Je suis triste. Affirmer le contraire reviendrait à mentir. Je n'arrive pas à me faire à son absence. Elle me manque. Bien plus que ce que je n'aurais imaginé en la rencontrant pour la première fois. Sa présence, sa prestance, ses pics à longueur de journée. Tout, chez elle, me manque. J'ai hâte de la retrouver, hâte de la serrer dans mes bras. Certains de mes vêtements sentent encore son odeur. Douce et fraiche à la fois. A son instar. On dit souvent que le parfum duquel on choisit de s'embaumer représente la personne que l'on est. Et Sïana ne fait pas exception à la règle. Nostalgique, je porte mon verre à mes lèvres pour en vider le contenu d'une traite. L'alcool, un bien bon remontant. Il prend un peu de temps à agir chez certains, mais il finit toujours par faire son effet. Du moins le temps d'un instant. Le temps d'oublier cette oppression qui se fait ressentir au niveau de notre cage thoracique. Le problème avec les boissons alcoolisées, c'est que l'effet ne dure pas assez longtemps. Une heure, que dis-je une demi-heure plus tard, on revient à la réalité. A moins de forcer sur la bouteille. Mais dans ce cas-là, notre conscience au réveil en prend un bon coup. On culpabilise, on se remémore l'objet de nos hantises et on recommence. Et sans qu'on ne s'en rende réellement compte, on finit par devenir alcoolique. Dieu merci, ce n'est pas mon cas. Je sais m'arrêter avant qu'il ne soit trop tard. Puis si j'avais attendu d'avoir mal pour me mettre à boire, je serais mort, alcoolisé, depuis bien longtemps. Plus démoralisé que jamais, je décide de ne pas prêter attention à la porte qui vient de grincer derrière moi. Qui que ce soit, sa présence ne me préoccupe pas le moins du monde. J'ai d'autres priorités pour le moment. Comme m'apitoyer sur mon sort par exemple. Ou bien même noyer mon désespoir dans l'alcool. Promis, après cette bouteille j'arrête.

Une sorte de mélancolie s'est abattue sur le nid depuis le prime de dimanche soir et pour cause, avec quatre départs, chaque candidat aura plus ou moins souffert de l'hécatombe. C'est mon cas, d'ailleurs, même si au fond, je sais gérer ce genre de situation. Le problème, c'est que j'ai encore cet affreux goût d'injustice au fond de la gorge et puis, avouons-le, la présence de Jared me manque un peu dans ce nid. Ses conneries, sa tête lorsqu'il décide de faire la gueule, ses réactions parfois... surprenantes, sans ça, je m'emmerde. Alors j'erre ici et là. Hier j'ai passé la majorité de ma journée au cinéma et aujourd'hui, avec quelques efforts de ma part, j'ai réussi à être un peu plus sociable, ayant même eu le loisir de croiser Raphaël pour une entrevue elle aussi surprenante. Venant de diner rapidement, je fume une cigarette à l'extérieur, supportant ce vent presque glacé qui vient chatouiller mon visage. Il fait froid, de plus en plus froid ici et c'est déroutant, je trouve. Ma clope terminée, je rentre rapidement dans le bistrot, histoire de profiter d'une atmosphère légèrement plus chaude et surtout, d'un petit verre. Je n'ai pas picolé depuis deux jours, j'imagine que ça se fête. A peine rentrée, je remarque alors Joshua au bar et m'approche de lui. Au premier regard, je comprends qu'il est dans un sale état et puis je me rappelle de Siana et de leur lien qui avait l'air fort, j'imagine donc que, plus ou moins, on est dans la même situation. « Décidément, c'est notre point de rendez-vous. » je dis en m'asseyant à ses côtés, attrapant sa bouteille et m'en servant un verre. On peut partager non ? « Tu sais, noyer son chagrin, ça n'aide pas tellement, crois-en mon expérience. » Et quelle expérience ! Je lui souris de manière douce, oui c'est étonnant mais je sais faire ça aussi.

