J'ai une petite faim, il faut dire que je n'ai pas pris le repas en compagnie des autres. Je n'en avais pas envie. Ma solitude m'est nécessaire parfois, et le brouhaha des autres, les petites histoires futiles ne me tentaient pas. Pas le moins du monde. Non, clairement pas. Alors je suis venue plus tard, en attendant j'ai pris un bain, seule, sans Myles ce soir. Il faut bien innover de temps en temps. J'ai envie de tortilla. Une tortilla express, la flemme d'éplucher des pommes de terres alors je déniche une paquet de chips que j'émiette. Technique d'une amie latino. Une flemmarde un peu comme moi ce soir. Tortilla au saumon, un bon saumon Irlandais, excellent. Je découpe les chutes de saumon, et les mélanges aux chips. Je suis sur le point de faire chauffer le tout et c'est à ce moment là que Cameron choisit pour rentrer dans la cuisine. Super. Qu'est-ce qu'il fout là celui là ? Je l'ignore un moment. J'essaye. Je sors la poêle et y mets un peu d'huile d'olive au fond. Je verse le tout et pose mon regard sur lui. Je soupire. « Tu sais que c'est moi qui l'ai abandonné. Pas son père. Elle en a un de père, alors fous-lui la paix d'accord !! » Non mais sérieusement de quoi il se mêle. C'est bête à dire mais je crois que je préférais lorsqu'il la baisait, s'ils m'épargnent les images bien sûr. Non, franchement, j'ai beaucoup de mal à savoir ce qu'il cherche là dedans. J'sais bien qu'il est plus vieux que son père mais ce n'est pas une raison.

Y'a des jours où on est mieux à rester au lit, aujourd'hui j'ai joué à call of toute la journée. Je déteste ce jeu, il faut le savoir. Je le déteste mais pourtant je n'ai pas pu m'empêcher d'y jouer. Il est nul en plus ce jeu. Mais je m'emmerde. J'ai été en décalage avec tout le monde toute la journée. Je suis en décalage avec tout le monde, tout le temps ici. J'suis un vrai fou. Un mec qui n'entre pas la norme, leur norme. Je pense qu'ils me jugent, mais moi j'juge personne alors. Enfin si j'juge Everleigh d'ailleurs c'est elle que je découvre en entrant dans la cuisine. Oh non putain. J'ai cru que j'allais pouvoir l'éviter toute la semaine, c'était trop beau. Merde. J'ai la dalle alors j'reste là. Cette fille je l'ai en horreur depuis que je sais ce qu'elle a fait. Non mais franchement, faudrait qu'on m'explique comment on peut privilégier sa vie à celle de sa progéniture. Quelle conne. « Tu sais que c'est moi qui l'ai abandonné. Pas son père. Elle en a un de père, alors fous-lui la paix d'accord !! » Quelle conne bis. Non mais elle, elle est forte. « Je n'ai rien à recevoir de toi Everleigh. T'es rien d'autre que sa mère biologique à mes yeux alors honnêtement tes remarques tu peux te les foutre au cul. » Je pars en direction du frigo pour me sortir une bière. Quelle connasse. « T'en a rien eu à foutre pendant dix-huit ans, pourquoi ça changerait ? » Je la cherche ouais, je la cherche, mais j'suis un père, merde. J'suis un père et je ne la comprends pas.

Je suis entrain de mettre la poêle sur la plaque vitro, sauf que lorsqu'il ouvre la bouche, j'ai envie de la lui envoyer en pleine face. Il m'exaspère dans sa façon d'être, de me juger. Pour qui il se prend ? Comment il peut se permettre de juger ce qu'il ne connait pas. C'est un enfoiré, pire encore, c'est une ordure. Une véritable ordure. Je me tends alors qu'il parle. Je verse le liquide dans la poele à frire, deux minutes d'un côté, deux de l'autre. Sauf que je n'ai pas vraiment la tête à surveiller. « T'en a rien eu à foutre pendant dix-huit ans, pourquoi ça changerait ? » Trop, c'est trop. Je lui balance les coquilles d'oeufs dans la figure alors qu'il boit sa bière. Enfoiré. Je lance avec une certaine force, les coquilles, les oeufs y passent. « Ferme-là, tais-toi putain, tais-toi ! » J'ai tendance à devenir hystérique. Je jette tout ce qu'il me passe sous la main, les tomates. Le couteau. Non pas le couteau. Je n'ai plus rien. Je n'ai plus rien du tout à lui jeter, je suis hargneuse. « Comment tu... Tais-toi Cameron, tais-toi, tu ne sais rien de moi... » Il ne parle plus, pourtant, je me suis avancée vers lui. Je l'assène de coup dans le torse, des coups de poings, coups qui qui ressemblent plus à rien. « Tu vas la fermer... » Ma voix, se brise. Je fond en larme. Je m'écroule. Je tombe sur le sol. J'en peux plus, je n'arrive plus à respirer, je suffoque. Je le déteste, vraiment. J'ai envie de l'étriper. Je n'arrive plus à contenir mes larmes, je ne veux pourtant pas lui offrir ce plaisir mais je n'arrive pas à faire autrement. La pression sans doute, j'en sais rien, j'ai simplement envie de me retrouver six pieds sous terre.

