feat sive

J'suis dehors, depuis un moment maintenant, entrain de fumer ma cinquième cigarette en moins d'une demi-heure, mais j'pense que je ne partirais pas avant d'avoir terminé le paquet. J'suis passablement énervé ce soir. Mais de toute façon j'ai été de mauvais poil toute la journée, sans doute à cause des nominations, et des résultats qui se profilaient, j'en sais rien. Ou peut être pas finalement, j'en sais rien, tout ce que j'sais c'est que j'ai envie de voir personne. J'suis sorti, j'évite même Adie de peur de lui dire une chose que je regretterais à peine sera-t-elle sortie de ma bouche. J'sais que j'réagis encore plus violemment que j'suis de mauvais poil alors j'ai décidé de m'isoler. Il fait frais dehors, alors je présume que personne ne viendra. J'espère quoi qu'il en soit. Oh oui, je l'espère. Sauf que visiblement c'est trop demandé d'être seul ici, puisque déjà j'entends la fenêtre du salon s'ouvrir et des pas sur la terrasse sur laquelle je suis assis. Je soupire. J'sais pas qui t'es mais casse toi, c'est pour ton bien. Oh oui, tire toi avant que je te gueule dessus. Je ne prends pas la peine de me retourner, j'voudrais pas que cette personne croit que j'ai envie de la voir. Parce que ce n'est clairement pas le cas, même si j'ignore de qui il s'agit à vrai dire. J'tire comme un malade sur ma cigarette si bien qu'elle se termine en un rien de temps, c'est con parce que finalement j'en profite même pas. Je pompe, et je l'écrase, devant moi entre mes jambe contre le sol de la terrasse, le mégot va rejoindre les autres laissés là, j'irais les jeter tout à l'heure. Sûrement.

Ah... Les nominations. Quelle joie. Je sortais du salon après avoir vaqué à mes occupations habituelles : repas constitué de deux pauvres tomates et d'une sauce vinaigrette - j'avais appris à faire ça, ici, à force d'observation, et je devais dire que je ne m'en sortais pas trop mal -, brève discussion avec quelques habitants, passage rapide et revitalisant par la salle de bain. J'arrivais sur la terrasse et devinais Slavin, de dos. Il ne se retourne pas. Bon. Je grimace avant de me décider à le rejoindre. Je m'assois face à lui, il a vraiment l'air de mauvaise humeur, et c'est la première fois que je le vois comme ça, à ce point... On dirait de la colère. Je ne sais pas exactement si je suis la bienvenue ici. En temps normal, je n'en aurai pas grand-chose à faire, en le voyant dans un tel état, je lui imposerai ma présence, comme lui avait pu le faire avec moi, question d'inquiétude. Mais il y a cette fois autre chose qui me tracasse. Une chose dont je n'ai pas pu reparler avec lui. « Tu m'en veux ? » Telle est ma question. La question qui se répète sans cesse dans mon esprit depuis quelques jours et fait que je suis là, hésitante face à lui. J'ai juste besoin de clarifier cette chose. Et s'il s'avère que c'est le cas, me battre pour la faire oublier. Mes yeux courent sur son visage, dans l'attente d'une réaction. Des fois qu'il me dirait l'inverse de ce qu'il pense... Ca arrive plus souvent qu'on ne le croit.

Aujourd'hui, j'suis dans un de ces mauvais jours, j'ai plutôt bien dormi, peu à cause de la fête, mais plutôt bien alors ça n'a rien à voir avec ma nuit. J'saurais pas vraiment l'expliquer, mais il arrive un moment où il est presque normal de péter les plombs, y'a rien d'étonnant là-dedans, au contraire. On est enfermé vingt-quatre sur vingt-quatre depuis deux mois, alors certes c'est pas la première fois pour moi, j'peux voir les choses différemment, j'ai un peu de recul sur tout ça, sans doute plus que les autres, mais quand même Il n'en reste pas moins que ça me pèse. Aujourd'hui précisément. Alors j'suis assis sur cette terrasse, et y'a un inconnu qui vient d'arriver.Bien sûr cet inconnu n'en est pas réellement un, et je ne tarde pas à découvrir son identité. Sive, j'sais pas vraiment si j'suis content ou non. Non, j'suis plutôt indifférent, et j'ai carrément l'impression que c'est pire. J'sors une nouvelle cigarette que je fourre entre mes lèvres. Elle est assise en face, et me pose une question, à laquelle j'aurais pu m'attendre depuis un moment. Au lieu d'allumer le bâton de nicotine, je le fais rouler entre mes doigts. « Non, je t'en veux pas. » Je lui avais plus ou moins suggéré, dans la cabane en bois, mais je suppose que mon regard livide n'avait pas aidé à la convaincre et puis j'avais été appelé à la cabane suite à la révélation pour procéder aux nominations alors forcément, je n'ai pas pu lui confirmer, et ensuite. Ensuite, je n'ai pas pensé que ça puisse la miner encore, y'avait pas mort d'homme. « Je t'assure... » Je lève les yeux capturant ses iris finalement, j'espère la convaincre davantage.

