La St-Valentin. C’était une fête stupide. Jamais de ma vie je n’avais fêté cette fête. Peut-être que dans d’autres circonstances, j’aurais fait partit des amoureux de cette journée. Mais bon, elle n’a jamais été dans mes priorités. C’est pourquoi je ne voyais pas nécessité de célébrer ce soir. Errant dans la maison, je cherchai quelque chose à faire. Mes pas me guidèrent vers la piscine, me disant qu’à cette heure là, il ne devrait pas y avoir quelqu’un. Et bah je m’étais trompé. Une grande et jolie blonde faisait déjà trempette dans celle-ci. Bon, ce n’était pas comme si j’avais l’intention de me baigner de toute façon. Puis, faut l’avouer, Siomha me rendait un peu mal à l’aise depuis l’échange de quelques baisers lors de la première semaine. Cette fille était la reine des glaces. Tout le contraire de moi. Je ne sais pas trop ce qui m’avait prit la dernière fois. Cela n’avait pas été désagréable. Mais bien étrange. Étant sur le point de revenir sur mes pas, je me dis que c’était stupide d’agir ainsi. J’avançai donc vers la piscine et la jeune femme par le fait même, la regardant nager d’une façon tout de même élégante. « Tu célèbres la St-Valentin en solo ?» lançais-je à la blonde pour qu’elle remarque ma présence. Ne la lâchant pas du regard, je m’installai sur le bord de la piscine, relevant un peu ma robe pour ne pas la mouiller. J’avais fait attention cette fois-ci, je m’étais assise près de la partie non profonde, pour ne pas risquer de me noyer. Puisque non, je ne savais pas nager.

Qu'on soit clair: Síomha ne savait pas nager. Vraiment pas. Cela dit, elle s'ennuyait tellement qu'elle avait piqué un maillot de bain à elle ne savait pas qui et avait décidé que risquer sa vie en pataugeant dans l'eau serait toujours plus intéressant que de ne rien faire du tout. Ainsi donc, un t-shirt long recouvrant son maillot de bain noir, elle se dirigea jusqu'à la piscine. Personne ne s'y trouvait: parfait. Il faut dire qu'à vingt-deux heures passées, les chances de croiser quelqu'un dans l'eau étaient réduites. Et elle n'allait pas s'en plaindre, croyez-le bien. Appréciant le calme ambiant, elle se contenta de plonger ses pieds dans l'eau. C'était déjà pas mal pour quelqu'un qui ne savait pas nager et qui n'aimait pas spécialement se baigner. Malgré tout, les minutes passèrent et au bout d'un moment, lasse d'attendre, elle se jeta à l'eau. Non, elle ne se jeta pas à l'eau au sens propre, elle prit le temps de se rendre là où elle avait pied uniquement. Elle n'était pas suicidaire à ce point-là. Non, pas encore. Elle tenta de nager, mais inévitablement, elle coulait. Après avoir bu la tasse deux ou trois fois, elle décida d'abandonner et de rester sur le bord, battant des jambes comme si elle nageait. L'eau n'était pas froide, c'était donc déjà ça, mais ce n'était pas si agréable que cela, de se baigner. Ça n'avait rien d'exceptionnel, en soit. La porte s'ouvrit sur une énième tentative de la belle de nager. C'était Esther. Elle l'avait rencontrée la première semaine et avait échangé quelques baisers, plus ou moins innocents. Depuis, leurs contacts avaient été moindres, pour ne pas dire inexistants. Comprenez bien que la blonde n'était pas la plus sociable des nanas. Síomha sortit de l'eau, s'installant au bord de la piscine, non loin de sa camarade. Oh, et cerise sur le gâteau, c'était la saint Valentin. « Exactement, oui. J'ai même prévu de m'offrir une bague dans vingt-trois minutes. Mais ne me dis rien, je ne voudrais pas me gâcher la surprise. » Elle ne pouvait pas s'empêcher d'être sarcastique. Mais cela faisait parti de son charme, n'est-ce pas?

