ROBBIE

Le rangement, ou cette chose pour laquelle j'avais toujours manqué de dextérité, c'était un fait je détestais ça, me complaisant dans mon vaste chantier qu'était le mien. Après avoir repoussé cet affreux supplice de plusieurs heures je ne voyais pas d'autres issues que je me résoudre à la tâche ne serait-ce que par respect envers mes colocataires et aussi pour ne pas voir trôner ma valise au plus milieu de la salle de bain, sujette à la maltraitance continuelle des autres candidats. Puisque j'avais beau être extrêmement bordélique je tenais à mes affaires comme à la prunelle de mes yeux.

Me résoudre à ranger mes affaires était une chose, trouver suffisamment de place pour les y entasser était une autre. Je m'étais par dépit installé devant mon placard, les entrailles de ma valise ouverte, laissant apparaître aux yeux de tous, les sous-vêtements affriolants que j'avais décidé d'apporter. Ma valise était un chaos monstre, je me demandais encore par quel miracle j'avais réussi à apporter toutes ces choses avec moi. Mes chaussures, je les avais presque jetés dans le bas du dressing, m'attaquant à présent à suspendre ce qui avait besoin de l'être. J'avais tous ces cintres dans les bras lorsque Robbie passa la porte de la salle de bain. C'était bien ma veine, il allait avoir tout le loisir de se moquer de mon incapacité à m'organiser. « C'est à ce moment là que tes fantasmes à mon sujet, concernant ma perfection apparente s'évaporent, je présume... »

Là dessus, Robbie et Sydney avaient sans doute un point commun. En effet, le jeune homme n'avait pas l'habitude d'avoir à être organisé. Peut être que cela faisait très enfant gâté, mais il avait toujours vécu comme cela. Autant, on pouvait lui reconnaître beaucoup de qualités, mais pour le coup, cet aspect laissait très franchement à désirer. Ainsi, lorsqu'il arriva dans la salle de bain, remarquant l'état dans lequel était la pauvre Sydney, Robbie commença à rire un peu. La jeune fille lui avait semblé sympathique dès le premier soir, elle allait sans doute plutôt bien le prendre, même s'il se moquait légèrement d'elle. D'ailleurs, le Londonien ne put s'empêcher de jeter un coup d'œil à la valise de sa camarade. On pouvait en apprendre beaucoup sur quelqu'un à partir de ce que l'on voyait dans ses affaires ! D'ailleurs, il irait sans doute fureter dans les placards un de ces jours. Taquin, le jeune homme répondit. « Oh, tu sais, je pensais que les filles n'apporteraient pas de sous vêtements. D'ailleurs, certaines n'en portent surement pas ! Finalement, le fait de voir ta valise montre bien que tu es une fille correcte. Il faut voir le coté positif des choses ! » Dans ce genre d'émissions, basées sur l'amour et parfois le sexe, les filles légères ne manquaient pas. Néanmoins, Robbie était ravi de voir que tout le monde n'était pas une caricature et que l'on pouvait rencontrer des gens biens ou au moins à peu près normaux !

A bien y repenser mon manque total d'organisation jurait avec mon perfectionnisme acharné, c'était tout un paradoxe auquel je ne trouverais jamais de réponse. J'avais toujours été ainsi, on ne pouvait décemment pas me reprocher mon acharnement à trouver une issue à tout ce désastre désorganisé. Robbie ne tarda pas à se moquer de la situation dans laquelle je me trouvais, pourtant je ne pouvais décemment pas lui en vouloir puisqu'à l'inverse je n'aurais pas été capable de garder mon sérieux. Ainsi, au lieu de le réprimander, je me contentais de sourire d'avantage; le ridicule n'avait jamais tué personne. Encombrée par mes cintres je les déposais dans la penderie, retrouvant ma place initiale je ne pus m'empêcher de remarqué le coup d'oeil du jeune homme dans ma valise laissé là aux yeux de tous. Sa remarque à mon égard ne manqua pas de me faire sourire à nouveau. « Selon toi, une fille qui porte des sous-vêtements est correcte ? J'aurais plutôt tendance à dire que c'est une aguicheuse, c'est bien connu qu'une femme dévoilant volontairement ou non ses sous-vêtements sous un vêtement est directement considéré comme une allumeuse ... » Sydney, ou l'art de démolir une théorie en moins de deux secondes, une air mystérieux prit place sur mon visage tandis que je commençais à ranger ces dit sous-vêtements sur l'une des étagères. « Évidemment, ma petite théorie ne s'applique pas forcément à moi ... »

A vrai dire, en règle générale, il fallait bien avouer que Robbie était plutôt sorti avec des femmes très organisées, qui savaient prendre les choses en main. Néanmoins, cette découverte à propos de sa camarade de le refroidissait pas le moins du monde. Après tout, elle lui avait fait très bonne impression dès la première soirée, et ne comptait pas abandonner les choses en si bon chemin. Si le but du jeu était la séduction, le jeune homme sentait que sa relation avec Sydney avait de l'avenir, charmante, ouverte et joueuse, comme il les aimait. Certes, la première fois, ils n'avaient pas été seule, mais cette fois ci, l'occasion d'un rapprochement était à ne pas manquer. Haussant les épaules, un air taquin, il répondit à sa camarade. « Non, non, dans ces cas là... c'est juste une femme qui sait ce qu'elle veut, et comment l'obtenir. Seules les baba cool et les filles faciles ne portent pas de sous vêtements. Personnellement, ni l'un ni l'autre ne sont pas tasse de thé. » Il lui sourit franchement. A vrai dire, ce qu'il venait de dire était vrai, il ne se reconnaissait dans aucune des valeurs qu'il venait d'énoncer. Néanmoins, il aimait vraiment les femmes qui savaient prendre des devants et n'attendaient pas les hommes pour mettre du piment dans leur vie. Il lui répondit donc, sur un ton tout à fait convaincu. « Oh, mais je suis sur que tu es une fille très bien ! Enfin... pas trop, hein ? » Après tout, les grosses coincées frigides, très peu pour lui !

Il y a un adage qui dit « la première impression est toujours la bonne, surtout lorsqu'elle est mauvaise », c'était souvent le cas, néanmoins dans le cas de ma rencontre avec Robbie, l'impression était très bonne et j'avais un bon pressentiment concernant son évolution. Il était séduisant - et seuls les hypocrites peuvent assurer avec certitude que ce n'est pas important, charmeur, avait un sens de l'humour développé, et chose très importante il semblait avoir un certain aplomb. Un jeu de séduction s'était installé, j'avais toujours été doué pour sentir ses choses là, peut être parce que j'y avais été beaucoup sujette et qu'en retour je n'avais pas mon pareil pour séduire à mon tour. « Excellente réponse ! De plus je suis ni une fille facile ni une baba cool, j'ai donc encore toutes mes chances. » Répondais-je avec une certaine pointe de provocation. Même si en y repensant bien, si j'avais vécue dans les années soixante dix, j'aurais certainement appartenu à cette catégorie de femmes, dans le sens où j'ai toujours tenue à mon indépendance et que la révolte et la rébellion ont toujours fait parti de mon caractère, la zen attitude en moins ça va s'en dire. « Une fille bien mais pas trop, c'est justement de cette manière là que je me décrirais. » Lançais-je mystérieuse avant d'ajouter. « Il y a seulement quelque chose qui me chiffonne, tu as un avantage sur moi, tu as vu mon plus grand défaut tandis que moi je te vois encore comme cet être parfait et serviable m'apportant du champagne... Que peux-tu me dire qui rééquilibrerais la balance mon ange ? »