Il ne lève pas les yeux pour m'annoncer sa réponse. Il les garde fixés sur la cigarette qu'il fait rouler entre ses doigts. Je me dis que c'est mauvais signe. Que c'est peut-être bien une annonce contraire à ses pensées. Alors je m'apprête à me lever, à lui laisser un peu d'intimité, parce que de toute évidence, ma présence ne semble pas être la bienvenue, quand il lève les yeux vers moi pour me répéter ce qui fut dit, et je sais alors qu'il souhaite réellement me rassurer. Je sais que c'était peut-être un soupçon futile. Mais chaque personne réagit différemment, a une conception différente de ce qui est acceptable, ou de ce qui est trahison, et je tenais à ce que les choses soient claires entre Evan et moi. Evan. Je crois que je m'adapte assez bien. En tout cas, je décide de ne pas trop m'étendre là-dessus. Après un soupir de soulagement, je passe mes mains dans mes cheveux comme pour les attacher, et puis je change d'avis, et les laisse à nouveau tomber sur mes épaules. Mon regard enveloppe toujours le visage d'Evan, et je cherche des réponses, des causes aisément devinables, mais je ne suis sûre de rien, aussi je préfère le laisser parler. « Qu'est-ce qu'il y a ? », que je demande prudemment, ne laissant filtrer aucune émotion sinon un peu de douceur en ma voix. Rien ne me dit qu'il voudra me répondre, et pourtant, je sais que je dois essayer. C'est mon rôle, non ?

J'suis trop froid, trop distant, à sa place j'serais sans doute parti. Quoi que non, pas si elle avait été dans un cas similaire en faite, donc j'comprends qu'elle reste, mais j'suis pas sûr que ce soit une bonne idée. Pas du tout même. Parce qu'il y a toujours ce truc, le truc qu'on nous reproche et que m'exaspère. Et j'pense qu'en plus du reste, ça pèse. J'pourrais lui en parler sauf que une fois de plus, ça risque d'être mal interprété, et ça va nous retomber dessus, alors ça me saoule. Mais de toute façon, elle me pose la question, j'peux pas vraiment l'ignorer parce que mine de rien, j'préfère être avec elle qu'à ruminer dans mon coin, c'est pas la solution. C'est certain. Je baisse les yeux un instant, les pose sur ma cigarette, que j'arrête de faire rouler entre mes doigts, au lieu de cela, je soupire et la pose sur le sol. J'inspire, et relève les yeux vers Sive. « Rien. Y'a rien. Et tout à la fois. J'imagine que c'est le moment où j'suis censé me remettre en question et ça me fait peur. J'sais pas. Tu sais ce que j't'ai dit dans la chambre secrète, c'est toujours d'actualité, même si les choses ont évolués, j'en suis intimement convaincu. Mais en même temps, j'suis attaché alors c'est bizarre. Et puis y'a toi, cette conversation qui va sans doute nous être reproché, ça me fatigue. » Ouais, et pas qu'un peu, j'en ai marre sérieusement, marre qu'on nous blâme pour rien. Encore qu'Adie ne semblait plus tellement nous faire des reproches alors que finalement, c'est à elle d'en faire. Même si ça aussi, ça me saoule, mais ça encore. J'peux réussir à le comprendre. Bref. « Mais c'est rien, ça va passer, j'pense. De toute façon, je t'ai suffisamment ennuyé avec tout ça. » J'finis par sourire, parce que mine de rien, si elle n'avait pas été là, j'pense que les choses seraient bien plus compliqué avec Adie.

