De toute les pièces diverses et farfelues que comptait ce spacieux château, il en était une qu'appréciait particulièrement Jackson. Le cellier. Il s'y rendait le plus fréquemment possible, tout simplement parce qu'il était fasciné par les lieux. Bon, sérieusement, vous êtes bien trop naïfs. Parce qu'il serait franchement stupéfiant que Jackson puisse apprécier une telle pièce. C'était petit, laid, irrespirable et sale. Glamour à souhait, en gros. Donc, non, Jackson n'appréciait pas vraiment le cellier. Pour tout vous dire, il avait dû s'y rendre une ou deux fois en l'espace de plusieurs semaines. Alors, franchement, il s'en passait très bien. Pour autant, aujourd'hui, le grand blond s'y était rendu. Ça n'était ni pour participer à une partie de cache-cache, ni pour échapper à un tueur psychopathe, ni pour faire des réserves de bouffe. Alors, pourquoi diable Jackson se trouvait-il ici, d'autant plus en fin d'après midi, alors qu'il avait très certainement trois mille choses bien plus intéressantes à faire ? Et bien, figurez-vous qu'il cherchait simplement à s'isoler quelques peu. Il n'était jamais aisé de rester seul très longtemps dans cette foutue baraque, alors il devait chaque fois redoubler de plus d'inventivité pour espérer se retrouver un peu seul avec lui même, la seule personne qui le supportait véritablement, et réciproquement. Se faire la conversation à lui même était par ailleurs une chose qu'il faisait de temps en temps, et figurez-vous qu'il le vivait très bien. Comme il vivait très bien le fait de se trouver assis sur ce sol franchement dégueulasse à regarder le mur qui se trouvait devant lui si fermement que celui-ci semblait se rapprocher à chaque seconde qui s'écoulait. Mais alors qu'il s'imaginait sérieusement pouvoir être broyé par le mur en question d'ici quelques instants, la porte s'ouvrit subitement pour laisser apparaitre l'un de ses camarades. Un soupire lui échappa, jusqu'à ce qu'il se rende compte qu'il s'agissait de Syssoï. Okay, ça changeait tout. Lui, il était prêt à le tolérer. Bien plus que certaines personnes, en tout cas. « Syssoï ... » commença-t-il, se redressant un minimum histoire de ne pas avoir trop l'air d'un miséreux. « ... tu ne devrais pas venir ici ... » poursuivit-il, d'un ton sérieux, avant de reprendre « ... tu es encore traumatisé, je pense. » Par là, Jackson faisait référence à ce que son camarade lui avait confié, au sujet de son entrevue avec Gabrielle dans le présent cellier. Entrevue durant laquelle il avait été séquestré par la jolie rousse, selon ses dires. Revenir sur les lieux du drame n'était alors peut être l'idée du siècle, vous ne pensez pas ?

J’ai la dalle. Ça m’arrive assez fréquemment, en fait. Et c’est un grognement récurant qui sort d’entre mes lèvres de manière ponctuelle, à peu près n’importe quand. Vous avez vu ma taille, vous avez vu ma masse ? Faut nourrir la bête à heure régulière si on veut pas risquer un drame. Bon le cannibalisme n’est pas encore dans mes projets, mais je serais totalement capable, en période de grande famine, de bousculer Elvis pour lui piquer son Yop et ses Chocobons. Oui, c’est cruel de piller un gosse, d’où l’emploi du terme «drame». Donc pour prévenir ce genre d’accès de fureur hautement destructeur, j’ai une liaison intense et suivie avec le cellier, qui sait, à lui tout seul, m’apporter un peu de ce plaisir que je ne m’offre pas ailleurs. Evidemment, j’ai gardé un mauvais souvenir d’une visite en ces lieux, mais ça va, hein, y a prescription, j’ai mangé depuis quand même. C’est donc sans aucune appréhension que je martèle le sol en direction de ma salle fétiche. On dirait le défilé du 14 juillet à moi tout seul, tant mon pas semble réglé au millimètre près et ma cadence est soutenue. Je fais flipper tout le monde ? Rien à battre ! J’ai faim. Y a toujours du monde dans le cellier, c’est un peu là où tu vas quand tu t’emmerdes, pour compenser, et comme on s’emmerde souvent. Sauf qu’aujourd’hui, il est à la