Ça n'était pas un douleur habituelle. Non, cette douleur-ci était toute particulière, il le sentait. Il sentait combien elle le rongeait de l'intérieur, combien elle comprimait le moindre de ses muscles, combien elle l'étouffait, combien elle l'opprimait. Il avait mal, atrocement mal. Pourtant, c'était de sa faute. Il s'était bercé d'illusions, avait cru en un destin plus favorable, en un devenir radieux. Mais il s'était trompé. Du moins, c'est ce dont il se persuadait depuis quelques jours. Parce qu'il avait l'impression de faire du sur-place, de ne plus avancer. C'était autant valable dans sa quête de la guérison, que dans sa relation avec celui qui comptait assurément le plus pour lui ici, Lulu. Il ne savait tout simplement plus comment considérer sa relation avec ce dernier. Il savait qu'il ressentait pour lui des choses fortes, considérablement fortes. Il savait qu'à chaque regard qu'ils échangeaient, son palpitant s'emballait et sa respiration se saccadait. Il savait aussi qu'être loin de lui était une souffrance de chaque instant. Mais il ignorait comment se comporter avec lui désormais, comment gérer ce qui lui était tombé dessus si brutalement, comment oublier ce qu'il avait vu sur le blog d'Arès, et qu'il avait probablement interprété un peu trop maladroitement. A ce jour, c'était à ses yeux plutôt clairs : Lulu n'en avait jamais eu qu'après son corps, et se passait maintenant gentiment de lui. Alors oui, il lui avait proposé de faire globalement connaissance, lui avait offert un sourire au prime, des regards ... mais n'oublions pas que Raphaël était probablement l'être le plus paranoïaque au monde, et donc qu'il voyait partout une occasion de souffrir. Et justement, c'est alors qu'il était profondément obnubilé par ses réflexions que Lulu entra dans le bistrot, où se tenait maintenant Raphaël depuis quelques minutes. Il crut lire un désir de fuite dans le regard de son camarade, qui devait se dire qu'il ne gagnerait rien à rester ici, en compagnie de ce pauvre type qu'était Raphaël. Allez savoir, peut être bien hein. Mais ce dernier avait des choses à dire, des choses à mettre au clair. Alors il s'approcha, d'abord doucement, avant de le plaquer énergiquement contre le mur le plus proche. Cela lui rappellerait l'épisode de l'arbre, près du ruisseau. Là, il l'embrassa avec fièvre, mais aussi avec violence. « Contre le mur ? » demanda-t-il, tandis que ses mains entreprenaient de défaire la ceinture de son camarade. Oui, il n'y allait pas par quatre chemins aujourd'hui. « Ou bien sur une table ? » reprit-il, nerveusement, après avoir tourné la tête vers l'un des meubles en question, puis en le regardant à nouveau. « A moins que tu sois déjà passé au suivant ? » ajouta-t-il, dans un regard foudroyant, mais surtout larmoyant. « Mon cul doit toujours t'intéresser, pourtant. » Il vint alors mordiller ses lèvres, puis sa mâchoire, se fichant éperdument de pouvoir lui faire mal. Lui aussi, il avait mal. « Je ... vas-y, prend-moi Lulu ... je ne vaux guère mieux que ça, tu sais bien. » Sa voix trahissait maintenant une immense tristesse. Ses larmes aussi. Ses mains, elles, étaient remontés jusqu'au torse de son camarade, pour passer sous son tee-shirt. Ses yeux le suppliaient de faire quelque chose. Le sauter, le frapper, le repousser ... tout ce qu'il voudrait, mais quelque chose.