Il a vraiment pas l'air bien, et je ne peux m'empêcher de ressentir un petit pincement. Evan, c'est celui qui a toujours été là pour moi peu importe ce que les autres en penseraient, ce que moi-même j'en penserai, en faisant fi de toutes les complications possibles, sans jamais me trahir, ou dépasser les limites. Du coup, j'estime que le moins que je puisse faire, c'est essayer de savoir ce qui l'embarrasse à ce point, l'écouter jusqu'au bout. Du coup, c'est ce que je fais, j'essaye d'assimiler le moindre de ses mots pour pouvoir lire entre eux, parce qu'il est toujours assez malaisé de deviner l'autre, et ce qu'il veut réellement dire, malgré les merveilles du langage. Les mots couvraient rarement les ressentis dans leur intégralité. L'espace d'un instant, je me demandais s'il y avait ne serait-ce qu'un homme sur cette terre qui se connaissait suffisamment bien pour pouvoir déterminer intégralement ce qu'il ressentait, et mieux encore, en faire part à autrui avec des mots, et que cela ne laisse aucun doute. Bon d'accord, c'était une idée bizarre. J'en avais souvent. « Je t'ai déjà dit que tu ne m'ennuyais pas. Je pense que ce que tu dois te demander, c'est si c'est changer de vie qui te fait peur, ou simplement qu'elle ne te convienne pas. Ne cherche pas à évaluer tes capacités, mais plutôt ton envie. Si tu en as vraiment envie, tu seras capable de tout. Sinon... Minimise les dégâts. » J'allais ajouter une supplication de l'ordre du "s'il te plaît", mais je m'étais retenue. Je n'avais pas envie de passer une fois de plus pour la protectrice d'Adie, surtout pas dans cette discussion où je pensais qu'il avait besoin d'un avis neutre et objectif. Je ne disais pas que je parvenais forcément à l'avoir, mais j'essayais, en tout cas. Et puis je reviens sur un deuxième point qui retient son attention, et qui commence à me faire me poser des questions à moi aussi. « Evan... Tu voudrais... Tu crois que ce serait mieux, si je m'éloignais un peu ? J'ai pas envie d'être une entrave à ce que vous avez, ou vous ajouter des problèmes. Juste... Réponds-moi avec sincérité, ok ? Cherche pas à m'épargner ou quoi, si tu penses que c'est mieux, juste dis-le, je peux encaisser. » Et voilà. La question avait été posée. Je l'avais regardé en demandant, mais ce n'était plus le cas maintenant. Je regardais la cigarette qu'il avait posée par terre. Passionnant, absolument passionnant.

Quand j'ai fini de lui dévoiler ce qu'il ne va pas, j'espère qu'elle va tout saisir, qu'elle va se rappeler et qu'elle va comprendre parce que j'ai pas vraiment envie de répéter. Parce que j'regrette déjà, ouais, c'est con, c'est bizarre mais j'regrette de penser ça. De l'avoir évoqué à voix haute. C'est con, c'est stupide, et ça ma saoule, parce que y'a des tas de choses qui pourraient m'empêcher de douter, des tas, mais il faut croire qu'aujourd'hui, j'suis pas dans un bon jour. C'est tout. Je l'écoute avec attention et je soupire parce qu'elle a raison. « Le problème c'est que j'en sais rien, parce qu'ici, ça va, ça va même plutôt bien en ce moment, mais j'sais que dehors c'est autre chose. Alors, j'en sais rien, je sais que j'tiens énormément à elle, que j'suis jaloux aussi, alors j'imagine que c'est assez éloquent parce que ça ne me ressemble pas. » Je soupire, ça me saoule, pourquoi je me prends la tête pour ça déjà ? J'en ai marre, sérieusement. Néanmoins j'étais loin de me douter de ce que Sive allait me demander, ainsi, j'crois que j'suis resté silencieux pendant plusieurs minutes, le temps de tout assimiler. « Non, mais NON ! Putain mais c'est Loxias qui t'a bourré le mou ou quoi ? C'est débile, on sait très bien où se situe notre relation, c'est débile. » Et là j'suis énervé, super soirée, vraiment, alors je me lève et avance dans le parce que j'suis saoulé, si elle se mettait à partager l'avis de son partenaire, on était vraiment dans la merde. Mais putain, c'est quoi le problème ? On ne fait rien de mal à ce que je sache. « J'ai conscience d'être carrément égoïste là, mais j'ai vraiment besoin de ce que l'on partage. Alors, si toi, t'as plus envie d'accord, ça me fera chier mais j'accepterais. Par contre si c'est pour préserver, je ne sais quoi, alors non je refuse. J'pense qu'Adie a dépassé ce stade, et si elle ne l'a pas fait, et bien, tant pis pour moi. Et pour elle aussi. » Non parce que mine de rien à un moment fallait arrêter putain !