Il fait plutôt chaud aujourd'hui, c'est limite bizarre puisque le temps est particulièrement à chier ces temps ci. A croire que la météo est détraquée. Ça me fait penser à Paris, je me demande quel temps il y fait. J'espère que le temps est au beau fixe, je sais qu'on est mercredi et que ma petite puce n'a pas école aujourd'hui, elle doit être à la galerie avec sa mère. Entrain de jouer dans la cours intérieur avec son petit frère. Mon dieu ce qu'il doit avoir changé. Ça change tellement à cet âge. Je suis entrain de déprimer allongé sur l'herbe lorsque je vois une silhouette non loin. Je me redresse. Anabel, mais je doute qu'elle ne m'est vu. « Anabel... » Trop tard, elle pénètre dans le labyrinthe. J'sais pas si elle a rendez-vous avec quelqu'un ou non, mais ce que je sais c'est que si elle se perd, elle ne pourra pas crier, appeler à l'aide et ... Non ce serait trop bête qu'elle se perde. Alors, j'retire mon tee-shirt et mon short, j'envoie valser mes lunettes de vue et voilà que Clark Kent laisse place à Superman. Puisqu'en bon superhéros qui se respecte, j'ai mon costume sous mes fringues. Enfin c'est ce qui se serait produit si je me prénommais Clark. Je ne mets pas très longtemps à la rattraper. « Ana mon chaton c'est pas prudent de te balader seule dans un endroit pareil. Imagine que tu te perde, ou que tu rencontres le minotaure. » J'écarquilles les yeux, évidemment un minotaure serait sans doute moins dangereux qu'un grand black qu'on rencontre au détour d'une allée. « Je te demanderais bien ce que tu faisais là, mais... » Je fais évidemment référence à son handicap imposé de la semaine. Quelle plaie quand même, la pauvre.

C’est quand même étrange d’avoir cette envie particulière, aujourd’hui, cette semaine même, d’aller me balader dans le labyrinthe en sachant très bien que je risque de me perdre, et que je serai coincé là pour de bon si cela se produit, sachant que je ne peu en aucun cas appelez à l’aide. Je dois être sadique, à quelque part, de vouloir m’imposer ça. Par contre, si mon idée est bonne, il y a toujours un moyen de faire sans... ma voix, je parle. À la façon Petit Poucet, peut-être? Avec des cailloux pleins les mains et les poches, que je jetterais par terre pour m’indiquer là d’où je viens, et ainsi, éviter le pire. Ça ne me semble pas être une mauvaise idée. En tout cas, elle est meilleure que celle que j’ai eue, soit de me balader toute seule dans ce dédale de couloirs interminables. Je fais ma cueillette tout au long du chemin, et ainsi, je suis bien garni en munition quand j’arrive devant les hauts murs de végétaux. À l’attaque! C’est ainsi que je me pénètre dans ce lieu de médisances qui en a vu plusieurs se perdre. Un petit caillou par-ci, un autre par-là… Je n’ai pas marché bien longtemps que je sens qu’on me suit, et me retourne pour me retrouver face à Slavin. Visiblement inquiet. « Ana mon chaton c’est pas prudent de te balader seule dans un endroit pareil. Imagine que tu te perdes, ou que tu rencontres le minotaure. » Son grand regard me scrute, et j’imagine presque sans peine de quel minotaure il parle… Les menaces dans son coin ne sont pas très nombreuses, et l’une d’elle m’est particulièrement familière. « Je te demanderais bien ce que tu faisais là, mais… » Mais ? Ah oui, je ne peux pas parler. En soi, c’est un problème. À laquelle j’ai une solution, et glissant les roches que j’avais dans les mains dans l’une de mes poches de mon jean, je sors de l’autre mon calepin et mon stylo. « Je me baladais, tout simplement. Tu m’as seulement suivi parce que tu t’inquiétais ? C’est gentil. » Je prends l’habitude d’écrire vite, et de façon compréhensible, pas comme ces médecins dont l’écriture est carrément illisible. Après trois jours, c'est devenu une habitude, vous savez.