J'avais besoin d'un verre, peut-être deux. Voire peut-être trois? J'avais besoin de boire, là tout de suite, et surtout après avoir passé la porte du bistrot. Clairement, je ne m'attendais pas à ça, je ne m'attendais pas à tomber sur Raphaël, je ne m'attendais pas à sa peau contre la mienne. Je ne m'attendais pas à ses lèvres goutant une nouvelle fois aux miennes, à ce pic de mal qu'il venait de me faire après avoir mordu ma lèvre inférieure. Je ne m'attendais pas à ça de lui, j'étais juste tétanisé par une telle situation, je ne savais simplement plus comment réagir. « Contre le mur ? » dit-il en me plaquant violemment contre celui ci. Mes sourcils se froncèrent le temps du choc, ce qui ne dura qu'une demi seconde avant qu'il n'entreprenne de défaire ma ceinture, chose qu'il ne tarda évidemment pas à faire. Je voulais l'en empêcher, mais je ne savais juste pas comment réagir. Je ne l'avais jamais vu dans un tel état. Je ne m'étais même jamais retrouvé dans un tel état, dans une telle situation, et ce depuis bien longtemps. « Ou bien sur une table ? » il jeta un coup d'oeil à ladite table en question, alors que mes yeux ne se détachaient pas de ses mains, venant de terminer d'enlever ma ceinture. Je ne comprenais plus ce qu'il se passait, avais-je fait quelque chose de particulier ? Avait-il besoin de plus d'action ? Devais-je tenter de l'impressionner un peu plus ? Non, c'était autre chose. Quelque chose qui me dépassait encore totalement. « A moins que tu sois déjà passé au suivant ? » pardon ? Il me foudroya du regard, alors qu'une incompréhension totale raisonnait dans mon crâne. Putain mais il se passait quoi là exactement ? « Mon cul doit toujours t'intéresser, pourtant. » je fronçais un instant mes sourcils. Parce que quoi ? C'était vraiment ce qu'il pensait ? Que je ne le considérais comme un plan d'un soir ? Je pouvais déjà sentir la fureur s'élever, grandir, grimper dans mes veines. « Je ... vas-y, prend-moi Lulu ... je ne vaux guère mieux que ça, tu sais bien. » et là, c'était certainement la goutte de trop. Repoussant de toutes mes forces le candidats, on pouvait clairement lire de la colère dans mon regard. J'étais en colère oui, en colère contre ce qu'il pouvait penser de moi. « Mais ça n'va pas la tête ?! » criais-je en levant un bras, avant de finalement entreprendre de remettre ma ceinture. Je baissais un instant mon regard avant de le remonter au jeune homme. « Parce que tu crois que j'suis du genre à m'envoyer en l'air avec n'importe qui ? Putain, j'pensais pas que je renvoyais cette image, mais c'est toujours sympa d'être au courant ! » j'étais blessé, extrêmement blessé, d'autant plus que je ne voyais en aucun cas pourquoi je devais écoper d'une telle étiquette.

Certes, il ne fut pas bien malin de lui sauter dessus d'une telle manière, laissant bientôt entendre qu'il n'en avait de toute manière qu'après son cul, que c'était bien la seule chose qui pouvait intéresser Lulu chez Raphaël. Croyez bien que ce dernier aurait aimé être plus délicat, plus diplomate, mais il n'en avait pas eu la force. Il n'avait pas pu s'empêcher de laisser clairement s'exprimer le fond de sa pensée. Car depuis quelques jours, il souffrait beaucoup à cause de ce que son esprit paranoïaque le poussait à croire. Il repensait à la nuit qu'il avait passé avec Lulu dans la chambre secrète, puis au comportement plutôt distant de ce dernier à son égard désormais. Bien sûr, une partie de lui savait qu'il leur fallait simplement se donner du temps, que c'était être raisonnables et sensés. Mais une autre partie, beaucoup plus impatiente celle-ci, avait tendance à comprendre tout autre chose : à savoir que maintenant qu'il s'était laissé se faire sauter, il ne présentait plus le moindre intérêt aux yeux de