fois trop tôt et trop tard. Trop tôt pour le diner, et trop tard pour le goûter. J’ouvre la porte avec toute la délicatesse dont je sais faire preuve, et elle manque s’exploser contre le mur. Sauf que la pièce n’était pas vide, et que dans un coin trainait un blond abandonné. Je suis a deux doigts de lancer une annonce “blond perdu sans collier.”, mais ce crétin me devance pour faire une blague encore plus moisie que la mienne. Un rire m’échappe. Léger, le rire, faudrait pas déconner. Alors comme ça il veut se payer ma tronche à cause de ma séquestration par rousse kamikaze ? Ok... « Je sais, mais j’ai justement rendez-vous avec ma tortionnaire pour une thérapie douce. » Je lui rétorque, sans rire, en glissant une main dans mes cheveux pour les rabattre en arrière, avant de tendre cette même main vers l’étagère où se trouve entreposés des conserves en tout genre. « L’oubli par le sexe, tu connais ? » Rooh, ça va, je plaisante et il le sait. Il le sait pas vrai ? Je tourne la tête vers lui pour vérifier qu’il n’a pas mal prit ma connerie, tout en m’emparant d’une boîte de maïs. « Est-ce que ça te dérange, si je me joins à toi ? » Je lui demande, finalement, hésitant, en sortant une fourchette de la poche arrière de mon jean. J’ai pas vraiment envie de croiser du monde, et m’enfiler mon maïs à même la boîte en compagnie de Jacko dans le cellier, me semble la perspective la plus cool de la journée. Ça vous laisse entrevoir l’intérêt nul et inexistant du reste de ma journée. Cela dit, j’imagine qu’il cherche lui aussi la solitude, et que la solitude avec moi, c’est plus vraiment de la solitude.

Ce qui est bien avec Jackson, c'est qu'il a toujours une manière bien à lui d'entamer une conversation. Ici, par exemple, il trouva visiblement amusant de faire référence à la séquestration de Syssoï par Gabrielle, dans ce même lieu, que celui-ci lui avait conté quelques jours plus tôt. Bon, après réflexion, ça n'était peut être pas LA chose à dire alors que le grand brun passait à peine le seuil de la porte. Mais tant pis, c'était trop tard de toute manière. Et puis, à le voir légèrement amusé, il semblait évident qu'il n'avait pas particulièrement mal pris ce semblant de plaisanterie. Encore heureux. Parce que Jackson ne se rendait pas forcément compte de ce qu'il pouvait dire quelques fois. Ce qui lui semblait tout à fait approprié ne l'était pas toujours. Mais puisqu'ici aucun malaise n'était à noter, tout allait pour le mieux. Du moins jusqu'à ce que Syssoi rétorque une phrase dans le même genre. Rendez-vous ? Tortionnaire ? Thérapie douce ? Oula, ça sentait le plan cul à plein nez, ça. Le plan cul avec ... Gabrielle. Pas de panique, il le faisait marcher, hein. Quoi ? L'oubli pas le sexe ? Il ne le faisait donc pas marcher ? Merde, Jackson était perdu. Est-ce que Syssoï se foutait de sa gueule, ou bien envisageait-il sérieusement de se taper la jolie rousse pour tâcher d'oublier ce désagréable moment dans le cellier ? Allez savoir. Quoi qu'il en soit, Jackson resta aussi impassible que possible. Il était tellement doué à force. « Ouais, je connais » fit-il alors, extrêmement neutre, et haussant légèrement les épaules. De toute manière, qu'est-ce que ça pourrait bien lui foutre que Syssoï passe à l'acte avec Gabrielle, hein ? Pas grand chose. Bon, il était effectivement possible qu'il envisage - rien qu'un instant - de sauter des falaises. Mais sinon, rien du tout. Faut quand même pas pousser. Finalement, après s'être emparé d'une boite de maïs, Syssoï demanda au grand blond si cela le dérangeait qu'il se joigne à lui. Jackson arqua un sourcil, le regard posé sur son camarade et faisant mine de réfléchir. Bien entendu, la réponse était toute vue. « Tant que tu ne prévois pas de m'agresser avec ta fourchette, tu peux prendre place » fit-il alors. Une fourchette, c'est dangereux vous savez. Alors autant s'assurer que son camarade ne prévoyait pas de se débarrasser lâchement de lui de cette manière. Sait-on jamais.

