Sami

Je me trimballais une humeur de chien depuis plusieurs jours, et rien ne semblait pouvoir arranger ce mal-être qui se faisait chaque jour un peu plus ressentir. La vie en communauté allait-elle m'être fatale ? On pouvait clairement le penser. Je n'avais en tout cas jamais été si morose, mou et dépressif. En général je respirais la joie de vivre, je sautais comme un cabris du matin au soir mais là, tout était différent. Il était tard, la nuit était tombée depuis quelques heures et je m'étais rendu à la salle de sport décrétant que c'était encore le seul lieu où je pourrais me retrouver seul ce soir. Je pénétrai dans la grande salle, pas un rat, nickel. Je m'assis alors par terre sur un tapis en mousse bleu, avant de ne fourrer ma tête dans le creux de mes bras. Maintenant je ne distinguais que le noir le plus complet et ça n'était pas plus mal. Noir... comme la couleur de mon âme. Et là, un courant d'air se fit ressentir et se faufila jusque son mon t-shirt, ne manquant pas de me faire frissonner. Ah putain, quelqu'un venait d'entrer, c'était ça le plan ? Okay. Même à une heure pareille et dans un tel lieu, y'avait définitivement pas moyen d'être seul. « Naaaan. Laissez-moi crever en paix, mauvais esprits. » marmonnais-je, en ne relevant même pas la tête pour voir de qui il pouvait s'agir. Qui que ce soit, ça n'était clairement pas le moment pour me casser les bonbons. Je voulais être seul, la solitude était encore ce que je supportais le mieux ici. Et puis merde, qu'est ce que cette personne pouvait bien avoir à faire dans une salle de sport à vingt-trois heures trente ? Un oubli de godasse, de short, de maillot ? Les trois ? Peu importe. Qu'on me laisse me morfondre. Qu'on ne se soucie pas de moi. J'en avais de toute manière l'habitude depuis le temps.

Une malheureuse serviette oubliée. Il fallait absolument que Sami aille la rechercher tant qu'il y pensait sinon elle allait rester là pendant trois semaines, et sans doute moisir ou que savons-nous, bref, allongé tout habillé sur son lit, il y avait repensé et prenant son courage à deux mains, s'était levé pour descendre jusqu'au centre de remise en forme, dans la salle de sport, il avait laissé sa serviette sur un des engins présents dans la pièce. Il poussa la porte, ne s'attendant pas à trouver quelqu'un à une heure aussi tardive, bien que le sport ça se faisait à toute heure, même le sport de chambre en fait. Un râle se fit alors entendre. « Naaaan. Laissez-moi crever en paix, mauvais esprits. » Sami resta planté sur le seuil de la salle de sport, se demandant qui pouvait bien se lamenter dans un aussi piteux langage. Après quelques pas, il remarqua l'allemand assis là, par terre. Eh bien, il n'aurait jamais pensé le trouver dans un état si pitoyable, lui qui était toujours le meilleur, le plus beau, le plus intelligent, le plus fort et j'en passe. Sami haussa les épaules, n'ayant nullement l'intention de le réconforter. Il chopa sa serviette restée sur l'engin, et fit mine de sortir de la pièce. Seulement, dans sa bonté internationale et connue de tous, Sami ne put s'empêcher de tapoter une main amicale sur l'épaule de l'allemand, avant de se diriger vers la sortie. Il doutait que l'allemand veuille plus de réconfort, s'il en voulait seulement, et Sami n'avait pas envie de réconforter une ordure pareille, de toute façon.

J'ignorais ce qui me mettait dans cet état-là, seulement ça n'allait pas en s'arrangeant depuis quelques jours. Tandis que je pensais me retrouver seul dans cette salle de sport ce soir, la porte s'ouvrit bientôt. Je conviai alors tout intrus à quitter au plus vite cette pièce. Je crus d'abord entendre le fameux individu sortir, puis les pas se rapprochèrent de plus en plus de moi. Une main fut alors portée jusque sur mon épaule, comme pour me réconforter. Je relevai la tête, difficilement, et vis ainsi Sami s'éloigner de moi. « Salami... » fis-je dans un premier temps, d'une voix basse mais néanmoins audible. « ... tu m'abandonnerais dans un état pareil, vraiment ? » J'aurais même pu ajouter "bah t'as vraiment pas de cœur, salopard", mais dans la mesure où j'étais le premier à laisser les gens dans leur merde, j'allais peut-être m'abstenir de sortir de tels propos. J'eus envie de me lever, mais honnêtement je n'en avais pas la force sur le moment. Allez, je me faisais aucune illusion hein, il allait probablement se mettre à ricaner histoire de se réjouir de mon état déplorable, et me laisser en plan comme on laisserait une merde sur le trottoir. Néanmoins je ne le lâchais pas du regard - un regard à la fois intense et vide, un regard qui n'avait cependant rien à voir avec celui qu'aurait un type désespéré. Je savais vraiment pas ce que je voulais moi, d'abord je demandais à quiconque ayant pénétré dans cette salle de me laisser mourir en paix, ensuite je m'offusquais de l'éventuel départ du barbu de cette pièce. J'étais un type compliqué, cherchez pas.