son camarade. Et cette simple pensée causait maintes douleurs chez Raphaël. Il ne devrait pas se persuader de ce genre de choses, parce qu'il se faisait inutilement souffrir de la sorte, pourtant, c'était comme plus fort que lui. A croire qu'il ne voulait pas entendre parler de fin heureuse. Pourtant Dieu sait qu'il rêvait d'en connaitre une, avec Lulu. Il s'était tellement attaché à lui qu'il crevait de jalousie chaque fois que ce dernier passait ne serait-ce qu'un court instant en compagnie d'un autre candidat. Et justement, le problème était également susceptible de venir de là. Car tandis que Raphaël subissait un rejet physique de la part de Lulu - il l'avait bien mérite, après tout - voilà qu'il se surprit à froncer les sourcils à son tour. Parce que lui aussi, il était contrarié. Disons qu'il oscillait présentement entre un état de profonde amertume et un état de douloureuse tristesse. Du coup, c'est sanglotant et amer qu'il reprit bientôt la parole, tâchant de répliquer aux paroles de son camarade, qui s'offusqua de celles que venaient de lui adresser le suisse. Autant dire que cet échange ne serait pas de tout repos. « Et Joshua ? William ? Arès ? Ils te plaisent, non ? » demanda-t-il alors, s'approchant lentement de son camarade. « Bien sûr qu'ils te plaisent » soupira-t-il alors, se répondant ainsi à lui même. A ses yeux, c'était évident, Lulu ne dirait pas non à ces jeunes hommes. Oh et pourquoi pas aux trois en même temps ? Oui, clairement, il s'égarait là. « Ils ont tous un charme fou » reprit-il, de plus en plus proche de Lulu, plus doucement aussi, vrillant son regard au sien. « Tandis que moi, je ... je ne te plais plus, je le sais ... Tu te cherches des excuses, alors que tu pourrais simplement m'envoyer promener une bonne fois pour toute ... » Son regard détailla alors tendrement les traits de son camarade. « Fais-le, Lulu. Mets un terme à ce qu'on a ... Je souffre trop à cause de tout ça. Et je ne pourrais me faire une raison que si tu me fais clairement comprendre que je ne peux rien espérer de concret entre nous. » Plus ému, comme bouleversé, il se risqua à lui adresser un doux sourire. « J'ai l'impression que je ne te connaitrai jamais réellement » finit-il par souffler, avant de lui tourner le dos pour déglutir et pousser un lourd soupire. Il ne voulait pas lui dire adieu. Il voudrait plutôt trouver la force de lui avouer ce qu'il ressentait pour lui. Mais c'était trop dur. Cet homme restait un étranger pour lui. Un étranger probablement désireux de le chasser au plus vite de sa vie. Alors que pouvait-il bien faire ? Se battre ? Ce serait bien vain, il s'en doutait.

Il semblait persuadé que je n'étais pas aussi accroché à lui qu'il pouvait l'être à moi. C'était totalement stupide, et oui, j'étais bien blessé de découvrir ce qu'il pouvait penser de moi. Je n'étais pas ce genre de gars à changer de "cible" toutes les deux semaines, je n'étais pas celui qui, après avoir obtenu ce qu'il voulait, s'engager sur une nouvelle piste, une nouvelle traque dans le simple but d'obtenir une quelconque et furtive relation. Comment pouvait-il penser ça ? Et qu'avais-je bien pu faire pour qu'il en vienne à douter de moi. Il ne me semblait pas le mériter. Et alors que je rejetais sa présence; le repoussant physiquement comme mentalement, je sentis mon palpitant se resserrer sur lui même, pompant un bon litre de sang. Je passais alors mon index sur mes lèvres, comme pour chasser la précédentes morsure du jeune homme. On pouvait d'ailleurs clairement lire de la surprise, de la fureur mais également de la tristesse. Tant de questions qui raisonnaient dans mon crâne, alors que le jeune homme reprenait déjà la parole. « Et Joshua ? William ? Arès ? Ils te plaisent, non ? » Pardon ? Mes yeux