C'est la première fois depuis son entrée que Nadan se sent enfin l'envie de sortir. A vrai dire, en signant pour rentrer dans ce jeu, il s'était imaginé pouvoir profiter de vacances sous un soleil rayonnant, au chaud, sur une plage des Bahamas ou une destination de rêve, qu'importe soit-elle du moment qu'il faisait chaud. Alors que c'était tout le contraire. Bref, Nadan avait donc joué l'ermite en hibernation, se cantonnant dans son gilet dans le chalet. Un vrai comportement de grand-mère. Mais aujourd'hui, après le temps qu'ils avaient tous du subir en début de semaine, l'anglais avait besoin de prendre l'air. Il avait juste fait en sorte de mettre deux pairs de chaussettes - oui dit comme ça, c'était peu viril mais bon - et s'était baladé à l’extérieur du nid d'amour. Il visitait le jardin seul, profitant d'un silence reposant pour ses méninges en vrac à force de trop penser.

Prendre l'air avait parfois du bon. Et était totalement nécessaire pour Emmeline. Au moins plusieurs fois par semaine. Si elle devait se contenter du confort que lui procurait le chalet, elle allait devenir dingue en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. Parce qu'être enfermée avec tout ce petit monde, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, c'était déjà éprouvant alors sans respirer l'air frais, elle était certaine que quelqu'un allait y laisser sa peau. Soit. Elle aimait bien piquer les affaires des autres, elle supposait. Puisque à chaque fois que l'envie de sortir se faisait sentir, elle se contentait d'attraper un manteau à la volée, peu importe s'il ne lui appartenait pas. Ce n'était pourtant pas faute d'en posséder. Plusieurs qui plus est. À croire qu'elle avait tout simplement pas envie de monter jusqu'à son dressing afin de récupérer un vêtement alors qu'elle pouvait se servir dans ceux des autres, qui traînaient déjà au rez-de-chaussée. Oui, ça devait être ça. La température n'était pas des plus appréciables. Toutefois, entre la pluie des derniers jours et la neige qui allait débarquer le lendemain, elle n'avait pas d'autres choix que de profiter maintenant d'un peu de calme du côté de la météo. Pas que la neige ou la pluie pourraient l'arrêter, loin de là. Tout de même, ce n'était pas quelques intempéries qui parviendrait à la stopper. Bon. Peu importe. Alignant un pied devant l'autre, elle se baladait dans le jardin sans but précis, tournant en rond, faisant les cent pas. Si bien que lorsqu'elle comprit qu'elle n'était pas seule dans le coin, elle en profita pour s'approcher du monsieur et engagea la conversation. Comme elle savait si bien le faire, oui. « Bonjour ! Je vois que je suis pas la seule à profiter de l'extérieur. J'espère que tu n'as pas décidé de sortir à cause d'envies de meurtres sur les autres hein. Bon, ça serait compréhensible, quelque part. Enfin, tout dépend sur qui. Quoique, tant que c'est pas sur moi... » Ouais, ça allait tant qu'elle n'était pas visée, hm. « Je suis Emmy, en passant. » Oui, éventuellement, c'était bien de rappeler son identité, au cas où.

Ce qui était sûr, c'est que dans ce nid d'amour, vous ne pouviez pas faire un pas sans vous retrouver nez à nez avec un candidat. Pourtant, la surface du dôme semblait imposante voir même énorme, et cependant, Nadan arrivait toujours à se retrouver avec un habitant dans les bras. Habitante pour cette fois là, qu'il avait certes vu passer mainte et mainte fois dans le chalet, et dont il avait mis un nom sur la personne au dernier prime. Il s'arrêta à la hauteur de la jeune femme, si bien même qu'il puisse appelé ça comme ainsi puisqu'il la surplombait de très haut :

« Je sais qui tu es, Emmeline. » dit Nadan sans émotion. Et oui, même s'il n'avait pas eu l'occasion d'échanger quoique ce soit avec elle, il avait fait l'effort de retenir son prénom. Il n'y avait que ça à faire dans cette baraque. « Et qu'est-ce que vous avez tous à vouloir vous entre-tuer? »

Elle était la seconde personne à lui parler de meurtre en l'espace de trois jours. Comme si la cohabitation les rendait fous.