« Ouais, je connais » Oula, il a pas l’air de se fendre la poire, le blondinet. Qu’est ce qui s’passe, mon ami Jacko ? On a pas saisit qu’il s’agissait d’une joke bien moisie pour détendre l’atmosphère et accessoirement te rendre la monnaie de ta pièce pour le coup du traumatisme du cellier ? Faut avouer, que je suis pas très doué en interaction sociale, donc ça ne m’étonne pas qu’en souhaitant briser la glace je récolte exactement l’effet contraire. Il ne laisse rien paraître, aucune émotion, aucune réaction si ce n’est ce petit soulèvement d’épaules dont il est coutumier. Sauf que justement, maintenant que je le connais un peu -on va pas pousser jusqu’à prétendre que je le connais bien, un tout petit peu ça suffit-, je sais que l’absence de réaction est en fait une réaction en soi, celle de planquer ses émotions pour ne jamais s’aventurer à découvert. Et une fois de plus, je m’interroge sur son ressentit vis-à-vis de ma partenaire... Et puis je me rappelle que ça ne me regarde pas, ou tout du moins que ça ne me regarde plus. Alors je prends ma boîte de maïs, récupère la fourchette que j’ai dans le cul -enfin juste dans la poche arrière, hein- et m’approche de l’épave blonde, en lui proposant de partager son coin au calme. Niveau partage, on est plus à ça près, pas vrai ? « Tant que tu ne prévois pas de m'agresser avec ta fourchette, tu peux prendre place » Je lui jette un coup d’oeil en m’affalant à ses côtés, avant de décapsuler ma conserve. « Non, non, j’avais plutôt l’intention de t’enfoncer des grains de maïs dans chaque orifices et d’attendre que tu les portes à 37° pour obtenir du popcorn. » Je rétorque en haussant les épaules à mon tour, avant d’enfoncer ma fourchette dans la boîte de maïs pour la lui tendre ensuite -la boîte, pas la fourchette-. « Tu préfères quel orifice en premier ? » J’insiste tandis que la boîte lui heurte doucement le bras. « Si tu pouvais éviter de choisir celui qui se trouve à l’extrême Sud-Sud, ça m’arrangerait pas mal. Et puis ça t’éviterais de marquer l’Histoire en tant que mec qui s’enfilait des grains de maïs dans le trou de balle... » Simple conseil. D’ailleurs, je ne laisse rien paraître en avalant ma fourchette, jetant simplement un regard en coin à mon partenaire d’isolement. Ça peut ruiner une réputation c’t’histoire.

La petite "plaisanterie" de Syssoï était hilarante. Non vraiment, Jackson faillit s'étouffer à force d'en rire. Bon d'accord, ça n'était pas l'exacte vérité. Il était même probable que ça ne l'est pas amusé. Pas amusé du tout, même. Mais bon, c'était peut être parce qu'il n'avait pas d'humour, aussi. Ou alors parce que la plaisanterie en elle même était d'assez mauvais goût. Pourtant, en temps normal, Jackson était friand de ce genre de choses. Mais ici, bizarrement, ça le faisait moyennement rire, et pas même sourire. Allez savoir pourquoi. Quoi qu'il en soit, maintenant que son camarade était ici, autant qu'il lui tienne compagnie. Voilà pourquoi Jackson ne lui refusa pas de se joindre à lui. Il avait beau être assez insociable le Jackson, ça ne lui arrivait pas tout le temps non plus. Et puis, Syssoï représentait une compagnie assez supportable, ne serait-ce que comparée à d'autres, disons. Mais alors que Jackson insinua qu'il valait mieux que son camarade n'ait pas prévu de lui faire la peau à l'aide de sa petite fourchette, Syssoï rétorqua d'une manière, disons, particulière. Des grains de maïs enfoncés dans ses orifices et portés à 37° pour donner du pop corn ? Jackson dévisagea son camarade, l'air de dire « T'es pas bien, toi. » Et voilà qu'il lui tendait la boite de maïs maintenant. Hey mais il était un peu barge le Syssoï dans son genre. Là, il lui demanda de choisir un orifice pour passer en premier. Puis il reprit, lui conseillant d'éviter de choisir un certain orifice. Jackson ne lâcha pas du regard son camarade et resta silencieux quelques instants. Que pouvait-il répondre à cela ? Toutes les choses qui lui passaient par la tête étaient limites, quand même. « Non mais attends, tu peux le dire que tu veux simplement que je me désape, hein. » Bon, ça encore, ça ne l'était que légèrement. Plus sérieusement, si Syssoï ne savait pas comment lui dire qu'il souhaitait voir son cul, Jackson pouvait peut être l'aider à s'exprimer un peu plus clairement. Non parce que ses histoires de grains de maïs allaient bien deux minutes, mais soyons sérieux, ça ne rimait à rien.