s'écarquillèrent un peu plus. Je comprenais presque encore moins, là, d'un coup. Joshua ? Certes au début j'avais pu être attiré par le jeune homme mais il n'en restait pas moins qu'il était mon partenaire de jeu, mais surtout ami. Il ne se passerait jamais rien entre nous. C'était également valable pour William, notre précédente rencontre n'étant qu'un jeu, jamais je n'avais même été attiré par lui, c'était insensé. Pour ce qui était Arès, il n'était que l'une des personnes que j'appréciais le plus ici, et je ne voyais même pas ce qu'il venait faire dans cette histoire. Pourtant je n'avais pas le temps d'y répondre qu'il reprenait déjà la parole « Bien sûr qu'ils te plaisent » mes sourcils se froncèrent un instant, prenant un instant la place à ma parole « Ils ont tous un charme fou » il ne semblait décidément plus croire en ce que je pouvais penser, faire. « Fais-le, Lulu. Mets un terme à ce qu'on a ... Je souffre trop à cause de tout ça. Et je ne pourrais me faire une raison que si tu me fais clairement comprendre que je ne peux rien espérer de concret entre nous. J'ai l'impression que je ne te connaitrai jamais réellement » et sur ce il me tourna le dos. Pourquoi en était-il venu à penser ça ? Qu'avais-je pu faire ? Ces questions continuaient à vagabonder dans ma tête, tel un écho. Alors sur ce, je m'approchais de lui, plaçant une main bienveillante sur son épaule. « Tu as tord. Je n'ai jamais cherché à aller vers qui que ce soit d'autre et ce depuis que je t'ai rencontré. Je ne veux personne d'autre, je ne comprends même pas comment tu peux en venir à penser ça. Quant à ce que je peux dévoiler sur moi, je suis comme ça, je ne peux simplement pas changer ce que je suis. Ne me le demande pas... »

Raphaël ne voulait pas de ça. Non, il ne voulait pas douter de Lulu. Il voulait lui faire confiance, intégralement confiance. Il voulait qu'il sache combien il importait à ses yeux, combien il lui était cher. Il voulait prendre sur lui, combattre sa timidité maladive, sa peur du rejet, et lui avouer enfin ce qu'il intériorisait depuis trop longtemps. Mais au lieu de ça, voilà qu'il se retrouvait à lui reprocher tout et n'importe quoi, d'hypothétiques attirances, des intentions malveillantes, se montrant jaloux, amer, alors qu'il rêvait simplement de laisser ses craintes de coté pour s'ouvrir à lui. Il ne se rendait pas nécessairement compte de la portée de ses mots. Du moins, au début, il ne s'en rendit pas tellement compte. Car au fur et à mesure qu'il enchainait les propos critiques et paranoïaques, le suisse prenait doucement conscience du caractère insultant de ses propres dires. Il ne voulait pas faire de mal à Lulu, lui laisser penser qu'il ne voulait plus de lui, alors que c'était tout l'inverse, qu'il brûlait toujours d'un intense désir, d'une intense passion pour son camarade. Mais il était là, face à lui, à lui sortir toutes ces merdes qui n'auraient jamais du franchir la barrière de ses lèvres. Cependant, peut être était-il nécessaire de formuler tout cela, justement pour progressivement prendre conscience du caractère stupide de tels mots et ainsi réaliser que Lulu ne jouait pas avec lui, qu'il n'avait jamais joué avec lui, et qu'il était celui qu'il lui fallait parce qu'il était vrai, sincère, authentique. Ça, il en prenait doucement conscience, donc. Pourtant, il ne parvenait pas à se résoudre à abandonner les charges qu'il lui mettait injustement sur le dos. Peut être espérait-il secrètement que Lulu lui prouve qu'il se trompait, qu'il avait tort, et qu'il risquait de tout détruire en agissant de la sorte. Là, il semblait lui tendre une perche monumentale. Dans l'hypothèse où il ne se tromperait pas, dans l'hypothèse où son camarade ne voudrait effectivement plus de lui, disons qu'il