Je n’ai plus faim. Je dirais même que je suis rassasié. Elle vient de me nourrir une nouvelle de par ces définitions qui pour moi sont quelque chose que l’homme connait déjà, mais que moi j’ignore, tout simplement parce que je n’en suis pas un. Je préfère dire que l’homme n’est pas Ezéquiel –Ezéquiel n’est pas mon prénom mais soit- mais que l’homme et ce qu’Ezéquiel a envie d’être. J’ai envie d’être ce que un simple homme est, à sa naissance… à dire normal et…émotif. Quand je vois tout ces candidats et les visages qu’ils dégagent, les humeurs qu’ils adoptent ou les sensations qu’ils ressentent, je me dis que franchement, je suis un jouet à l’apparence humaine qui n’est bon qu'à décortiquer ces mêmes hommes comme de vulgaires poulets, à les éventrer avec mes mains de géants, parcourues de frissons, de picotements, signe de mon existence, de ma raison de vivre, de mon élixir de vitalité. Quand elle m’explique ce que le dégoût avec cette précision chirurgicale, je constate que je ne pourrais pas tout assimiler, que les sentiments sont un peu trop nombreux et que je ne pourrais jamais, oui jamais tous les connaître. Le dégoût n’en est qu’un, parmi une grosse liste interminable que l’Homme lui-même n’a pas put terminer vu les nombreuses ressources dont ils regorgent. ‘Ils’, c’est les hommes. Je les indique ainsi pour m’exclure du groupe, tout simplement parce que je n’ai les caractéristiques propre à ce même groupe et qu’il m’ais impossible de y’appartenir prochainement. Je ne suis pas dégoûtant alors. Je suis censé le prendre comment ? ça me traverse les pores, puis ressort, de l’autre bout de ma chair… « ça ne change rien. » Oui, ça ne change rien en ma situation, tant que je ne suis même pas capable de sentir si moi-même je suis dégoûtant ou pas. Je me lève. Je n’ai plus rien à faire, j’ai mangé, et c’est ce pourquoi je suis venu ici, dans cette cuisine. Si on me pose la question ‘Tu as mangé quoi ce matin ?’ Je leur répondrais à ces bandes d’abrutis qui ne comprenne rien : ‘Du dégoût.’ Et par qui ? Je leur répondrais ‘Tweedy’ Et là j’aurais participé à faire éviter à une grosse couche de la société les talents culinaires de cette femme qui s’auto-détruit progressivement en s'obstinant à rester avec moi. Mais ce qu’ignore ces bandes d’abrutis, c’est que c’est moi qui n’a pas su comment faire briller ses dons culinaires… C’est pourquoi je suis dégoûtant. Je crois. « On ne change jamais. » C’est sec, froid, oui, mais c’est moi. Je quitte la salle. Je n’ai plus rien demander, c'est bon, j’ai mangé, sans demander plus…

sujet terminé pour Ezéquiel.

Ezéquiel semblait se demander s'il était dégoûtant. Voilà qui était pour le moins curieux, aux yeux de Tweedy. Pourquoi en venait-il à se demander une telle chose ? Voilà un détail qui échappait cruellement à la jeune femme. Avait-il une si mauvaise opinion de sa personne ? Peut être. Quoi qu'il en soit, la petite brune ne se fit pas prier pour faire savoir à son camarade qu'il n'était pas dégoûtant, ou en tout cas, qu'elle ne le trouvait pas dégoûtant. A la rigueur, elle trouvait Ezéquiel mystérieux, un poil insociable, charismatique et même fascinant, mais certainement pas dégoûtant. Était-ce parce qu'elle ignorait beaucoup à son sujet ? Sans doute. Mais Tweedy semblait bel et bien persuadée qu'elle n'en viendrait jamais à ressentir le moindre dégoût pour son camarade, tout comme il était peu probable qu'elle soit amenée à en ressentir pour qui que ce soit ici. Du moins osait-elle l'espérer. De toute manière, Tweedy n'avait jamais cherché à le cacher, elle avait tout de suite eu une bonne impression au sujet d'Ezéquiel. Ce ne fut clairement pas le cas de tout le monde ici, elle s'en doutait, mais c'était bien son cas. Et il avait beau se montrer froid, distant et pas franchement sympathique, ça ne changeait rien à ce fait. Ainsi, qu'il ne s'étonne pas si Tweedy ne le lâchait pas dans les semaines à venir. Quand elle s'était mis en tête de découvrir quelqu'un, elle ne lâchait plus sa proie. Tout simplement. Mais voilà que le jeune homme reprenait la parole. D'après lui, cela ne changeait rien que sa camarade lui ait fait savoir qu'il n'était pas dégoûtant. Attendez voir, ça ne changeait rien à quoi ? A l'attitude qu'il adopterait vis à vis des habitants par la suite ? Ou à une toute autre chose ? Pour le coup, Tweedy était un peu perdue. Et c'est à ce moment précis qu'Ezéquiel crut bon de se lever. Il s'apprêtait visiblement à partir. Dommage. Les yeux de Tweedy suivirent alors le jeune homme, qui prit malgré tout la peine de lui adresser quelques derniers mots avant de finalement disparaitre. D'après lui, on ne change jamais. Mais d'après Tweedy, tout le monde était en mesure de changer. Même lui. Mais encore faudrait-il qu'il le veuille, hm. Sur le coup, Tweedy eut bien envie de lui courir après pour le lui faire savoir, mais elle s'abstint de le faire, préférant le laisser un peu respirer. Il en avait très probablement marre de l'avoir sur le dos, et elle comprenait ça. Ainsi donc, Tweedy resta seule dans cette cuisine, songeant dans un premier temps à faire cuire le riz de tout à l'heure, avant d'y renoncer finalement. Elle n'avait plus très faim, en fait. Elle mangerait ce soir. Ou demain. Bref, elle mangerait plus tard. Elle préféra donc quitter la pièce à son tour. Pour faire quoi ? Elle ne savait pas encore, mais ça viendrait.