« Non mais attends, tu peux le dire que tu veux simplement que je me désape, hein. » Avant cette magnifique répartie, Jacko m’a gratifié d’un regard qui laissait entendre qu’il me prenait pour un fou furieux. Quoi ? J’ai juste tenté une blague, pas de quoi fouetter un chat. Bon, ok, mon humour est particulièrement ridicule, mais ce n’est pas comme s’il n’était pas au courant de ce menu détail concernant ma personne. Alors, je me demande s’il est sérieux, là ? S’il estime vraiment sérieusement que j’en veux à son cul ? Parce que dans ce cas c’est qu’un gros détail lui a totalement échappé sur mon compte. « Hum... Qu’est-ce que tu n’as pas compris dans “si tu pouvais éviter l’extrême sud-sud” ? Parce que techniquement la négation indique de je ne souhaite pas voir ton cul, justement. » Je récupère ma boîte de maïs dont il n’est pas digne, le bougre, en m’enfile une nouvelle fourchette. « Petit détail qui a son importance... Contrairement à 90 % de la population masculine du nid, j’ai la fâcheuse tendance à n’aimer que les corps féminins. » En gros, je ne suis ni gay, ni bi, et s’il souhaite me montrer son cul, je n’y trouverais pas plus d’intérêt qu’au mien, c’est à dire : aucun. Par contre, cette conversation éveille un écho en moi... J’étais avec Ruben, quelques heures plus tôt, et comme à son habitude, le brun n’a pas tarit d’éloges à propos de Jacko. Si je n’ai écouté que d’une oreille distraite, puisque moi, je l’aime bien le blond, quelque chose a quand même attiré mon attention. « C’est vrai que tu as couché avec Sio ? » Je tiens cette information de Ruben... Moi je n’étais au courant que pour Moore, ce qui me semblait déjà trop. J’ai accepté de lui confier Gaby, mais c’était avec la seule intention qu’il ne lui fasse pas de mal, ou du moins pas autant que moi. Je suis plus trop sûr de moi, pour le coup. Je suis un mec, je sais ce que c’est d’avoir une libido en free ride, mais si moi je parviens à contrôler mon zob, j’estime que Jacko peut en faire autant, et éviter de sauter sur tout ce qui se trémousse sous son nez. Je m’enfile une nouvelle fourchette en l’observant en biais. « Moore, Siomha... Tu fais ce que tu veux de ta queue, mais sache que ma partenaire ne sera pas qu’un nom sur ta liste, elle vaut mieux que ça. Et comme j’y tiens un petit peu quand même. » Bel exemple d’euphémisme. « ... Et que je sais que toi aussi. Je n’aurais aucun scrupule à t’empêcher de faire une connerie, si tu vois ce que je veux dire... » Evidemment qu’il voit ce que je veux dire, et mon calme olympien ne le trompe pas. Je suis sympa et indulgent, mais faut pas pousser. Si j’avais voulu jeter Gaby dans les bras d’un sac à MST, j’aurais opté pour Lhoas. Sauf que non, j’ai eu confiance en Jacko, et j’espère que c’est toujours le cas.

