@César

Putain de merde, putain de merde. C’est la panqiue, la panique, je sais pas comment faire… qu’est-ce qui m’a pris de m’aventurer dans ce labyrinthe de bambous avec mon orientation de merde. C’était sûr que ça allait finir comme ça, sel, perdu au milieu d’un labyrinthe, à mourir de faim, de soif, de solitude, ou je ne sais quoi d’autre. Désespéré par une énième tentative de sortir de ce labyrinthe, je craque, tapant dans un bambou, et m’asseillant, la tête dans les bras. « Putaaaain. » J’ai faim moi en plus, j’en pex plus, il faut que je sorte d’ici, sauf que je suis nul moi aux labyrinthes. Petit déjà, je jouais aux labyrinthes sur les dos des boites de coco pops et j’y arrivais pas. Je craque je n’en peux plus. En tout cas ce n’est pas en restant assis que je vais y sortir. Je me lève donc, retentant de m’en sortir, et je tombe enfin sur quelqu’un, oui génial, il va pouvoir me sauver ! On va être libres, on va pouvoir manger ! Faire l’amour, je m’en fous, cette personne va me sauver ! Je me rapproche d’elle et… c’est César… César putain. César. Le mec qui voit rien, fallait que je tombe sur lui pour me sortir de cette merde. « Sérieusement ? C’est toi mon sauveur ? Si j'étais au milieu de la mer on m'aurait envoyé qui ? Un mec sans bras et sans jambes c'est ça ? » Je suis encore plus au fond du gouffre, comment tu veux qu’on sorte de là, le type est aveugle et moi j’ai une orientation qui atteint le sommet du ridicule. C’est à peine si je sais différencier la gauche et la droite. Pour moi la gauche et la droite ça se différencie par les républicains et la nouvelle gauche, c’est simple. « Je crois qu’on va mourir ici César. » dis-je en m’asseyant par terre, une nouvelle fois. « Il y a des choses que tu regrettes dans ta vie ? Que tu aurais aimé faire ?» Allez il est l’heure d’énoncer ses regrets, puis on dira ce qu’on a aimé dans nos vies, les personnes qui tiennent à nous, on laissera un dernier mot à nos proches et on crèvera.

César avait jusqu'ici pris l'habitude de s'aventurer dans le labyrinthe accompagné d'un de ses camarades, mais aujourd'hui il n'avait trouvé personne pour l'y suivre quand l'envie l'avait piqué d'y faire un tour, alors c'est seul qu'il s'était enfoncé dans le dédale. Enfin presque, parce que s'il y avait bien un moment où sa canne lui était toujours très utile, c'est quand il marchait à travers ces allées où le repérage était pour lui forcément encore plus difficile que pour les autres. Pourtant, ici ça n'était pas si différent du reste du domaine pour lui dont la vue ne changeait pas peu importe l'endroit où il se trouvait, la vraie différence se situait au niveau de la configuration des lieux et du fait qu'il devait faire preuve d'une attention constante pour espérer s'y repérer et y retrouver son chemin. C'est là qu'il se disait que ça tombait plutôt mal qu'il se retrouve seul, parce que les fois précédentes il avait au moins pu compter sur les yeux de certains de ses camarades et c'était loin d'être un détail négligeable quand tout paraissait encore plus semblable quand on n'avait que ses mains, ses sens et sa canne pour différencier les chemins les uns des autres. Pourtant, et à sa plus grande surprise, une voix s'éleva bientôt à quelques mètres de là où il se trouvait, l'incitant à accélérer le pas pour aller à la rencontre du candidat qu'il lui semblait avoir reconnu comme étant Ziyan. Celui-ci semblait un peu paniqué et il comprit lorsqu'il s'adressa à lui que sa venue n'était pas celle qu'il avait espéré. « Je suis désolé de pas être le sauveur dont tu avais rêvé, mais entre nous je suis pas sûr non plus que tu sois celui sur qui j'espérais tomber. Parce que tu m'as l'air un peu à cran et que je sais pas si c'est beaucoup plus utile que d'être aveugle dans cette situation. » Il souffla d'un ton un peu taquin, parce qu'il mentirait s'il disait qu'il n'était pas soulagé d'avoir un peu de compagnie, mais qu'effectivement Ziyan n'était peut être pas le candidat le plus posé qu'il aurait pu croiser dans ce contexte et que ce n'était pas la meilleure combinaison qui soit avec son handicap. Avançant de quelques pas, il lui sembla l'entendre s’asseoir par terre et s'accroupit. « Mais non, stresse pas, je suis sûr que t'as pensé à prévenir quelqu'un que tu venais ici. Comme Fawn ou bien Lucy, par exemple. » Il reprit d'un ton innocent avant d'esquisser un sourire amusé, parce que ça faisait plusieurs jours qu'il avait compris que Ziyan et son ancienne partenaire s'étaient rapprochés, et ça ne lui déplairait pas d'obtenir quelques informations sur la question s'ils devaient passer une partie de leur soirée ici. « Oh je crois... que ça me décevrait de mourir sans avoir par exemple eu le temps d'ouvrir mon propre restaurant ou plus généralement sans avoir eu l'occasion de m'épanouir dans ma vie personnelle et professionnelle. Je dirais pas qu'elle me déplaît telle qu'elle est, mais j'aurai bientôt trente ans et j'aimerais bien que le truc le plus marquant pour lequel on se souviendra de moi soit pas mon accident. Qu'on sache aussi que je suis mort en étant comblé. » Disons qu'il aimerait que ses proches se souviennent de lui pour des choses un peu plus joyeuses et qui les feraient au moins sourire quand ils repenseraient à lui, parce qu'il n'avait jamais eu besoin de faire fortune, mais qu'en revanche il y avait plein de choses qu'il voudrait vivre et connaître avant de disparaître. « Et toi, qu'est-ce que tu regretterais le plus de pas avoir fait si tu vivais tes derniers instants ? J'ai entendu dire que t'étais très branché politique. » Il demanda, traçant distraitement des cercles avec le bout de sa canne au cas où ce serait utile de marquer leur chemin. Parce qu'il se la jouait faussement dramatique mais qu'il n'avait pas spécialement envie de mourir ici et maintenant.