C'était bizarre de ne pas, ou plus, avoir à décliner son identité à chaque fois qu'elle papotait avec quelqu'un. Parce qu'au fond, même si ça faisait une semaine qu'ils se connaissaient, eh bien, justement, ça ne faisait qu'une semaine. Alors ça restait un peu étrange. Mais c'est vrai qu'ils vivaient ensemble, donc, forcément, à force d'entendre les mêmes prénoms, il y avait moyen de mettre une identité sur chaque visage. Tout comme elle, elle savait qu'il s’appelait Nathan ! Euh, Nadan. Quelque chose comme ça. Un prénom qui débute par un 'N', elle en était sûre. Hm. Et elle rêvait ou il l'avait réellement appelée Emmeline ? Elle préférait clairement le diminutif. Et c'était d'ailleurs avec ce dernier qu'elle se présentait constamment. Bon. Vu son ton, elle n'osa pas pour autant le corriger. Sait-on jamais, qu'il décide de mordre, après tout. Et puis, la discussion était tout de même aux meurtres. Si elle pouvait éviter sa mort, clairement prématurée, autant le faire avec plaisir hein. Et comment ça, « tous » ? Elle n'était pas la première à lui parler de meurtres ? Rassurant. « C'est pour faire de l'audience. » balaya-t-elle rapidement la question, en un haussement d'épaules. Ou alors, ils avaient tous trop regardé Hunger Games. Possible aussi. Ou bien, ils étaient tous plus tarés les uns que les autres. Ouais. Allez savoir. « J'aime bien les sujets réjouissants de ce genre, dès le début de la journée. De quoi se mettre de bonne humeur, n'est-ce pas ? » railla-t-elle gentiment en son petit air innocent. Ça allait sans dire que parler meurtres, morts et compagnie, c'était quand même super agréable, hein. Blague. Emmeline préférait, et de loin, les conversations bien plus... naïves, dirons-nous. Oui.

Emmeline semblait intriguée qu'il connaisse déjà son prénom. A vrai dire, il ne l'avait retenu que depuis le dernier prime, là où quelques noms ont été cités plusieurs fois, dés fois dans des chroniques ou des choses comme ça. D'ailleurs, pourquoi voulait-elle qu'on l'appelle Emmy? N'aimait-elle pas le prénom que ses parents lui avaient donné? Voila qui était bien égoïste de sa part si c'était le cas. Ou alors une preuve flagrante de confiance en sois, parce que si on n'aime déjà pas son prénom, c'est que vous avez mal démarré dans la vie. Bref, Nadan sortit de ses songes alambiqués et reporta son attention toute entière à la candidate, qui en soi, n'avait pas tort.

« Et de quels sujets plus réjouissants souhaites-tu qu'on parle? » demanda l'anglais en balayant les jardins de son regard acéré. Les discussions futiles ce n'était pas son genre, et il espérait ne pas finir par s'ennuyer à parler de trucs mignons avec une gamine. « On en peut même pas parler du temps. Lui aussi n'est pas réjouissant. » ironisa-t-il en levant les yeux vers le ciel gris.