lui offrait l'occasion de ne surtout pas perdre de temps, de l'abandonner maintenant, en ce lieu, afin de séparer définitivement leurs routes. Mais bien sûr, ça n'était pas ce qu'il voulait. Non, Raphaël voulait Lulu. Il avait besoin de lui. Tellement besoin de lui. Et lorsqu'il tourna le dos à celui qu'il rêvait de serrer contre lui, Raphaël se sentit envahi par une intense mélancolie. Il n'aimait pas la tournure des choses. Et tout cela ne serait jamais arrivé s'il avait eu les couilles de lui avouer ce qu'il ressentait pour lui. Il se dégoutait profondément d'être aussi faible, d'être aussi lâche. Et lorsqu'il sentit la main de Lulu se déposer sur son épaule, il ne put qu'espérer que cela signifiait que son camarade voulait encore de lui, malgré ses dires, malgré ses suspicions, malgré sa folie paranoïaque. Il l'écouta alors attentivement, souriant partiellement à certaines de ses paroles. Et puis, finalement, il se retourna vers lui, plantant son regard dans le sien, approchant son visage du sien pour coller leurs fronts, déposant une main sur la joue de Lulu, tandis que l'autre saisissait délicatement celle du tatoué. « Je ne te demande pas de changer » articula-t-il doucement, sincèrement. Il ferma les yeux, profitant de cette délicieuse proximité. « Pardonne-moi d'être aussi stupide, pardonne-moi d'être aussi peureux. Je ... je te fais confiance, Lulu. Je t'ai toujours fait confiance. Et je sais, au fond de moi, que tu ne me feras jamais de mal. » Il rouvrit les yeux, tentant de lui transmettre autant d'affection que possible, comme pour s'excuser, comme pour revenir sur ses propres propos. « Moi, par contre, je viens de t'en faire » soupira-t-il, irrésistiblement tenté de sceller leurs lèvres, mais craignant d'être rejeté, après le coup de tout à l'heure. « Je ... je me fiche de savoir très peu de choses sur toi. Je me fiche que tu restes un mystère à mes yeux. Ça ... ça ne change rien à ce que je ressens pour toi. Qu'importe ce que j'ignore à ton sujet ... Tu ... tu restes celui qui m'a initié à tellement de belles choses ... » Sa main caressa délicatement la joue du jeune homme, ses lèvres frôlant les siennes avec envie, mais aussi avec contrôle. « Tu m'as offert mon premier baiser, ma ... ma première fois ... Tu ne peux pas savoir combien c'est important à mes yeux, combien je chéris ce qu'on a pu partager. Et je ... j'ai peur, c'est vrai, de découvrir que tu puisses être un peu moins attaché à moi que je le suis à toi. Parce que ... » Il s'arrêta net, baissant la tête, fermant les yeux, comme pour se protéger, comme pour éviter d'être trop vulnérable. « Parce que je t'aime, Lulu. Je profite de ce court moment de répit, du fait de trouver momentanément le courage de te le dire ... J'ai cherché à retarder cette déclaration, alors que tu méritais de savoir. Maintenant tu sais. Tu sais que c'est de l'amour. » Il laissa une larme rouler le long de sa joue, ému d'être enfin parvenu à le lui dire, lui qui avait eu tellement peur de ne jamais y arriver. C'était fait, maintenant. Peut être était-ce un peu brouillon, mais le principal était qu'il avait été pleinement honnête à l'égard de Lulu. Restait maintenant une crainte : qu'il prenne peur et le rejette. Au fond, il l'aurait probablement bien mérité.