Un seul être vous manque et tout est dépeuplé. C'est fou comme le proverbe dit vrai. Je n'aurais jamais cru, avant de participer à l'émission, que me défaire de certaines personnes le temps de quelques semaines, quelques mois au plus tard, aurait eu un impact sur ma personne. Tout a commencé le jour où Sia a décidé de partir. J'ai eu beaucoup de mal à digérer son départ. Puis s'en est suivi l'abandon de Sven. Un autre évènement que j'ai eu du mal à accepter, bien qu'à contrario de mon ex-partenaire, il m'en avait parlé avant. Et maintenant, Sïana ? C'est quoi le but ? Que je me retrouve sans amis ? Très bien. Si c'est ce que les gens veulent, alors soit. Seulement, de mon côté, je ne suis pas prêt à abandonner. J'ai encore des choses à prouver. Une vérité à établir. Noyé dans mon chagrin, je ne prête pas attention à la porte qui grince. Du moins jusqu'à ce que Branca vienne m'extirper de mes pensées. « Décidément, c'est notre point de rendez-vous. » Je lui adresse un mince sourire, tandis qu'elle prend place près de moi et va même jusqu'à se servir dans ma bouteille. Elle a de la chance que je ne sois pas aussi radin que Wade. « Tu sais, noyer son chagrin, ça n'aide pas tellement, crois-en mon expérience. » Oui, j'en suis totalement conscient. Mais un verre de temps en temps, ça ne fait pas de mal, non ? Je hausse les épaules avant de me resservir une fois dans ma bouteille. Notre bouteille, maintenant. Je porte le récipient à mes lèvres, encore une fois, mais y vais un peu plus doucement cette fois. « Je pense qu'on devrait se consoler mutuellement. », dis-je sur un ton neutre. Qu'elle le prenne au sens qu'elle le voudra, je n'ai personnellement pas d'arrières-pensées. Aucune. « Il te manque, Branca ? », renchéris-je en daignant enfin la regarder.

J'ai l'impression cette semaine que peu sont les candidats n'ayant perdu personne lors du dernier prime. Quatre candidats, c'est beaucoup, surtout avec le nombre que nous sommes à présent et ce vide se fait sentir. Cette mélancolie qui s'installe, les chambres qui se vident, tout ça est compliqué à gérer même si, vu de l'extérieur, ça a l'air super simple. Je me souviens l'année dernière d'avoir froncé les sourcils devant certaines réactions de candidats mais à présent, étant moi-même dans le jeu, je comprends mieux. Je ne suis pas une fille qui s'attache et je sais très bien me débrouiller seule. Sauf qu'ici, les règles sont différentes. Sans repère, on est obligé de se les créer et les miens sont à présent bien ancrés. Jared était un repère, un gars que j'ai appris à connaître, à apprécier, à qui j'ai finalement donné ma confiance et ça, ça n'arrive pas souvent. Son départ est donc un coup dur et je sais, en rentrant ici, que Joshua vit la même chose. C'est certainement pire pour lui d'ailleurs. Il est venu en couple, il a rompu, il avait Siana et à présent, plus personne. Je ne sais pas quelle était la nature de leur relation, certainement pas la même que celle qui me liait à Jared. Je m'assois, prend un verre en lui piquant sa bouteille tout en le conseillant sur l'alcool. J'imagine qu'il est au courant, je n'imagine pas Joshua ignorer ça mais au cas où... Il me répond alors, me faisant une proposition légèrement ambiguë qui me tire un rire. « Tu sais que tes paroles peuvent porter à confusion, nan ? » Il se resserre un verre et je le suis. Puis il me pose cette question que je n'espérais pas voir venir. Non pas qu'elle me dérange, seulement je ne suis pas habituée à avoir de telles conversations. « Oui. En quelque sorte. » Sa présence me manque oui, tout ce climat dont j'avais à présent l'habitude. « De toute façon, il reste quoi ? Trois semaines ? Dans l'optique où on reste jusqu'à la fin... » Ce qui, je crois, n'est pas envisageable me concernant. Dans tous les cas de toute manière, j'imagine qu'ils nous attendent à la sortie. Je l'espère tout du moins.