Elle avait cet air farouche qui lui conférait une force indicible. Son toucher se voulait pondéré et maîtrisé. Son souffle s'échappait de ses lèvres couleur chair. Sa tignasse rousse dégageait ce parfum familier. Des souvenirs resurgirent dans son esprit. Il voyait alors le visage d'une autre lui souriant avec tendresse. La douleur logeait au creux de son cœur morne. Il s'était perdu dans des illusions chimériques. Seule la voix rauque de Aj pouvait l'apaiser. Pendant que la jeune femme parlait d'elle, il avait fermé les yeux un instant. - Au départ, simplement quelques remarques, mais rien de grave, puis après, j'ai fais mes preuves et j'ai prouvé que j'avais ma place ici autant qu'eux. Ses paupières s'ouvrirent, il l'observait en silence en arborant un visage sérieux. Il acquiesça. - Mais après, j'y ai pas fais attention, j'veux dire, je suis là pour servir mon pays, et pas pour me faire accepter par eux. Sa détermination était admirable. Il avait rencontré très peu de femmes de sa trempe. Elle était solide et indépendante. Malgré un corps fluet, elle dégageait une énergie attrayante. Derrière ce masque robuste se cachait sans doute un être fragile. La tête baissée, il ne pouvait plus voir son visage opalin dissimulé par ses mèches de cheveux. Il souleva une de ses mèches, effleura de ses doigts son menton et le remonta pour que leurs regards se croisèrent. Il plongea ses prunelles dans les siennes. - Cela a du être dur pour toi. Mais tu t'en es bien sortie. Je suis impressionné par tant de courage. Un caractère fort noble ... Il continua à effleurer son menton machinalement. Puis il reprit sa main. Allongé sur le côté et la tête posée sur l'oreiller, il poursuivit en lui demandant : - Je suppose que tu as grandi, entouré d'hommes. Tu as fini même par adopter une attitude presque masculine. Tes tenues, ta voix ... Quel genre de relation établis-tu avec les hommes ? Son côté garçon manqué lui donnait un charme fougueux, impétueux. Un charme dont l'anglais n'était pas insensible. Il espérait que sa question ne la brusquerait pas. C'était pour cela qu'il posait ces questions avec précaution. Il voulait juste cerner le caractère de l’israélienne en la confrontant à des interrogations plutôt simples. Mais il avouait qu'elle l'intriguait. Parler de soi était un exercice périlleux. Pour elle, pour lui, pour tout le monde. Il esquissa un sourire bienveillant.

Je commence à prendre mes marques sur son lit, sans blague, je suis désormais sur le ventre, appuyée sur les coudes et il a pris place à mes côtés. Je note que lorsque je lui fournis la réponse qu’il attendait il ferme doucement les yeux, quelques secondes, avant de revenir. Quand je le vois partir comme ça, je l’imagine sans mal penser à sa femme, à sa défunte femme, et ça me fous des frisons, réellement. Je devrais peut être le laisser tranquille, une bonne fois pour toute, pour éviter qu’il y repense en me voyant, bien que je crois qu’elle hante déjà ses pensées constamment sans ma précieuse aide. A méditer, j’y réfléchirai plus tard. La main de Malo tirant sur l’une de mes mèches couleur feu, glissant son mon menton afin de le relever me tire de ma réflexion. Je croise son regard bleuté tandis qu’il me dit que cela avait dû être dur pour moi. Je n’aime pas qu’on me dise cela, ça me donne l’impression qu’on me prend en pitié, et je déteste cela. J’ai cette impression, mais après, je pense que cela vient de moi. J’ai pas envie que l’on pense que cela est une faiblesse, je ne le veux pas. Cette vie, je l’ai choisi, il ne faut pas l’oublier. « Pas si dur que cela Malo. » Je réplique vivement. Je ne veux pas qu’il s’imagine que … Bref. Il continue et il me parle d’hommes, de moi. Je sais, j’ai une attitude de garçon manqué, et ma voix grave n’aide en rien. « Pour la voix, c’est Dame Nature qui a décidé, pas moi. » Je lui rappelle gentiment, avec néanmoins un sourire légèrement moqueur et amusé sur mes lèvres. Et oui, effectivement, je suis entourée d’hommes, c’est bien plus simple. Je m’entends mieux avec mon colocataire que je connais depuis quelques mois qu’avec ma sœur, la preuve. Je pense que ça doit être psychologique, une histoire de ce style. Il me demande les relations que j’entretiens avec les hommes, c’est moi, ou sa question est assez étrange ? « Mes relations ? Je m’entends bien avec les hommes généralement, au départ, ils se montrent protecteurs, avant de se rendre compte que cela ne sert à rien avec moi. »je commence. « La plupart de mes amis sont des brutes aussi. » J’annonce en riant, parce que c’est vrai, quand j’y pense.