Bon, finalement, en la regardant un peu mieux, je remarquai que la jeune femme ne nageait pas si bien que ça. Peut-être ne savait-elle pas nager. Je ne savais pas. « Exactement, oui. J'ai même prévu de m'offrir une bague dans vingt-trois minutes. Mais ne me dis rien, je ne voudrais pas me gâcher la surprise » Sa phrase eut le don de me faire rire. Je savais que c’était du sarcasme, je l’avais bien repéré et je savais que la demoiselle était très bonne à ce jeu. Même que la dernière fois, je m’étais bien laissé embarquer dans son jeu. « T’es trop chanceuse ! J’aimerais tant avoir une valentine comme toi ! » dis-je dans un semi murmure, mettant ma main près de ma bouche, comme si moi aussi j’allais lui dire un secret. « On devrait se mettre en couple pour l’occasion, tu sais !» dis-je en rigolant, faisant aller mes pieds dans l’eau. Évidemment, je plaisantais moi aussi. Malgré qu’avoir une valentine pourrait être amusant. Ouais bon, peut-être pas non plus. «Malgré que je ne sais rien de toi... Faudrait peut-être que je me méfie.» ajoutais-je, me doutant que ce n’était pas en lui disant cela que la jeune femme allait y aller de confession. Mais sait-on jamais, cela fonctionnerait peut-être.

Son sarcasme la fit rire. C'est la réaction banale chez les plus idiots: ils pensent inévitablement que c'est une bonne blague et ils sont tellement simplets qu'ils ne captent pas que c'est se foutre de la gueule du monde. La blonde ne savait pas si les débiles étaient pires que les renfrognés ou non... Ils étaient sans doute à un niveau égal. « Je sais, tout le monde aimerait avoir une Valentine comme moi. » répliqua-t-elle, ironique. Eh, oh, ne vous battez pas non plus pour la contredire, on a compris! Bande de mauvais, laissez-lui ses illusions au moins pendant cinq minutes. … Non, en vrai, elle savait qu'elle n'était la Valentine parfaite de personne et que personne n'était son Valentin parfait, elle ne croyait pas en ces conneries monumentales. Et bien loin d'elle l'idée d'anéantir tous les espoirs d'Esther, mais non, elles n'allaient pas pouvoir se mettre en couple. C'était une révélation affreuse, bien entendu. Pauvre petite poupée. Si ça pouvait lui éviter un cœur brisé, Síomha voulait bien lui donner un baiser d'adieu... Non, plus sérieusement, elle resta de marbre face à cette idée saugrenue. Esther pointa alors du doigt un manque de confiance en la personne qu'était la blonde. Se méfier? Pff, n'importe quoi, ce n'était absolument pas nécessaire. « Pas besoin de te méfier, je suis un véritable petit ange. » Comment ça, elle n'était pas crédible? C'est vrai, elle n'était pas un ange, mais son ton avait laissé paraître la chose, n'est-ce pas? Quoique, naïve comme l'était Esther, elle serait presque capable de la croire.

Bon, tout le monde. Je n’en étais pas certaine tout de même. C’est vrai, Siomha est vraiment une très jolie fille. J’aimerais bien lui ressembler même. Elle dégage la sensualité et c’est réellement une chose que j’aimerais refléter. Ce n’était pas dans mes gènes, il faut croire. Mais je ne la contredit pas sur ce point, si elle voulait se croire parfaite, bien que je doutais qu’elle pense réellement ainsi. Elle était un ange ? Peut-être. Reste que je ne connaissais rien d’elle. Peut-être qu’elle jouait un jeu, qu’elle n’était pas aussi froide et secrète dans la vraie vie. J’en doutais aussi. « Je te crois si tu te dis un ange. Mais reste que la carapace que tu te crée ici n’aide pas à te percevoir comme ça. » dis-je simplement, allant déposer ma main sur la sienne. J’aimerais bien pouvoir apprendre à la connaître d’une façon différente. J’étais peut-être folle, mais je voyais le bien en tout le monde. Sauf les personnes qui m’attaquaient directement, comme avait pu le faire Moore. Au moins, la blonde n’agissait pas ainsi avec moi. « J’aimerais te connaître tu sais ! » avouais-je en lui offrant un sourire, franc. Elle allait me prendre pour une idiote, surement. Je l’étais peut-être aussi. Reste que ma personnalité était ainsi. J’avais trop eu mal, dans la vie. Je voulais maintenant voir le positif. Il n’y avait absolument rien de mal là-dedans.