Coincé au milieu du labyrinthe, complètement paumé, je finis par croiser quelqu’un qi pourra m’aider à sortir d’ici : César. Hahaha grosse blague. Le mec est aveugle et c’est lui qui devrait m’aider à sortir de là ? Je désespère et pense vraiment que ma fin est venue – bon j’imagine au fond que si il y a un problème la production finira bien par intervenir et je ne cache pas ma déception à celui qui devait me sortir d’ici. « C’est vrai que t’aurais pu aussi trouver meilleur sauveur. » Un mec avec une meilleure orientation que la mienne surtout. C’est vrai que je suis à cran et ça aide pas non plus, mais je n’ai pas vraiment l’envie de lui confirmer ça, après tout je suis Ziyan Can. Et Ziyan Can est imperturbable. Même si là, c’est vrai qu’il panique un peu. Je m’assois alors, renonçant finalement à sortir d’ici mais César lui garde sa positivité en pensant que j’avais prévenu quelqu’un comme Fawn ou Lucy. « Bah non.. pourquoi je ferai ça ? » C’était évident que j’allais sortir facilement du labyrinthe, pourquoi prévenir les autres de mon aventure ? Enfin, c’est vrai que là maintenant tout de suite, j’aurai certainement aimé avoir pu prévenir quelqu’un. « Mais dis moi que toi tu as prévenu quelqu’un. » César serait peut-être plus prévoyant que moi et je le remercierai alors jusqu’à la fin de mes jours. Finalement l’aveugle pourrait très bien être mon sauveur malgré lui, je l’espère sincèrement sinon on risque clairement de mourir ici comme je l’ai dis. Du coup, bah c’est un peu l’heure des regrets et j’en profite pour questionner le brun sur ses regrets possibles. Il m’explique qu’il aurait aimé être un restaurateur et s’épanouir dans sa vie professionnelle, afin également qu’on évite de résumer la fin de sa vie à sa cécité. « Et bien César moi qui ai déjà pu déguster une de tes pizzas, sache que je te vois comme un mini Gordon Ramsay. » Ouais fin en vrai je le vois comme un aveugle c’est vrai mais je lui permettrai de mourir avec une bonne conscience, ce sera la dernière bonne action de ma vie. « Si on ressort d’ici, avec la notoriété de cette émission tu pourras carrément l’ouvrir ton restaurant. » Et si en plus il repart avec un gros paquet d’argent ça sera d’autant plus facile. Mais disons que déjà sa notoriété pourra lui permettre d’attirer de nombreux clients, son restaurant il l’aura certainement bientôt si il se lance. « Moi.. j’aurai aimé apporté un peu plus à ce monde, peu importe comment, j’aurai simplement aimé faire évoluer la société dans le bon sens.. je pense chaque personne peut être utile pour la construction de demain mais que chacun finalement se contente d'une vie banale qui leur permettra de manger, vivre et ça ça m'attriste parce qu'on peut tous faire quelque chose, apporter de la valeur ajoutée à ce monde.. je veux pas avoir passé une vie inutile. » C’est un peu abstrait mais moi je me comprends finalement, j’aurai aimé pouvoir impacter le monde plus que je ne le fais actuellement, le faire évoluer, plutôt que de me contenter simplement de vivre, le faire avancer. « Et qu’est-ce qui t’a rendu le plus fier dans cette vie ? » Allez moment plus positif maintenant, afin de pouvoir crever l’esprit tranquille. A moins qu’il soit fier de rien évidemment.