Alors voilà ce qu'il me reprochait. Au final il me reprochait d'agir comme si celui que j'étais ne lui plaisais pas. C'était plutôt difficile à admettre. Je me souvenais maintenant des messages laissés sur le blog d'Arès, mais le tout n'avait été qu'une immense blague, il n'y avait strictement rien de sérieux, et je voulais pouvoir continuer à être qui je suis, déconner de ce dont j'ai envie sans à me préoccuper de ce que l'on pourrait s'imaginer par derrière. Parce qu'il n'y avait aucune arrière pensée. Parce que je me contentais simplement d'être moi, de vivre, tout simplement. Pourtant je n'arrivais pas à en vouloir au jeune homme d'avoir pu imaginer une telle chose, parce que je ne suis pas forcément quelqu'un de très démonstratif. Parce que je n'aime pas embrasser mon conjoint toutes les trois secondes, que j'aime la distance. Je suis un loup solitaire, je l'ai toujours été, et une meute, quelconque soit-elle ne pourrait réussir à changer qui je suis, simplement parce que je ne le pouvais moi même pas. Pressant ma main sur son épaule, celui ci ne tarda pas à se retourner, collant son front au mien avant de prendre à son tour la parole. « Je ne te demande pas de changer » ces paroles me rassurèrent quelque peu, bien que je ne savais plus trop où me placer. « Pardonne-moi d'être aussi stupide, pardonne-moi d'être aussi peureux. Je ... je te fais confiance, Lulu. Je t'ai toujours fait confiance. Et je sais, au fond de moi, que tu ne me feras jamais de mal. » je continuais ainsi de le laisser parler, buvant ses paroles, mes yeux dans les siens. « Moi, par contre, je viens de t'en faire » je sentais alors ma lèvre inférieure être pressée par sa voisine. « Je ... je me fiche de savoir très peu de choses sur toi. Je me fiche que tu restes un mystère à mes yeux. Ça ... ça ne change rien à ce que je ressens pour toi. Qu'importe ce que j'ignore à ton sujet ... Tu ... tu restes celui qui m'a initié à tellement de belles choses ... » ce qu'il pouvait ressentir pour moi ? D'un coup, mon palpitant s'emballait de nouveau, je pouvais sentir mes propres veines se crisper sous le poids de tels mots. Je ne savais pas si je voulais qu'il le dise, je ne savais pas si je serais capable de le gérer. Il est vrai que cela faisait maintenant quelques années que je ne l'avais pas entendu, que je ne souhaitais plus l'entendre. Pourtant, je me retrouvais une nouvelle fois dans cette situation. Là, face à un jeune homme pour qui j'avais également, et de toute évidence, des sentiments. « Parce que je t'aime, Lulu. Je profite de ce court moment de répit, du fait de trouver momentanément le courage de te le dire ... J'ai cherché à retarder cette déclaration, alors que tu méritais de savoir. Maintenant tu sais. Tu sais que c'est de l'amour. » je mettais bien quelques longues secondes à assimilier l'information, reculant d'un pas, pret à partir. Cependant je ne pouvais pas le faire. Non, mais alors pourquoi lui tournais-je le dos ? Au final quelques paroles s'échappèrent de mes lèvres. « Je suis né dans une famille aisée, mon père rapportant un paquet de billets chez nous. C'est un homme très important. C'est lui qui m'a aidé à construire la vie que j'ai actuellement. » je me retourne alors, un léger sourire, presque gêné de devoir enfin dévoiler un bout de ma vie. « A l'heure actuelle, je ne vis plus chez mes parents, ni ne dépend de leurs finances, bien que j'ai gardé un réel contact avec eux. J'habite en plein centre de Dublin, dans une de ces maisons tout à fait banale vue de l'extérieure. » je passe une main dans ma nuque « Mais il m'arrive également parfois de partir en vacances, le temps d'une ou deux semaines sur une des iles que je possède, que j'ai acheté... Pas grand chose... Juste de quoi gouter au calme et ne plus avoir à me soucier des divers problèmes que la vie peut apporter. Juste pour me vider la tête... » au fond, je n'ai jamais été très bon pour me livrer. Et ne l'avais d'ailleurs fait avec personne jusqu'ici. Je me mordais alors la lèvre inférieure, mon regard errant sur le plancher à la recherche d'un point d'accroche. Je ne savais pas comment il pourrait prendre ces paroles... Mais si il était le seul à savoir quelque chose de concret sur moi, est ce que cela ne voulait-il pas tout dire ?