Syssoï le faisait très légèrement flipper à cet instant précis. Son histoire de grains de maïs était assez déroutante, pour dire vrai. Sans doute cela était-il censé être drôle, mais Jackson ne parvint pas à en rire. Certes, un infime sourire venait de naitre sur ses lèvres, mais c'était plus parce qu'il venait de constater l'absurdité d'une telle conversation. « Arrête, t'en meurs d'envie » fit alors le grand blond, l'air de rien. Ben quoi ? Si Syssoï avait le droit de s'essayer à de l'humour bien pourrie, alors lui aussi. Ne vous inquiétez surtout pas, Jackson ne se croyait aucunement irrésistible et ne prétendait pas réellement que son camarade mourait d'envie de voir son cul. D'ailleurs, ce dernier ne tarda pas à avancer un argument de choc : il n'était attiré que par les corps féminins. Ça alors, c'était étonnant. Ou pas. « J'aime les corps féminins, moi aussi. Mais ... certains mecs me donnent quelques bouffées de chaleurs. Et tu sais quoi ... » Jackson marqua un pause, posant innocemment une main sur le genou de son camarade. « ... tu en fais partie. » L'expression de Jackson était, comme à son habitude, extrêmement neutre. Si bien qu'il était impossible de savoir si ce dernier plaisantait, ou non. En tout cas, il était curieux de savoir comment Syssoï réagirait. Après tout, il n'avait qu'à pas lancer un tel sujet. C'était sa faute, et puis c'est tout. Mais alors que rien ne laissait présager une telle chose, le grand brun évoqua Siomha, ou plutôt, le fait que Jackson ait éventuellement couché avec elle. Sur le coup, l'anglais fut quelques peu surpris. Mais ça lui passa bien vite, soyez en sûrs. « Moi qui croyais te l'avoir déjà dit ... J'ai un doute tout à coup » commença-t-il par dire, avant de reprendre presque aussitôt la parole. « Effectivement, j'ai couché avec la nymphomane de service. » Il l'avait fait et il l'assumait. Pour autant, il n'en était pas extrêmement fier, mais qu'importe. Ce qu'il se demandait, en tout cas, c'était pourquoi diable son camarade s'intéressait à cela. Mais très vite, il comprit que Syssoï y voyait un rapport avec Gabrielle. « Je n'ai jamais dit que je voulais qu'elle le soit, je veux dire, qu'un nom sur ma liste. » Soyons clairs, Jackson avait beaucoup de respect pour Gabrielle et ne prévoyait aucunement de la sauter pour ensuite passer à une autre. Non, ça n'était clairement pas le cas. « Je ... Je tiens à elle, c'est vrai. » Sans blague. Étrangement, Jackson avait la soudaine impression que son camarade le menaçait. Ou alors il était un tantinet parano. A voir. « De quelle connerie tu veux parler, au juste ? » demanda-t-il alors. Ouais, quelques précisions ne seraient sans doute pas de trop. Qu'il sache au moins ce qu'il n'avait pas intérêt à faire s'il voulait éviter de se faire massacrer par Terminator. Mieux vaut prévenir que guérir, parait-il.

« J'aime les corps féminins, moi aussi. Mais ... certains mecs me donnent quelques bouffées de chaleurs. Et tu sais quoi... tu en fais partie. » WHAT ?! Il a posé sa main sur mon genou pour plus de réalisme, et me lance un regard d’une neutralité absolue qui ne laisse rien voir de ses réelles intentions. Blague ou pas blague ? J’en sais rien, mais j’éclate de rire. Quelles que soient ses intentions, sa répartie me fait rire. Je suis danseur, je suis confronté tous les jours de ma vie à l’homosexualité, on s’imagine même, de part mon métier, que j’en suis, on m’a traité de tafiolle depuis que je suis en âge de comprendre cette insulte, alors des avances masculines, c’est pas vraiment une grande première pour moi. Mais des avances qui suivent mon aveu d’hétérosexualité totale, là, c’est une première. Voilà ce qui me pousse à croire qu’il plaisante, qu’il tente juste d’obtenir une réaction. Voilà, il l’a eu. Je ne sais pas vraiment si c’est celle qu’il espérait, mais il n’en aura pas d’autre. Il faut dire que je reste vraiment persuadé qu’il s’agit d’une blague ou d’une provocation, parce qu’entre Sio et Moore, si en plus il ajoute une tentative d’abordage de mon zob, ça risque de faire un peu trop pour que je puisse encore choisir, de mon