souhaite. Peu de place pour les longues introductions, nous sommes à peine installées devant nos cocktails et cette nourriture qui ne demande qu’à être consommée que Khadija lance les hostilités en trouvant un premier intitulé à me demander, aurais-je fait une telle chose ? Bien-sûr que oui, je n’ai pas honte de le dire, ce n’est pas la taille qui compte mais il en faut un minimum pour faire envie quand même et personne ne dira le contraire à moins d’être terriblement hypocrite. Khadija éclate de rire lorsque je me confie là-dessus, je crois qu’elle n’en revient pas et je commence à rire à mon tour, acquiesçant pour confirmer mes propos. « Je te jure que si… Je crois qu’ils ont utilisé le même mot après cela… Salope mais je m’en suis remis ! » En y repensant je dois admettre être assez satisfaite de ma réaction, ce n’est pas parce qu’on arrive au moment tant attendu qu’il faut être affamée et prendre tout ce qui nous passe sous la dent. « Je préfère avoir trop gros plutôt que pas assez à me mettre sous la dent… Si tu vois ce que je veux dire ! » Je termine avec un sourire qui en dit long sur ma pensée, le juste milieu est plus intéressant mais avec un peu d’entrainement et de gros préliminaires travaillés on s’en sort très bien avec l’extrême aussi, il faut juste être plus attentif et ne pas y aller comme un bourrin. « OUUUUHH, well done ! » Je commente lorsqu’elle confie avoir déjà embrassé un pote au mec qui l’intéressait pour le réveiller, je n’aurais pas fait mieux. « Et il a bougé son cul ou pas du tout ? » Maintenant qu’elle a commencé autant qu’elle me raconte cette histoire jusqu’au bout, j’ai envie de savoir. La nouvelle proposition de Khadija me permet d’offrir une réponse franche et précise sans avoir à réfléchir. « Jamais, j’aurais pu une fois mais je me suis promis de ne jamais faire cela à mes amis. » Je suis peut-être passée à côté de quelque chose mais je préfère avoir la conscience tranquille. « Je n’ai jamais été surprise par mes parents au lit… Ou ailleurs j’entends en pleine action ! » Je surenchéri en pensant à ce moment gênant qui arrive à beaucoup de jeunes lorsqu’ils vivent encore chez les parents.

Khadija ouvre de grands yeux. « Salope », carrément ?... Et combien de mecs font aux filles des réflexions désobligeantes sur leur poitrine ? C’est trop facile. Elle secoue la tête en signe de désapprobation. — On est libres de refuser, ça va quoi, il faut arrêter de penser qu’une fille qui recale, c’est une salope. Une fille qui dit trop « oui » étant, pour certains hommes, également une salope, tout ça manque de bon sens. Elle éclate de rire à la remarque de Greta sur la taille du membre de son partenaire. Elle, elle ne sait pas trop si « trop gros » lui irait, sans doute pas, parce qu’il paraît que ça peut faire mal… Greta s’intéresse à son histoire au sujet du garçon qu’elle a embrassé pour réveiller l’attention du principal. Elle sourit, ménage son suspens. — Au début, il a fait la gueule, et ensuite, oui, il s’est bougé, on est sortis ensemble un moment, se rappelle-t-elle. Une belle histoire, qui aura quand même commencé étrangement, surtout qu’elle a eu du mal à se défaire de l’attachement qu’elle avait suscité chez l’autre garçon… — Je reconnais que c’était cruel… Mais bon, le garçon qui m’a servi de « chèvre » était très beau, je ne pense pas avoir ruiné sa vie sentimentale, rassure-t-elle dans un sourire qu’elle tente serein, même si la culpabilité persiste. Elle acquiesce face à la réponse de Greta, c’est bien, elles sont pareilles de ce côté-là, elles ont des valeurs. Khadija a toujours accordé plus d’importance à l’amitié qu’à l’amour, aux flirts, aux désirs. En général, elle refuse de mettre une amitié en péril pour une amourette, s’obligeant toujours à voir plus loin que les rêves que dessine l’amour. A la question de Greta, elle rit d’effroi. — Mon Dieu non ! Tu n’imagines pas la réaction de mon père si c’était arrivé… Elle ne veut même pas l’imaginer elle-même, pour vous dire… — Par contre, j’ai déjà été surprise par… des amis, dit-elle en riant. Ils forment un groupe tellement soudé, tellement tous là sans arrêt les uns dans les jambes dans autres, que c’est facile d’ouvrir une porte en faisant « comme chez soi » et de tomber sur deux autres en train de se câliner sous les draps, dans la tente sur le sable, dans l’eau, la nuit, dans ce qu’on pensait être un coin d’océan isolé… Malicieuse, elle cerne le regard de Greta, à la recherche d’une question piège. — Je ne me suis jamais réveillée aux côtés d’un pur inconnu ? Sauf que connaissant Greta, il est fort possible que la belle s’accorde une nouvelle gorgée de cocktail pour ce tour…

Être insultée par un mec qui te traite généralement de salope ne me fait plus rien du tout. Les premières fois je m’énervais et je leur bottai le cul, maintenant je me contente de leur adresser un beau petit doigt d’honneur et d’arborer mon plus beau sourire provocateur. Combien d’entre eux se cachent derrière cette insulte lorsqu’ils n’arrivent pas à te mettre dans leur lit ? Combien d’entre eux n’arrivent pas à nous voir autrement que comme des objets et combien de ceux-là se font avoir à leur propre jeu lorsqu’on leur résiste ? « La société favorise beaucoup trop les mecs pour qu’ils comprennent cela malheureusement. » Ces dernières années j’ai pu observer quelques petits changements, peut-être qu’un jour nous arriverons à une parfaite égalité. D’ici là il nous faut prendre notre courage à deux mains, nous les femmes, pour revendiquer notre droit à l’égalité. A son tour de répondre à mes questions et j’en apprends donc davantage sur Khadija et l’une de ses relations amoureuses. Ils avaient une bonne anecdote à raconter au moins… « Il a ouvert les yeux, c’est déjà pas mal… Ce qu’il ne faut pas faire pour qu’ils se bougent le cul ceux-là. » On pourrait faire le premier pas nous aussi, mais voyez-vous… Nous aimons nous servir de la position dominante du mâle et affirmer qu’il est de leur devoir de se bouger en premier et de faire savoir explicitement à la fille qu’elle lui plait. « Je ne pense pas… Au pire tu l’as frustré à vie pour ne pas avoir été plus loin mais ça on s’en fiche, ça leur fait les pieds ! » Je continue à plaisanter en attrapant une gougère parmi le petit tas devant nous. Elles sont parfaitement cuites et ont beaucoup de goût, objectif atteint. Je propose un nouvel intitulé et je me goure à nouveau, sauf qu’elle a été surprise par ses amis alors bon… « Tu peux boire quand même, tu as été surprise au final. » Je marque une pause et ne peut m’empêcher de penser à haute voix, amusée. « Si mon père m’avait surprise au lit je crois qu’il aurait tué mon petit ami et m’aurait envoyé au couvant ! » Au moins tout cela, peut-être même bien pire encore. Khadija me demande si je me suis déjà réveillée auprès d’un inconnu… Je me dois de boire à nouveau, j’ai vraiment bien vécu finalement. « Okay c’est arrivé deux fois et j’avais abusé de la téquila les deux fois. Plus jamais ! Surtout que les mecs étaient loin d’être canons. » Au contraire, j’ai cruellement manqué de goût ces fameux soirs. « Je n’ai jamais fait l’amour dans… Un cinéma ? »