César comprit lorsqu'il s'approcha de Ziyan que ce dernier n'espérait pas nécessairement tomber sur lui au beau milieu du labyrinthe. Il ne pouvait pas vraiment lui en vouloir dans ce contexte, un aveugle n'étant pas forcément la personne qu'on imaginait la plus apte à retrouver son chemin dans un dédale de cette superficie, et il avait surtout compris rien qu'au son de sa voix que Ziyan paniquait légèrement à l'idée d'être perdu. Il se permit toutefois une petite taquinerie en retour, parce que si on regardait les choses dans l'autre sens, lui non plus n'était pas totalement convaincu que Ziyan lui serait d'un grand secours dans cette situation alors qu'il avait manifestement l'air un peu à cran. « Peu importe, puisqu'on est là tous les deux on va faire avec, et si ça se trouve on sera beaucoup plus complémentaires qu'on ne le pense. » Après tout, Ziyan était agité mais il avait l'avantage d'avoir une paire de yeux en parfait état de fonctionnement là où César ne pouvait compter que sur ses mains, sa canne et ses autres sens. Et puis, peut être que son camarade avait pensé à prévenir quelqu'un. Fawn ou Lucy par exemple, mais apparemment non. « Je sais pas, t'es plutôt proche de l'une comme de l'autre et t'aurais très bien pu profiter d'être perdu avec Lucy pour lui voler un baiser... à moins que ce soit déjà fait ? » Il demanda avec malice et sur le ton de la confidence, parce que si quelqu'un s'intéressait aux rapprochements de son ancienne partenaire dans l'aventure, c'était forcément lui. Et ça faisait quelques temps qu'il entendait parler de baisers alors forcément il aimerait bien savoir où ça en était, d'autant plus que Lucy savait être secrète quand elle voulait. « Non, en sortant j'ai juste essayé de trouver quelqu'un pour m'accompagner mais j'ai croisé personne alors je me suis dit que j'allais venir seul... Mais on est filmés donc on devrait pas nous abandonner à notre sort, hein, t'inquiètes pas. » Il osait quand même espérer que la production n'attendrait pas d'avoir deux cadavres sur les bras pour réagir s'ils ne parvenaient pas à ressortir par eux-mêmes, ce qui devrait quand même être jouable, heureusement. Ziyan était pour autant un peu fataliste et l'interrogea sur les regrets qu'il pourrait avoir s'il mourrait ici, et c'est un César en pleine réflexion qui confia qu'il regretterait de ne pas avoir accompli davantage de choses, dans sa vie personnelle comme professionnelle, et notamment ne pas avoir pu ouvrir son restaurant comme il en rêvait. La remarque de Ziyan étira un fin sourire sur ses lèvres. « Oh... merci. Je suis flatté par la comparaison, même si j'espère que je parais un peu moins dur que lui. » Il rit légèrement, touché qu'il lui prête ne serait-ce que le centième du talent de cet homme, même s'il savait que Ziyan aurait besoin de goûter davantage à sa cuisine pour vraiment en juger. « Gio m'a dit la même chose, mais je préfère pas nourrir trop d'espoirs au cas où ma cécité freinerait certaines personnes. Ici vous vous êtes tous fait à l'idée, mais quand t'es cuisinier et aveugle t'apprends à vivre avec la discrimination que ça implique. » Et malheureusement, c'était loin d'être une chose qui se limitait à son métier, cette discrimination il l'avait déjà rencontré dans plusieurs situations et elle était encore récurrente. Ziyan se confia sur ses propres regrets, et César afficha une expression mi-surprise mi-impressionnée. « Je trouve ça intéressant comme façon de voir les choses, surtout si en plus de vouloir faire évoluer le monde t'as aussi envie de le rendre un peu meilleur... Et à travers ton message, tu vas peut être donner envie à certaines personnes de s'engager pour l'intérêt collectif. Je suis même sûr que tu peux te dégoter des sympathisants à ta sortie et pourquoi pas... je sais pas, créer un parti citoyen ou quelque chose comme ça ? » Il ne savait pas s'il faisait bien de lui dire ça ou si Ziyan risquait de le prendre au mot et de faire campagne avant même la fin de l'aventure, mais il avait l'air sûr de lui et ça ne coûtait rien de l'encourager un peu. « Je crois que ce qui m'a rendu le plus fier, c'est d'avoir remonté la pente après mon accident. Ça a pris plusieurs années au total, entre l'hospitalisation, la convalescence, le suivi psychologique, puis les mois suivants où il a fallu que je réorganise toute ma vie et que je réapprenne à devenir autonome... Y'a quelques années si on m'avait dit que j'aurais un job, un appart', un chien guide en pré-retraite, un parcours associatif et que je serais ici, je l'aurais probablement pas cru. » Parce qu'à l'époque presque tout représentait déjà un défi pour lui qui s'était retrouvé face à des difficultés d'autonomie qu'il ne pensait pas rencontrer un jour. Aujourd'hui il peinait un peu à se rendre compte du chemin parcouru, mais il avait vraiment l'impression d'avoir dépassé le plus dur et d'avancer vers le meilleur. « Et toi, y'a une chose que t'aurais jamais pensé accomplir ? » Il demanda en retour, réalisant qu'au-delà de la portée un peu dramatique de ces questionnements, ça leur permettait d'apprendre à mieux se connaître.