plein gré, de lui confier Gabrielle. D’ailleurs, il faut que je lui parle de ça, il faut que je ramène le sujet sur le tapis, même s’il ne s’agit pas d’une partie de plaisir. Je suis pas vraiment enchanté de driver Jacko pour la conquête de Gaby, je dois même me faire violence, mais j’ai pas le choix. Enfin j’estime ne pas avoir le choix. Je lui parle donc de Siomha, et réalise, qu’en effet, il m’en avait déjà parlé, la dernière fois, dans la cave. Je n’y avais pas prêté attention sur le coup, focalisant sur Moore, avant de bloquer sur la jalousie de Gabrielle à l’égard de Jackson... Une réaction qui me confortait dans mon pressentiment, et qui m’arrachait un peu de chair en même temps. Je veux protéger Gabrielle de moi, mais pas en la jetant dans les bras d’un type qui la fera souffrir d’une autre manière. Le blond ne semble pas comprendre. Il a noté ma menace, mais n’en comprend pas les causes. Je soupire. « Tu tiens à elle, t’as envie d’elle... » C’est un fait, sinon pourquoi aurait-il tenté de l’embrasser ? « J’arrive pas à comprendre comment tu peux accepter de perdre ton temps avec d’autres. » Je suis sûrement naïf et vieux jeu, en plus j’y connais rien à ces sentiments dit ‘amoureux’, j’suis néophyte dans le domaine. Mais je sais que lorsque une fille m’appartient, elle ne peut appartenir à personne d’autre. J’imagine qu’il doit en être de même pour Gabrielle, s’il veut qu’elle ait confiance en lui, il doit lui prouver qu’il n’a qu’elle en tête. J’en reviens pas de m’apprêter à donner ce genre de conseils. J’dois aimer me complaire dans ma douleur. « Comment tu réagirais si je te disais que j’ai déjà couché avec Gabrielle, et si j’ajoutais qu’elle s’est également offerte à Lhoas... Tiendrais-tu toujours autant à elle ? » Je lui jette un regard en coin, et ajoute : « Je te demande ta véritable réaction profonde, parce que je ne doute pas qu’en superficialité tu serais d’une neutralité admirable. » Je veux une vraie réponse, pas une réponse à la Jackson. Je ne veux pas qu’il remette son masque pour me répondre, parce que fondamentalement, j’ai l’impression qu’il ne le porte plus avec moi, depuis un bon moment.

Attention, scoop du siècle : Syssoï plaisait à Jackson. Ouais ouais, il lui plaisait. Ou alors, le grand blond se foutait tout simplement de sa gueule. Venant de lui, ça n'aurait rien de bien étonnant. Pour autant, il semblait bien impossible de savoir si ce dernier plaisantait réellement, puisqu'encore une fois, il s'efforçait de rester le plus neutre possible au niveau de l'expression de son visage. Ainsi, Syssoï ne pourrait pas être pleinement certain d'avoir à faire à de l'humour de la part de son camarade. C'en était peut être. Mais peut être pas. En tout cas, cette situation semblait amuser Syssoï, puisque celui-ci se mit à rire. Jackson esquissa cette fois-ci un sourire un peu amusé, pouvant effectivement trahir une vilaine blague. Il retira bien évidemment sa main du genou de son camarade, parce que très franchement, ça faisait un peu too much pour le coup. Mais on lui pardonne au Jackson, car ça n'était tout de même pas souvent qu'il était amené à draguer un individu du même sexe que le sien. Un peu d'indulgence, bon sang. Bref, il était temps de refermer la page concernant cet épisode pour le moins particulier. La suite fut bien mieux. Ah non, en fait, pas du tout. Parce que Jackson devait une nouvelle fois s'entendre dire qu'il tenait à Gabrielle. Cela avait beau être vrai, il n'était pas tellement à l'aise avec ça. Que lui puisse tenir à quelqu'un semblait surnaturel, à vrai dire. Et croyez bien qu'il en était tout aussi surpris que les autres. Mais voilà que Syssoï renchérissait, allant même jusqu'à dire que Jackson avait envie de Gabrielle. Hm, envie dans quel sens ? Non, autant ne pas poser la question. Ça valait sans doute mieux. « Je suppose » fit-il alors, d'une toute petite voix. Non, il n'avait pas honte. Ou juste un petit peu, disons. Parce qu'à cet instant précis, il prenait conscience de sa connerie. C'était une chose qui se produisait environ une fois par an, et ça tombait aujourd'hui. Ainsi