Il y avait toujours plus agréable à faire que de parler de la grande faucheuse ou de techniques pour étouffer quelqu'un, sans aucun doute. Toutefois, elle n'était pas difficile non plus : si Nadan souhaitait absolument parler des futures morts au sein du chalet, il n'y avait aucun souci, elle pouvait faire avec ! Blague. N'abusons pas non plus. L'heure était bien trop avancée pour commencer à discuter de telles choses. La vie, la vie, la vie, c'était le seul sujet acceptable pour Emmeline. La mort, ça serait pour dans une bonne soixantaine d'années, pas besoin de prévoir trop à l'avance. Et parler du temps ? À d'autres ! Il avait une certaine rousse en face de lui, s'il vous plaît. Si elle était réputée pour parler du temps et du programme télé, ça se saurait. « J'aime bien parler des papillons. Ils sont tellement mignons, tu ne trouves pas ? Et c'est incroyable, tout ce chemin qu'ils font, passant de la chenille à la chrysalide avant de devenir un magnifique papillon. Ça me fascine... » Un. Deux. Trois secondes. Juste le temps qu'il pense qu'elle était sérieuse, puis elle reprit la parole. « Non, je plaisante. » Elle laissa apparaître un sourire, comme pour le rassurer sur le fait qu'elle avait bien été en train de blaguer. On se distrait comme on peut. « Enfin, non, j'aime bien les papillons, c'est joli, mais bon, sans plus. » Qui n'aime pas les papillons, de toute façon ? Éventuellement ceux qui n'apprécient guère les insectes, certes. Mais c'était comme... la coccinelle ! Personne ne peut détester les coccinelles, impossible. Trop mignons pour être haïs. « Avoue, quand même, que l'espace de deux secondes, tu y as cru ! » Elle était persuadée qu'elle avait été assez crédible. Avec son petit minois qui semblait tout droit descendu du paradis, elle pouvait faire croire n'importe quelle ânerie en une facilité tout particulièrement amusante pour elle. Elle en jouait beaucoup. Et elle adorait ça, c'était certain.

Nadan s'était contenté de rester en retrait de la jeune femme, l'observant avec un air étrange sur le visage. Sur le coup, ses yeux s'étaient écarquillés et ses sourcils s'étaient progressivement relevés. Sa tête devait être pas mal à cet instant. Il se relaxa tout de suite en voyant qu'Emmeline plaisantait. Le coin de sa bouche s'étira en un sourire amusé.

« J'avoue que tu m'as bien fait marcher, oui. » avoua Nadan du bout des lèvres.

La jeune femme avait eu l'air tellement enthousiaste pour d'aussi petites choses. Ce rôle lui allait plutôt bien. Elle savait bien jouer la comédie. L'anglais laissa échapper un soupir et se remit à marcher, plus lentement cette fois, et à la hauteur de la candidate.

« Et qu'est-ce que tu aimes d'autre? »

C'était une façon comme une autre de continuer à la conversation, non?
[ désolée c'est pas terrible ._. ]

Oh, tout le monde devait avoir compris que l'un des passes-temps favoris d'Emmeline consistait à embêter le peuple et plaisanter gentiment ! C'était d'ailleurs dommage, puisque cela n'allait pas l'aider à continuer ses petites blagues et autres mauvaises plaisanteries. À force, tout le monde allait capter quand elle était sérieuse et quand elle ne l'était pas. Arf, ça ne serait absolument pas amusant. Heureusement qu'elle avait plus d'un tour dans son sac, n'est-ce pas. Totalement imprévisible ! Et elle aimait l'être. Oh que oui. Quelque part, c'était toujours une fierté supplémentaire lorsqu'elle parvenait à piéger une personne de plus. Elle ne s'en lasserait jamais. Il lui posa alors une question, à laquelle elle réfléchit quelques secondes avant de se lancer à y répondre. « J'aime beaucoup de choses. Je peux t'en citer un bon paquet, si tu veux. Alors, j'aime la vie, déjà. J'aime voir le soleil se lever le matin, j'aime pouvoir faire ce que je veux, j'aime le danger, j'aime m'amuser, j'aime la musique, j'aime quand on pense à moi, j'aime prendre un bain bien chaud quand il fait un froid de canard, j'aime lire un bouquin en sirotant un bon thé, j'aime sentir bon, j'aime sentir l'odeur d'un gâteau qui sort du four, j'aime voir les gens autour de moi heureux, j'aime nager après une longue journée, j'aime passer des heures à discuter avec quelqu'un, quitte à ne pas dormir de la nuit, j'aime chanter comme une casserole quand je suis désespérée, j'aime quand un homme enfouit son nez dans mes cheveux et qu'il me fait un compliment sur l'odeur de mon shampoing, j'aime mettre un gros pull en laine et serrer un oreiller contre moi quand je suis triste, j'aime quand un homme sort de la douche avec seulement une serviette autour de la taille, j'aime les surprises, j'aime les arcs-en-ciel, j'aime les feux d'artifices, j'aime les ours polaires, j'aime quand je réussis quelque chose du premier coup, j'aime les massages, j'aime quand ma colocataire me saute dessus dès que je rentre du boulot pour me raconter sa vie, j'aime être libre, j'aime profiter de chaque jour qui passe, j'aime sourire... J'aime beaucoup de choses. » Elle devait continuer à faire une petite liste ou celle-ci lui suffisait pour l'instant ? Parce qu'elle pouvait poursuivre s'il le souhaitait. Oh et elle ne l'avait pas précisé mais elle aimait aussi bavarder. « Et toi, alors ? Qu'est-ce que tu aimes ? » Ça pouvait être facile de lui retourner la question, néanmoins, elle était curieuse de l'entendre lister toutes les petites choses qu'il aimait. Quoi de mieux pour apprendre à connaître quelqu'un, hm ?