Il était temps. Oui, il était temps. Temps de se montrer pleinement sincère. Temps de livrer tout ce qu'il avait sur le cœur. Temps de cesser d'avoir peur, de ne plus craindre d'agir au plus mal. Il lui fallait déclarer ses sentiments à Lulu. Il lui fallait lui faire savoir que la raison de son comportement, que la raison de sa jalousie, était en réalité des plus simples : il l'aimait. Pas comme un ami, pas comme un confident. Non, il l'aimait d'un amour véritable, d'un amour majestueux. Il ne l'aimait pas comme il aimait Elliot, comme il aimait Arès, comme il aimait Candace, Asmaa ou encore Malik. C'était infiniment différent. C'était véritablement de l'amour, il le savait depuis quelques temps déjà. Il avait longtemps tenté de laisser ses sentiments de coté, de faire abstraction de ce qu'il ressentait pour Lulu. Pourquoi ? Et bien, toujours par peur d'être rejeté, par peur de le faire fuir, par peur de lui offrir sur un plateau une divine raison de l'abandonner. Il craignait de donner raison à la partie la plus paranoïaque de son être. Perdre Lulu était assurément la pire chose qui pourrait présentement lui arriver. Pourtant, Raphaël avait fini par franchir le pas, aussi difficile et éprouvant cela fut-il pour lui. Mais cela valut la peine, car à peine eut-il communiqué l'état de ses sentiments à son camarade qu'il ressentit comme une agréable sérénité. Il en pleura même de joie, d'émotion. Voilà, il l'avait fait. Il avait fait ce qu'il avait longtemps eu peur de faire. Il était parvenu à laisser parler son cœur, à laisser s'exprimer ses sentiments. Maintenant, Lulu savait. Il savait que Raphaël était tout bonnement tombé amoureux de lui. Il savait que Raphaël l'aimait sincèrement, et cela, malgré le fait qu'il ne sache quasiment rien de lui. Le suisse était tout simplement tombé d'une personnalité, d'une présence,d'un être, et non de son vécu, de son histoire, de son passé, dont il ignorait véritablement tout. Alors bien sûr, désormais, il craignait quelques peu de subir moqueries et railleries. Il connaissait Lulu, et savait qu'il était quelqu'un de bien. Pour autant, il ne pouvait pas s'empêcher de redouter sa réaction. Peut être sortirait-il simplement de la pièce, comme pour lui exprimer symboliquement que, maintenant qu'il savait tout, il préférait prendre définitivement ses distances. Imaginons que cette déclaration l'ait mis mal à l'aise, peut être voudrait-il simplement s'épargner ce genre de gênes. Allez savoir comment il réagirait à de tels propos. Raphaël se sentait alors terriblement fébrile. Il imaginait les pires scénarios possibles : de Lulu éclatant de rire avant de prendre la parole à Lulu lui reprochant son attachement, en passant par Lulu feintant des sentiments réciproques simplement pour se moquer de lui et le briser. Autant dire qu'il avait peu d'espoir d'avoir droit à une réaction un tant soit peu positive. D'autant plus que son camarade sembla hésiter à partir. Mais il ne le fit pas. Il se contenta de lui tourner le dos, comme le suisse l'avait lui même fait quelques instants plus tôt. Qu'allait-il donc se passer ? Raphaël devait-il craindre ce qui se passerait désormais ? Peut être bien. En tout cas, c'est avec une grande intension qu'il écouta les paroles qui s'échappèrent bientôt des lèvres du tatoué. Et honnêtement, il était incroyablement surpris. Là, Lulu se livrait à lui. Il lui communiquait quelques informations au sujet de lui, de sa vie, de sa famille, de son passé, de son quotidien. Les yeux de Raphaël s'embrumèrent alors rapidement. Parce qu'il était ému, évidemment, d'avoir droit à ce genre de confessions, alors qu'il s'était imaginé le pire. Lulu lui faisait là un merveilleux cadeau. C'était une intention magnifique, vraiment. Alors, lorsque Lulu se retourna, Raphaël se sentit subjugué par l'émotion. Il attendit qu'il termine, puis s'approcha à nouveau, ne tardant pas à l'étreindre, doucement, amoureusement, ses bras s'enroulant autour du corps du tatoué, sa tête se déposant sur son épaule. « Merci » articula-t-il, d'une petite voix incroyablement émue. « Tu ne peux pas savoir combien ça compte pour moi, combien je me sens privilégié. » Il se redressa lentement, l'observant tendrement, peut être un peu niaisement, aussi. « Je considère cela comme un témoignage de confiance, un témoignage ... d'affection. » Probablement pas d'amour, hélas. Qu'importe, il ne lui demandait pas nécessairement de l'aimer en retour. Ces confessions étaient suffisantes, au fond. Même si, bien sûr, la moindre réciproque aurait été reçue avec plus de bonheur encore. Mais sans doute ne lui fallait-il pas trop en attendre du destin. Il avait déjà eu droit à un merveilleux cadeau. C'était probablement tout ce à quoi il avait droit. Et dieu sait qu'il tâcherait de s'en contenter.