Evidemment le New Yorkais remarqua le malaise du garçon assis face à lui. Il ne saurait l’expliquer, néanmoins ce dernier ne semblait clairement pas au meilleur de sa forme. Un silence magistral s’était installé dans la salle à manger depuis le départ des deux autres candidats. Leone termina son dessert puis repoussa son assiette sur le côté, concentrant toute son attention sur son camarade. Plongeant son regard azur dans le sien, il se décida finalement à briser la glace :

« Pourquoi tu bugues ? Rassure-toi j’ai bien mangé. J’ai même repris du gâteau… Tu n’as aucune crainte à avoir je ne vais pas te croquer. Je pense que tu peux te détendre, ou alors explique-moi pourquoi ma présence te met si mal à l’aise. »

L’agent marketing se savait charismatique mais ne s’était pas attendu à laisser sans voix l’un de ses camarades. Il tenta d’ailleurs de lui adresser un sourire amical, ayant l’intention de le mettre en confiance ou du moins lui dénouer la langue un minimum.

Austin ne paraissait pas plus détendu, bien au contraire. Il tenta de justifier son malaise pour finalement abandonner. Leone hésita… Devait-il insister ? Mettre la pression au garçon pour lui tirer les vers du nez n’était sûrement pas la solution adéquate. Peut-être qu’il avait tout simplement besoin d’un certain temps d’adaptation afin de s’accommoder à ce nouveau style de vie en communauté. Ainsi, l’agent marketing ne préféra pas en rajouter et se contenta de se présenter à son tour.

« Leone. » Répondit-il simplement, affichant toujours un sourire poli.

Il ne savait pas non plus quel sujet de conversation aborder. Au risque de gêner davantage son colocataire, Leone ne s'aventura pas en terres inconnues. Il se montra compréhensif et laissa planer un silence des plus dérangeants…

Son côté gentil camarade ne s’éternisa pas, le New Yorkais fut rapidement gagné par l’impatience. Prendre des gants pour éviter de brusquer quelqu’un ne lui ressemblait pas. Austin ne voulait pas se confier, Leone le comprenait et respectait son choix. Cependant il ne jouerait plus la bonne poire. Il se leva, s’apprêtant à rejoindre la cuisine.

« J’espère vraiment que tu iras mieux, si tu as besoin de parler je suis là. Il reste du vin et je sais écouter. Sinon je ne compte pas m’enraciner ici. »

En entendant son colocataire reprendre la parole, Leone regagna tranquillement sa place. Cependant il refusa d’abord catégoriquement de répondre aux questions posées, bien décidé à découvrir la raison qui poussait Austin à se refermer sur lui-même plutôt que partager quelques futilités.

« Me prends pas pour un con Austin, je vois bien qu’un truc te dérange. On ne se connait pas, je ne te jugerai pas. On va vivre sous le même toit pendant un petit moment, autant faire en sorte de profiter un maximum de cette aventure. »

Au moins il ne pouvait reprocher à Leone son dévouement à essayer de l’aider. Ne s’attendant néanmoins pas à recevoir une réponse claire, le New Yorkais poursuivit avec sincérité :

« Ma mère est Italienne. Et crois-moi tu ne veux pas entendre ma réponse à ta seconde question. J’ai pas envie de te mentir. »

Leone n’avait pas l’intention de couvrir les véritables raisons de son implication dans le jeu par un tissu de mensonges afin de protéger son secret, il ne souhaitait pas non plus l’envoyer bouler. Il paraîtrait alors lâchement hypocrite, lui qui tentait de montrer à son interlocuteur qu’il pouvait être digne de sa confiance.

Plusieurs interprétations étaient possibles pour invisible, Austin avait-il du mal à trouver sa place au sein du Nid d’Amour ? Les autres habitants ne lui prêtaient-ils pas la moindre attention ? Leone ne connaissait pas assez le garçon pour émettre sa propre hypothèse. Le jeu venait juste de commencer, chacun tentait de s’adapter à son rythme.

« Peut-être que si t’osais t’exprimer librement t’aurais pas cette impression. » Répliqua-t-il d’un ton sec avant de lâcher un profond soupir.

Il s’était emporté, il n’aurait pas dû lui répondre de cette façon. Impulsif et franc, Leone ne cachait jamais le fond de sa pensée parfois malgré lui comme aujourd’hui. Il tenta un regard désolé à son égard, reconnaissant qu’il avait cette fois-ci dépassé les bornes.

« Oublie ce que je viens de dire. Utiliser ta confidence pour t’enfoncer c’était méchant et pas réglo de ma part. »

L’Américain se leva une nouvelle fois pour se rasseoir à côté d’Austin. Amicalement il déposa sa main sur l’épaule de son colocataire. Ce dernier aurait tous les droits de l’envoyer bouler, néanmoins Leone tenait à arranger les choses. Cette prise de contact n’avait pas particulièrement bien commencé, il espérait rattraper le tir. Il retira sa main, le défiant de son regard.

« Laisse-toi quelques jours, et si ça peut te rassurer tu n'es pas invisible pour moi. »