J'étais là, longeant les arbres du parc, foulant de mes pieds nus l'herbe fraîche, sentant la caresse de l'air frais onduler mes cheveux sous sa légère brise matinale. Les mains dans les poches, j'avais choisi de m'évader un peu. Vêtu d'un simple débardeur blanc et d'un jean délavé, j'avais entrepris une marche histoire de me changer les idées. Vous savez, le bruit dans cette maison m'était intempestif, je n'arrivais que très peu à me concentrer, très certainement parce que la plupart des habitants passaient plus de temps à s'en foutre pleins la tronche qu'à discuter dans le calme. Du coup ça se répercutait sur l'ambiance générale qui, à mes yeux, étaient parfois plus lourde que je ne l'aurais imaginé. Mais peu importe. Une cigarette à la bouche, je recrachais la fumée de mes poumons en profitant de ce que la nicotine pouvait m'amener comme réconfort. Jusqu'à ce que je sente une tape sur mon épaule. Pas le temps de me retourner pour observer mon interlocuteur que je l'entends déjà prendre la parole « Pique-nique ? » exigeait-il presque comme si il sentait un besoin oppressant d'avoir de la compagnie à sa table. Et puis c'était qui lui d'abord ? Je ne me souvenais pas de l'avoir un jour croisé. Bon il faut dire qu'à trente six candidats dans une maison, vous ne pouviez pas parler à tout le monde dès le premier soir. Docilement, et surtout parce que je n'avais rien à faire, j'écrasais au sol ma cigarette -la production ramasserait de toute façon le mégot- et me mettais à le suivre. Celui ci ne tarda pas à installer une grande nappe et à y déballer ses affaires. Il avait l'air heureux. Et moi j'étais là, encore debout. « C'est quoi ton nom déjà ? Étrange que je n'ai pas retenu un canon dans ton genre. » lâchais-je alors comme si de rien n'était, d'un naturel déconcertant.

Je soupirais d’aise. Le coin était magnifique et il faisait beau. Je m’installais donc tranquillement sur la nappe, me tortillant un peu pour trouver la bonne position. J’allais bien manger. « C'est quoi ton nom déjà ? Étrange que je n'ai pas retenu un canon dans ton genre. » Ouais, définitivement, j’allais forcément bien manger. Apparemment, il avait pris le parti de me suivre, et tant mieux. Je pense que j’aurais pu devenir dépressif à être tout seul comme ça – ou gros, à force de trop manger. Il avait ça tout simplement, pas de la façon aguicheuse qu’ont tous ces gens un peu bling-bling qui pensent qu’une phrase, dite d’un ton sensuel, peut faire tomber les mouches. J’arquais tout de même un sourcil, un sourire en coin, montrant bien que j’avais entendu le mot ‘canon’ et que je l’avais compris – j’avais un anglais tout sauf littéraire, mais ce mot était à la portée de n’importe qui. « Je m’étais camouflé des prédateurs. Daphnis. Et toi ? Un prénom de lover, du style … Edward. Nan, plus classe, Roméo ? Moins romantique, p’t-être … David. Ouais, ça c’est un prénom de lover. » Sans attendre sa réponse, qui viendrait de toute façon, je n’en doutais pas, je lui tendis tout de suite un des nombreux sandwichs. Un truc tout simple, du jambon avec un peu de beurre. J’étais partisan du moindre effort, et des choses simples. J’étais persuadé que le principe du pique-nique c’est de se faire un repas rapide et agréable. Alors oui, deux tranches de pain, du beurre et du jambon, c’est un repas tout à fait respectable digne des meilleures tables de pique-nique. « Je te le dis tout de suite : t’es venu, tu manges. » Je lui fis un grand sourire, un peu innocent. De toute façon, il devait bien se douter qu’il pouvait parfaitement partir, c’est juste que j’aimais bien me sentir une certaine autorité de temps en temps, même si c’était tout simplement une illusion, comme un enfant capricieux.