Je n'ai pas prêté attention aux petits cailloux jusqu'à ce que mon pied butte dedans. Oh mais c'est ingénieux, sauf que je remarque qu'il y en a déjà un peu partout, disposés ici et là, sûrement laissé là par d'autres candidats qui eut la même idée brillante. Comment savoir à qui ils appartiennent ces pauvres petits cailloux égarés ? Et étant donné que j'ai shooté dans un caillou par mégarde, comment être sûr que ça ne soit pas arrivé avant cela ? Peut être que j'ai malencontreusement réduit à néant les chances d'Anabel de retrouver son chemin. Enfin non plus maintenant puisque je suis arrivé à sa rescousse. J'ai déjà réussi à sortir de ce fourbi à plusieurs reprises et sans vraiment devoir fournir un effort sur-humain. J'ai même déjà quitté ces lieux au beau milieu de la nuit en compagnie de London qui ne m'en croyait pas vraiment capable. Si ce n'est pas une preuve flagrante que je suis doué, je ne vois pas ce que cela peut être d'autre. Je retrouve Anabel rapidement, elle se retourne d'elle même par ailleurs. C'est vrai qu'elle est privée de paroles, pas d’ouïe, c'est con. Je lui parle et me sens presque ridicule puisque j'sais qu'elle ne pourra pas répondre. Sauf qu'elle sort de ses poches un petit calepin. Oh mais cette fille est géniale. Alors que j'étais inquiet jusqu'à présent, je peux enfin lui sourire, particulièrement soulagé. Je la regarde griffonner, rapidement, et penche légèrement la tête pour déchiffrer ses mots, et ce n'est pas bien compliqué, tant son écriture et fluide et compréhensible. « Bien sûr que je m'inquiétais, déjà que c'est super chiant de ne pas pouvoir s'exprimer, mais si en plus tu venais à te perdre... » C'est vrai quoi, il faudrait être inconscient pour la laisser s'aventurer là toute seule. « Oh d'ailleurs, je suis désolé mais j'ai shooté par mégarde dans tes petits cailloux, j'vais devoir te suivre maintenant. » Je baisse la tête, et me gratte l'arrière du crâne, ce qui traduit sans mal ma gêne. « T'as déjà vu la fontaine au centre ? Elle est magnifique, viens voir ! » Je lui attrape la main et commence à marcher vers l'endroit indiqué.

Je me demande si c’est vraiment ma seule présence dans ce labyrinthe qui à été la raison pour laquelle Slavin c’est aussi enfoncer dans les dédales de celui-ci… et bien vite, j’obtiens une réponse. Il faut dire que si nous étions aptes à tenir une véritable conversation, il y a déjà un petit moment que nous serions passés à autre chose… ou pas. Il ne m’aurait pas suivi, si j’avais été doté de paroles. Enfin, je crois. « Bien sûr que je m'inquiétais, déjà que c'est super chiant de ne pas pouvoir s'exprimer, mais si en plus tu venais à te perdre... » Me perdre, il est vrai que cette éventualité est possible, d’autant plus que je n’ai pas le sens de l’orientation, et que malgré mes nombreux passages dans le coin, je n’arrive toujours pas à mémoriser le bon chemin pour parvenir jusqu’au centre, et en revenir sans embuche. « Oh d'ailleurs, je suis désolé mais j'ai shooté par mégarde dans tes petits cailloux, j'vais devoir te suivre maintenant. » Oh, quoi? Mais mon plan alors ! Il venait de tomber à l’eau. Prévisible, en même. Rien qu’à jeter un coup d’œil au sol pour voir que, de un, je n’avais pas été la seule à agir de la sorte, et de deux, que mes cailloux n’étaient pas les seuls présents sur el sol. En bref, j’étais peut-être mieux d’accepter la présence de Slavin. Qui en fait, ne me dérangeait pas vraiment. J’haussais des épaules pour lui faire savoir que ce n’était pas bien grave. « T'as déjà vu la fontaine au centre ? Elle est magnifique, viens voir ! » Euh, même pas le temps de lui répondre qu’il me traine déjà derrière lui. Je fais comment pour lui répondre, alors ? Marcher et écrire étant une mauvaise idée, je suppose qu’il ne me reste plus grand choix que de le suivre, alors. Et même si cette fontaine ne m’est pas inconnue, laissons-lui croire qu’il a l’exclusivité. Si ça peut lui faire plaisir.

C'est vrai que si Anabel était pourvu de la parole, je n'aurais sans doute pas accouru, peut être que je lui aurais laissé profité de sa tranquillité. C'est vrai que c'est plutôt rare de pouvoir compter sur un moment de solitude par ici. Sauf que mon instinct de survie a pris le dessus, et c'est tout naturellement que je suis allé à sa rencontre, il faut dire que ça fait un moment qu'on a passé du temps elle est moi. J'sais pas si c'est parce qu'elle n'a pas la possibilité de parler ou non mais moi j'suis carrément bavard, je prends bien soin de combler les blancs. D'ailleurs je ne lui laisse pas vraiment la possibilité de répondre ou non lorsque je l'attire avec moi dans les dédales des couloirs de végétations. En plus, elle l'a sûrement déjà vu cette fontaine, et entre nous, elle n'a rien d'exceptionnel non plus. On marche, on marche. Et là c'est le drame. « Merde, j'ai un trou. Gauche ? Droite ? Droite ? Gauche ? » J'ai pas l'air con, mais c'est parce que j'ai pris soin de la suivre au départ sans vraiment regarder où j'allais, et puis après je me suis précipité, et maintenant j'crois qu'on tourne en rond. Et merde. c'est la première fois que ça m'arrive. « Anabel, j'ai le regret de te dire qu'on est perdu. » Enfin moi j'suis perdu en tout cas, et comme j'ai couru au lieu de marcher, je ne sais pas si elle a eu le temps de repérer son chemin, ni même si elle sait se diriger là bas. Et là je me mets à rire parce que j'trouve que c'est totalement comique comme situation. J'étais venu tel un sauveur pour éviter que ça se produise et pourtant, on est perdu, c'est bête, alors je ris. Tiens d'ailleurs, est-ce qu'elle peut rire ? Oui j'imagine, ce n'est pas comme si on pouvait contrôler son rire, c'est idiot.