Nadan regretta aussitôt d'avoir été un tout petit peu trop curieux. Quand Emmeline se lançait, on ne l'arrêtait plus. Et heureusement que l'anglais avait gagné au fil des années une excellente mémoire parce que sinon, il n'aurait pas tout retenu. Cependant, il l'écouta attentivement, et ne pipa mot durant toute sa tir rade. Enfin, elle arriva à bout de souffle, à la fin de sa liste et lui retourna la question. Un rire leger lui échappa.

« Ne m'en veux pas si je ne fais pas dans le détail, autant que toi. » le prévint-elle avant de lui même se lancer. « J'aime mon travail. J'aime les finances même si ça me prend la tête des fois. J'aime me lever tôt le matin pour voir le soleil se lever de mon penthouse. J'aime mon penthouse d'ailleurs, le plus bel appartement de tout Londres avec une vue à couper le souffle. J'aime mon pays. J'aime l'art, la peinture surtout. J'aime la sobriété. J'aime le silence. J'aime... Ah, tu vois, je suis pas aussi doué que toi pour ça. » fit-il en rigolant de bon coeur.

Parler n'était jamais un problème pour Emmeline. Étonnant, n'est-ce pas ? Vous pensez bien que lui demander ce qu'elle aimait dans la vie était un acte bien risqué. Puisqu'elle allait bien sûr bavarder, papoter, parler pendant trois heures, jusqu'à ne plus avoir le moindre souffle et ce besoin irrépressible de reprendre sa respiration. Elle était comme ça, la rousse. Première production de salive du Royaume-Uni, eh oui. Au moins, cela parvenait à amuser son camarade. Elle le supposait, puisqu'il lâcha un rire. Et à son tour, il détailla ce qu'il aimait, d'une liste, certes, bien moins longue que celle d'Emmy. C'était normal, elle était toujours la plus douée quand ça concernait les bavardages ! Elle l'écouta avec toute l'attention dont elle pouvait faire preuve, esquissa un sourire à l'entente de ces petites choses qu'il appréciait. Parce qu'elle aimait aussi savoir ce qui rendait les gens heureux. Son sourire fut d'autant plus présent en l'entendant dire qu'il aimait le silence. Amusant. Presque ironique. Puisqu'il était en compagnie de la rousse et qu'on ne pouvait pas dire que cette dernière laissait place à un quelconque silence. « C'est normal, je suis vraiment très douée dans le domaine. » Mais ce n'était un secret pour personne... « Et donc, tu aimes le silence ? Du coup, tu risques de me détester. Parce que moi et le silence, tu sais, hein... Je voudrais bien me taire pour te faire plaisir, vraiment. Seulement voilà, j'aime bien embêter les gens aussi. Je ne peux pas m'en empêcher, c'est plus fort que moi. » Elle haussa les épaules, une mine exagérément candide plaquée sur son minois. « Ne t'étonne pas si je parle et parle et parle encore pendant des heures. Il ne fallait pas me dire une chose pareille, tu sais. Je suis sincèrement désolée pour toi hein, vraiment. Et si ça se trouve, même si tu me cries dessus, je continuerais. » Grand sourire. D'accord, d'accord, elle n'était pas si terrible que cela non plus. Elle pouvait parfois se montrer totalement adorable. Parfois. Pas souvent. Et pour le moment, Nadan était mal barré. « Alors comme ça, tu vis à Londres ? » Et elle voulait le faire parler, en plus. Oui, oui, elle était terrible, craignez-la.