Un murmure se fit alors entendre derrière le dos de Sami alors qu'il était sur le point de quitter la pièce. « Salami... » Euh, jambon à l'os? « ... tu m'abandonnerais dans un état pareil, vraiment ? » Sérieux, il déconnait là ou quoi. Monsieur Je N'Avais Jamais Besoin de Personne, Je Me Suffis À Moi-Même. Étonnant revirement de situation, Sami n'aurait pas pensé un moment de faiblesse de la part de Andreas, pas de cette manière en tout cas. Mais Sami avait le coeur sur la main, c'était dans sa nature, il n'aurait pas su tourner le dos à quelqu'un qui avait besoin d'aide. C'était inconcevable pour lui. Le Dédé le fixa longuement, bon c'est bon. Sami fit quelques pas à reculons puis se retourna pour se diriger vers l'allemand. Il s'accroupit à coté du candidat qui était assis par terre, seul. Il le regarda longuement, comme l'étudiant. « Qu'est-ce qui se passe mon Dédé? » demanda Sami, sans faire de l'humour, sans se marrer du moins, il était sincère il voulait savoir ce qu'il se passait, surtout que Monsieur Ich réagisse d'une telle façon, c'était bizarre, vraiment alarmant. Sami était toujours là pour les autres, même si ces autres l'avaient poignardé dans le dos. Trop bon trop con comme on dit.

Je venais d'apostropher le barbu qui semblait avoir dans l'idée de quitter la pièce en me laissant seul et mal en point. Je savais pas si j'avais besoin, ou non, de compagnie ce soir. Seulement j'avais pas vraiment envie qu'il parte en fait. Finalement, il fit demi-tour et s'approcha de moi. « Qu'est-ce qui se passe mon Dédé ? » demanda-t-il, après s'être accroupi à mes côtés. Son regard sur moi se voulait insistant, le mien l'était également. Le "mon Dédé", pour une fois, ne me fit pas grincer des dents. Bah non, impossible, il était plein de bienveillance le bonhomme. « Si seulement je le savais Salami... » fis-je dans un premier temps, avant de ne baisser la tête et de porter le regard à mes pieds. Wow, quelles belles godasses, hum. « J'ai comme l'impression que quelque chose me manque, c'est... étrange comme sensation. J'suis pas bien, je sais pas pourquoi et ça me fait braire. » Je ne cherchais aucunement à me plaindre, et à m'apitoyer sur mon sort, mais voilà cette situation commençait à réellement me peser. Ce mal-être grandissant ne trouvait de cause nulle part, à mon sens, et cela me frustrait grandement. Je lui racontais ça à lui, tout en sachant pertinemment qu'il ne pourrait rien pour moi. Mais son intérêt pour ma personne, ce soir, ne me laissait pas indifférent néanmoins. Après le sale coup que je lui avais fait, la coucherie avec Élise, il prenait le temps de se préoccuper de mon cas. Personne ici n'en aurait fait autant. Ce mec avait un putain de grand cœur, en fait.

« Si seulement je le savais Salami... » répondit-il en baissant la tête, trouvant soudain ses chaussures intéressantes au plus haut point. C'était bizarre de voir Andreas dans cet état, lui qui avait toujours la tête haute et qui n'aurait jamais osé montrer une seule de ses failles. « J'ai comme l'impression que quelque chose me manque, c'est... étrange comme sensation. J'suis pas bien, je sais pas pourquoi et ça me fait braire. » Braire, pleurer? Carrément? Ouah, qui l'aurait cru. Sami ne dit mot pour l'instant et s'assit correctement à coté de son comme qui dirait pote allemand. Il passa un bras par-dessus l'épaule du candidat un peu déprimé. Et tant pis s'il râle, ça restera là, qu'il aime ce rapprochement amical ou non. Il devait s'estimer heureux que bon vieux Sami était là pour lui tenir compagnie dans son moment de doute. « Et c'est.. comme ça depuis le début de l'aventure? Ce jeu retourne toutes les émotions, j'pense qu'il faut surtout prendre du recul par rapport à tout dans ce type de jeu télévisé où l'on est enfermé et entassé les uns sur les autres non stop. » Il le regarda avec un regard attentionné, comme un père regarderait son fils qui va mal, toujours son bras passé par-dessus l'épaule du petit gars qui se sentait mal.

Ça n'allait pas. Et ça, je ne me l'expliquais tout simplement pas. Y'avait bien une raison à tout ça, pour que je me retrouve assis par terre, dans cette salle de sport, vachement mal en point et à la limite de la dépression. Un tel comportement ne me ressemblait tellement pas... N'importe qui aurait pu croire à une feinte de ma part, à de la grosse comédie pure et simple, et pourtant il n'en était rien. Sami ne tarda pas à passer son bras par dessus mon épaule, sans doute dans l'optique de me réconforter. Ouais bah c'est bon, hein, j'étais pas au bord du suicide non plus. « Et c'est.. comme ça depuis le début de l'aventure? Ce jeu retourne toutes les émotions, j'pense qu'il faut surtout prendre du recul par rapport à tout dans ce type de jeu télévisé où l'on est enfermé et entassé les uns sur les autres non stop. » rétorqua-t-il, plus bienveillant encore que précédemment. On voyait clairement que ça l'intéressait, le préoccupait presque. Pourtant ça ne le concernait pas directement, pas du tout même. Son altruisme devait prendre le dessus à l'heure actuelle. Je ne pouvais pas lutter contre ça et quelque part ça me rassurait. Y'aurait au moins quelqu'un pour m'empêcher de me pendre avec mes lacets ce soir. « Non, c'est tout récent. C'était pas une bonne idée de venir ici. Je récolte que de la merde depuis mon arrivée. Ah j'ai du bien fait rire mon père, hein, alors que c'était pas du tout le but. » Tu parles, moi qui voulait lui faire fermer sa grande gueule une bonne fois pour toute et lui prouver certaines choses, c'était quand même mal barré. Enfin, je le reconnaissais. Et devant toute l'Irlande. Mon père pouvait bien se foutre de ma gueule au même instant que je m'en foutais juste royalement. J'estimais juste avoir échoué dans la mission que je m'étais confiée et ça, je ne l'acceptais pas. J'avais plus qu'une chose à faire maintenant : remonter la pente, me montrer sans pitié, les écraser jusqu'au dernier.