La question étant donc: Síomha était-elle un ange? Les avis sur la question divergeaient et c'était bien normal. On ne pouvait que peu la voir comme un ange, elle n'avait rien d'une telle créature, même pas les ailes. Esther, cependant, voyait les choses différemment. Cacherait-il sa vraie nature sous une carapace? Non. Puisqu'elle n'avait aucune carapace, elle était comme elle était. Sa camarade avait placé sa main sur la sienne et tout naturellement, la blonde ramena sa main libre sur celle d'Esther, la caressant du bout des doigts. C'était tellement amusant de jouer ce petit jeu avec elle. Haussant les épaules, elle fit: « Peut-être que je suis juste une salope. » Voilà qui était probable. Et cette réputation lui convenait. A vrai dire, elle aurait pu avoir n'importe quelle réputation, cela lui aurait convenu tout autant. Pour la simple et unique bonne raison qu'elle n'en avait que faire de la façon dont les gens la voyaient. Ça n'importait pas. Ils la jugeaient sans même la comprendre, ça ne pouvait pas avoir grande importance. Et d'ailleurs, Esther voulait apprendre à connaître la belle. Ah. Eh bien, l'espoir fait vivre. « J'ai cru comprendre qu'apprendre à connaitre les autres est le passe-temps favoris dans ce château. Mais ma vie ne vaut pas le coup d'être connue. » Sa voix n'était qu'un murmure dans l'oreille de sa camarade, comme si ce qu'elle lui apprenait relevait d'informations placées top secrètes par le gouvernement. C'était peut-être aussi pour prendre un côté menaçant, effrayant. Comme pour s'assurer qu'elle n'essaierait plus de lui tirer les vers du nez, comme c'était le cas avec les trois quarts des candidats de ce jeu. Ils pourraient tenter encore et encore, elle n'en resterait pas moins muette: elle n'était pas là pour raconter sa vie, c'était bien clair dans son esprit.

J’haussai les épaules à son affirmation. Peut-être qu’elle n’était qu’une salope. Oui, peut-être aussi. Mais j’aimais mieux ne pas croire en cela. Je ne la voyais pas comme ça. Évidemment, en quelques semaines, elle c’était bien faite une réputation, j’avais bien entendu ce que les autres candidats disaient. Mais je n’avais pas besoin des autres pour me faire une opinion sur quelqu’un. Je voulais apprendre à connaître la blonde, qu’elle parle ou non. Simplement passer du temps avec elle. Je resserrai ma main sur la sienne alors qu’elle me dit que sa vie ne valait pas le coup d’être connue. Je soupirai légèrement, non d’agacement, mais de consentement. « Tu sais, la mienne non plus. Y’a rien de drôle et rien de plaisant à raconter sur ma vie. Alors je ne te ferai pas ce supplice.» répondis-je donc, même si elle ne m’avait pourtant rien demander. Je n’aimais pas penser au passé. Moi, c’est le futur qui me fait grandir. Puis bon, me faire prendre en pitié, non merci. Mais de toute façon, j’avais bien l’impression que la demoiselle n’était pas le genre de personne qui me ferait dont de la pitié. C’est ce que j’aimais. « Mais alors, qu’est-ce que tu fais ici. Pourquoi participer à une télé-réalité si tu ne parles à pratiquement personne ?» demandais-je, espérant encore une fois qu’elle ne le prendrait pas mal. Ce n’était pas une question pour savoir sa vie, mais simplement, sa présence ici me laissait perplexe.