donc, il se rendait bien compte qu'il avait agi comme un con. Un vrai con. Mais n'en était-il pas un, justement ? Beaucoup en étaient persuadés, et à vrai dire lui aussi. « Qui te dit que je l'accepte ? » Okay, il perdait très probablement son temps avec d'autres. Mais peut être en était-il bel et bien conscient, quoi qu'assez inconsciemment. Peut être agissait-il comme cela plus par dépit qu'autre chose ? Allez savoir. Lui même ne savait pas réellement, en fait. Syssoï reprit la parole, évoquant une situation qui ne manqua pas de troubler Jackson. « Mal. Je réagirai mal. » Bien sûr qu'il réagirait mal dans un tel cas de figure. Bordel, et si ça n'était pas qu'un cas de figure ? Et si c'était bien vrai, en fait ? Pour le coup, il était un tantinet perdu. « Je pense que je lui en voudrai, en quelques sortes. Parce que ça m'aurait blessé, profondément. Mais bon, si vraiment elle voulait faire une telle chose, je ne pourrai de toute manière pas l'en empêcher. » Oui, si Gabrielle envisageait véritablement de se faire sauter par Syssoï puis par Lhoas, il n'aurait aucunement son mot à dire, et il le savait. Peut être était-ce justement cela qui serait douloureux, savoir qu'il n'aurait rien pu faire pour l'en empêcher. « Je crois que je tiendrai toujours autant à elle, oui. » Et ça, c'était le mec qu'on avait trainé dans la boue comme un mal propre mais qui s'était en vain accroché à une nana pendant plus de deux ans, au point d'en être devenu dépressif et suicidaire, qui le disait. Mais ici, un détail faisait toute la différence : Gabrielle ne partageait pas sa vie. Eh non.

Je ne m’étais pas trompé sur les sentiments de Jacko à l’égard de ma partenaire. Je ne suis peut être pas très objectif la concernant, estimant qu’il est totalement impensable qu’un homme correctement constitué ne tombe pas sous le charme en un dixième de seconde alors qu’elle est parvenu à m’apprivoiser en gribouillant une porte ouverte sur la cage du mouton que j’avais dessiné, mais si on part du principe que sur l’échelle des émotions humaines, je suis le ground zero, alors le fait qu’elle soit parvenue à tirer quelque chose de moi est suffisamment significatif pour décréter qu’elle doit être la femme la plus potentiellement aimée du monde. Ou alors, j’avais raison la première fois en affirmant qu’elle était le type de femme qui attire les connards de notre espèce, comme si elle portait un gyrophare au-dessus de la tête. Jackson n’a pas été épargné, et à l’évocation de la simple probabilité que Gaby et moi ayons pu coucher ensemble, je le vois sombrer un peu plus. C’est sadique, mais c’est le seul moyen que j’ai trouvé pour le faire cracher le morceau et ouvrir les yeux sur ces sentiments qui l’anime. Je ne suis pas un faiseur de miracle, je ne lui promets pas une route pavée de bonheur qu’il parcourrait main dans la main avec la rousse, le problème ce n’est pas ma partenaire, le problème c’est ce qu’il ressent, qu’il n’analyse pas, et qui perturbe son équilibre interne. Il avoue qu’une telle situation, Gaby s’envoyant en l’air avec un autre, le blesserait profondément, mais qu’il continuerait de tenir à elle. Cette réponse, c’est juste ce qu’il me fallait pour m’assurer qu’il est bien loin du connard qu’il dépeint. « La différence c’est que Gabrielle n’est pas du genre à “baiser” et tu le sais. Tu sais que si elle devait s’offrir à quelqu’un ici, ce serait pour bien plus qu’une simple partie de jambes en l’air., et finalement, quelque part, c’est pire... » Je ne sais pas ce que c’est d’être amoureux, mais je sais ce que c’est d’être possessif, d’estimer qu’une personne nous appartient tout en devant subir de la voir tomber amoureuse et s’afficher avec un autre, je connais cette douleur bien plus que je ne le souhaiterais. « Il t’est arrivé quoi pour que tu sois si réticent à l’amour ? » parce qu’il ne faut pas me la faire à l’envers, quand on ressent le genre de sentiments que Jacko ressent pour Gaby, il faut avoir vécu un truc dur pour les nier pendant tant de temps. Même le dernier des queutards se serait déjà déclaré depuis des lustres. Pas Jackson, non.