« Ce n’est pas grave... » Non, effectivement ça ne l’était pas, à vrai dire cela n’avait même aucune importance, je ne savais même pas pourquoi cette phrase m’avait échappé. Ou du moins si, je le savais mais c’était trop difficile à avouer, je ne voulais pas voir les choses en face. Ma position n’était en rien affirmée, je n’étais ici qu’un pantin, un pauvre pantin entre ses mains expertes, ses lèvres pulpeuses et son esprit tortueux. Tout chez cette femme respirait la liberté, elle était libre, et bien que j’aspirais du plus profond de mon âme à ce sentiment, je savais que jamais je ne pourrais l’attendre à un tel point, jamais. En quelques minutes, elle avait éveillé le meilleur comme le pire de ma personne, et rien que pour cela je la craignais, du plus profond de mon être. Mais malgré ça, malgré le sentiment d’insécurité qu’elle pouvait faire naître, je n’étais pas rassasiée, de ses lèvres, de son souffle, de ses paroles débridées et insensées. Elle me torturait. Je n’étais avec elle depuis moins de dix minutes et pourtant elle y arrivait, à franchir la carapace, à trouver mes seuls points faibles. Si je devais imaginer le diable, je ne lui donnerais qu’un seul nom, Deirdre, cette femme était l’incarnation du mal en personne. Terriblement tentant et affreusement dangereux. Cocktail tout aussi instable qu’intolérable. Si elle ne se serait pas détournée je l’aurais fait sans hésiter.

Au moment même où je m’apprêtais à moi-même tourner les talons pour rejoindre l’autre sortie, cette musique retentit à nouveau. Telle l’épée de Damoclès elle s’abattait une nouvelle fois sur moi. Incapable d’esquisser le moindre pas, je relève juste la tête vers elle, il n’y a personne d’autre. L’élan qui m’avait envahie quelques instants plus tôt m’avait entièrement déserté et je n’aspirais qu’à retrouver une totale maîtrise de moi et de mes émotions. C’est pourquoi je haïssais cette chanson sans doute encore plus que je ne me haïssais moi-même de la laisser m’atteindre à ce point. Elle n’était rien d’autre qu’une gamine, une femme parmi tant d’autre à qui je n’aurais pas du porter attention. Je ne porte pas attention aux femmes, jamais, non contente d’en être une je ne vais pas passer mon temps à analyser leurs états d’âme. Mais celle-ci, celle-ci devait avoir été envoyé pour me rendre la vie ici impossible. De la torture, tout simplement.