Síomha venait tout de même de faire une belle confidence à la poupée qui se tenait à ses cotés. C'était toujours plus que ce que beaucoup savait. Libre à elle de faire ce qu'elle souhaitait de cette information et d'en penser ce qu'elle voulait. Ce qui était certain, c'est bien que personne ne gagnerait quoi que ce soit en sachant des choses sur sa vie. C'était sa vie et elle n'avait pas à la partager avec quiconque. Elle n'aimait pas parler d'elle, c'est tout. Elle préférait même écouter les autres bavarder sur leur vie. Et sachant combien elle n'était pas fan des conversations en général, il était facile de savoir à quel point elle n'aimait pas papoter sur sa personne. Quant aux paroles d'Esther, elle ne répondit rien. Ce n'était pas comme si elle souhaitait en savoir plus sur sa camarade. Elle se concentra plutôt sur la main de la candidate qui recouvrait la sienne. Vint alors la fameuse question sur sa présence dans ce jeu. Ça l'étonnerait presque de ne pas l'avoir entendue plus souvent. Elle avait déjà avoué que l'argent ne l'intéressait pas. Il était aisé de deviner que l'amour n'était pas non plus sa principale préoccupation. Visiblement il était facile d'obtenir du sexe à l'extérieur de ce château, ça serait idiot de venir en chercher ici. La notoriété? Non plus. Le jeu? Elle avait largement prouvé qu'elle n'accordait pas grande importance à cela. Elle n'était pas la candidate idéale, c'est bien vrai. Alors, que pouvait-elle bien faire là? « Je suis ici pour des raisons que personne dans ce château ne pourrait comprendre. » trancha-t-elle finalement. Ce n'était pas plus compliqué que cela, non. Les autres candidats ne comprendraient pas ce qui la poussait à s'afficher à la télévision. Ou bien, ils la verraient différemment, chose qu'elle préférait éviter. Figurez-vous qu'elle appréciait sa réputation telle qu'elle était.

Elle n’allait pas parler d’elle. Je l’avais bien compris maintenant. Je n’allais pas non plus me montrer insistante sur quelque chose qui allait probablement la faire fuir. Si après cela, elle ne voulait plus me parler, c’était moi qui serait perdante dans cette situation. « Je suis ici pour des raisons que personne dans ce château ne pourrait comprendre. » Je doutais que personne ici ne puisse la comprendre. Puisqu’il était évident que tous les candidats de cette télé-réalité avaient de lourds secrets à cacher. Je lâchai sa main tranquillement, allant déposer mon bras autour de ses épaules, me rapprochant doucement de la demoiselle. Ma jolie robe allait être toute trempée, mais ce n’était pas bien grave. «Tu devrais peut-être commencer à avoir confiance en quelques personnes ici. Pas tous... mais enfin, tu peux avec moi.» finis-je par dire, caressant son épaule et son bras du bout de mes doigts. J’avais l’impression que personne n’allait vers elle, surement du fait de ce qu’elle dégage comme attitude. Moi au contraire, cela m’attirait. J’étais surement trop naïve. Oui. Mais je m’en foutais bien. Après tout, je faisais ce que je voulais ici et si j’avais envie d’avoir confiance en cette fille, pourquoi pas.

Et non, elle n'était pas non plus ici pour son secret. Elle ne voyait en quoi cela pourrait se révéler intéressant, de faire part de soi et de sa vie entière à la télévision sous prétexte d'un simple secret. Son secret n'avait été qu'une formalité pour venir dans ce jeu, rien de plus. Esther se rapprocha de la blonde, étouffant l'espace qui les séparait tant elle était collée à elle. La blonde ne savait pas ce qui se passait dans l'esprit de sa camarade à ce moment-là – elle ne souhaitait pas le savoir – mais elle espérait qu'elle était consciente que Síomha appréciait les contacts, plus encore quand ils n'étaient pas innocents. Faire confiance aux autres? La bonne blague. « J'adore ton sens de l'humour. » répliqua-t-elle, ironique au possible. Non, elle ne ferait confiance à personne ici. Et elle n'allait pas raconter sa vie, ni vouloir écouter les autres papoter sur la leur. Elle ne voulait rien savoir d'eux, ne leur accorder ni confiance, ni estime. Elle tourna son regard bleu comme l'océan vers sa camarade, explorant ses jolis yeux avant de dévier vers ses lèvres aguicheuses, les fixant avec envie. On est une trainée, ou on ne l'est pas, il faut croire. Malgré tout, elle resta sage, curieuse de voir si Esther allait comprendre le message ou non, si elle allait en avoir envie ou non, si elle allait réduire un peu plus l'espace qui les séparait ou non.