J'ai envie de la voir exploser, je la pousse à bout, je tape là où ça fait mal. Je tape là où c'est supposé faire mal si elle est humaine parce que ça, ce n'est pas gagné. Si elle l'était, elle n'aurait pas abandonné son enfant, la chair de sa chair, l'enfant qu'elle a porté pendant neuf mois, qui l'a fait souffrir pendant qu'elle l'a mise au monde. Non, elle ne peut pas être humaine. Moi je sirote ma bière tranquille pénard. Elle, elle fait sa cuisine, et puis tout à coup je me reçois une coquille d'oeuf sur le torse. Deux, trois. Des tomates. Et je ne sais quoi. Oh donc l'hystérie c'est héréditaire finalement. Elles aiment me jeter des trucs dans la gueule les deux là. Enfin bon ça va, j'ai vu pire. Et là je me prends un oeuf dans la gueule. Connasse. Je pose ma bière et me protège le visage, manquerait plus que je me tape un coquard à cause de cette conne. Et puis elle est là, je ne l'ai même pas vu arriver. Elle se met à me cogner dessus. Bien sûr, je ne bouge pas d'un poil même si a de la force quand même. Mais j'ai l'habitude et ce n'est pas une femme qui devrait me faire mal. J'réagis pas, elle hurle et elle m'énerve. Elle va me frapper encore longtemps ? Je m'apprête à l'arrêter mais pas besoin. Elle s'écroule et fond en larmes. J'sais pas trop ce que ça me fait. Elle est effondrée. Je pourrais me tirer là toute suite. J'hésite un instant avant de me tirer. Et puis je me baisse. Elle est peut être plus humaine que je le pensais. Bon qu'est-ce que je fous ? « Et merde ! » Je l'attrape et la sers fort. Peut être un peu trop. Mais moi j'suis pas doué pour réconforter les gens. Je sais que ça marche comme ça avec ma fille. Je la sers contre moi et voilà. « Arrête de pleurer, ça va, j'ai pigé que t'étais pas un monstre. J'ai pigé ! » Ouais c'est ma façon à moi de lui dire que j'suis désolé de l'avoir jugé.

Je pleure et je suffoque, j'en ai marre de tout ça, de lui, de tout. Mais surtout de lui. Je suis vulnérable, beaucoup trop vulnérable. Je savais que ça allait finir par arriver, que ma carapace allait finir par se fissurer. Elle est fragilisé, je pense que cette histoire avec Harlow, ces "retrouvailles", c'est trop. Beaucoup trop d'émotions que je tente de contenir. Mais je ne peux plus, ses paroles me blessent, elles m'atteignent trop durement. C'est injuste, beaucoup trop injuste. Je ne sais pas ce que j'attendais vraiment de lui. Le courant est bien passé au début. Nos caractères similaires dans certains points, c'est un père, non franchement il m'a déçu, son jugement m'a déçu au plus haut point. Je pleure, seule, prête à me reprendre, prête à quitter les lieux parce que je me sens honteuse et puis il me sert dans ses bras. Je me tends, mes poils se hérissent. « Tires-toi Cameron, tires-toi ! » Je le repousse. Je le repousse le regarde, totalement affligé. Il parle à nouveau. « Pardon ? » Je balaye les larmes qui coulaient sur mon visage. Je suis de nouveau en colère. J'ai l'impression d'être bipolaire c'est grave. Etre en colère, pleurer de tristesse et être de nouveau en colère. J'ai un problème. « Si c'est ta façon de t'excuser, va falloir faire un effort. T'es un connard Cameron, un vrai connard. T'as pas le droit de m'insulter pour ensuite venir me prendre dans tes bras comme si j'étais ta chose. » C'est bon, j'arrête de sangloter. Je crois que ça va mieux. Pour autant, je m'appuie contre le meuble et inspire un bon coup. Il faut que je me calme. J'attrape sa bière en tendant la main en l'air. Je reste là parce que je n'ai pas le courage de bouger. Je reste là et je pose mon regard sur lui. « Tu ne t'ai jamais dit une seule fois que ta vie aurait été mieux sans ta fille ? » Je suis sûr que si, c'est une question normale je pense et ça ne ferait pas de lui un mauvais père pour autant, c'est légitime.