Cette piscine était sans conteste le lieu où Mado passait le plus clair de son temps au sein de cette aventure. Il y avait d'ailleurs une très bonne raison à cela : le fait que ce soit logiquement le lieu qui soit comme une sorte de lien avec son quotidien, avec la vie extérieure, avec sa liberté. Mais il était également certain que le fait que l'eau soit son élément et l'endroit où elle se sentait le mieux faisait de ce lieu un endroit fortement symbolique à ses yeux. Voilà pourquoi elle appréciait de s'y rendre régulièrement, parfois plusieurs fois par jours, pour y rester quelques fois pendant plusieurs heures, tant elle s'y sentait bien, tant elle s'y sentait libre surtout. Ses préoccupations de ces derniers temps lui semblaient alors incroyablement futiles, incroyablement fades, car plus rien n'avait de réelle importante lorsqu'elle commençait à se laisser envahir par ce sentiment de pur bien être qui était le sien lorsqu'elle nageait ici. Son esprit se vidait, ses craintes s'évanouissaient et cette haine qu'elle ressentait perpétuellement à l'égard de sa propre personne trouvait elle aussi le moyen de s'atténuer, sans disparaitre certes, mais en lui étant tout de même bien moins insupportable, bien moins lourde. Voilà maintenant près d'une vingtaine de minutes qu'elle enchainait les longueurs, qu'elle en oubliait tout, jusqu'au temps qui s'écoulait, qu'elle tâchait en fait de ne plus penser à rien. Car là où beaucoup de monde devait penser qu'elle était vide et incapable de ressentir quoi que ce soit, et bien, elle souffrait. Si elle n'en montrait rien, si tout ne ressentait pas le besoin de s'exprimer aussi facilement que chez d'autres, ça n'en était pas moins réel. Elle avait simplement appris à intérioriser, à ne rien laisser transparaitre, car c'était assurément plus facile que d'exposer sa peine au monde entier. Encore un problème de fierté, sans nul doute. Mais voilà que tandis que la jeune femme décida de faire une pause et qu'elle se rapprocha du bord pour se hisser dessus à l'aide de ses bras, s'y asseyant sans tarder, elle vit l'une de ses camarades, Enora, approcher. Leurs rapports n'avaient jamais été bien agréables, mais étaient restés relativement cordiaux malgré tout. « Aujourd'hui, tu n'auras pas à me sortir de la moindre galère. La natation, c'est un peu mon domaine. » Un peu, beaucoup disons. Et ça n'était en rien de la vantardise, simplement une petite référence au jour où Enora l'avait aidé à se relever sur la patinoire. Un jour qu'elle préférait assurément oublier, hm. « On ne se connait pas du tout, toi et moi. C'est dommage, je trouve. Tu es la partenaire d'Ezra et j'ai eu du temps pour réfléchir à mon comportement, et pour le regretter. » Parce qu'en soi, le seul tort d'Enora avait été d'être la partenaire du frère de Mado, définitivement trop possessive. Un motif injuste, assurément. Et le temps qu'elles avaient passé sans communiquer lui avait permis de faire le point sur son attitude, dont elle n'était alors pas franchement fière, effectivement.

Enora et Mado n'étaient, disons, pas particulièrement proches au sein du jeu. Déjà, cela faisait un petit moment qu'elles n'avaient pas pris la peine de s'adresser la parole ou de passer ne serait-ce qu'un peu de temps ensemble. Aussi, il faut dire que les choses n'avaient pas tellement bien commencé entre elles, la faute à un prime d'ouverture qui n'avait pas fait démarrer leur relation sur d'agréables bases. Il est vrai que l'attitude Mado n'avait pas tellement permis aux choses de prendre un bon départ. Elle s'était effectivement montrée un brin trop possessive à l'égard d'Ezra - tiens donc, voilà qui était surprenant, hm - et n'avait pas manqué de se montrer désagréable vis à vis d'Enora. Son tort, ce fut simplement d'avoir été désignée comme étant la partenaire de son frère. Oui, ce fut à ses yeux suffisant, pour quelques heures du moins, pour lui rentrer dedans peu sympathiquement. S'en était alors suivi un échange peu honorable, il est vrai. Mais elle regrettait, c'est certain. D'ailleurs, elles avaient tout de même eu l'occasion de se croiser une fois depuis le premier soir, à la patinoire, où tout n'avait pas été franchement cordial non plus, mais un peu mieux tout de même. Aujourd'hui, c'était le hasard qui les réunissait au même endroit, à la piscine. Mado n'aurait jamais tellement pensé qu'elle y rencontrerait sa camarade, sans doute parce qu'elle était bêtement partie du principe qu'elles ne seraient plus tellement amenées à se recroiser. Pour autant, Enora était là et Mado ne put que prendre cela comme un coup de pouce du destin finalement. Alors oui, elle se risqua à lui adresser la parole, estimant n'avoir de toute manière rien à y perdre, ce qui était tout à fait vrai. Au pire, si Enora préférait que les choses ne bougent pas tellement et qu'elle n'avait pas tellement envie de répondre à sa tentative de reprise de contact, qu'importe, Mado comprendrait et s'en accommoderait. Mais la jeune femme réagit à sa remarque, ce qui en soi était plutôt une bonne chose. Donc oui, en ce jour, Enora n'aurait pas à intervenir d'une quelconque manière, puisque la natation était effectivement le domaine dans lequel Mado n'aurait de base jamais besoin d'aide. « Disons que généralement, dans ce genre de cadres, je suis celle qui aide et pas celle que l'on aide » expliqua-t-elle alors. Peut être Enora comprendrait-elle d'elle même qu'elle voulait dire qu'elle était maitre-nageuse de profession, ce qu'elle ne voyait pas l'utilité d'énoncer plus clairement. Enora semblait en tout cas d'accord pour dire que la tournure que les choses avaient prises au départ était dommage. Bien sûr, Mado était apte à reconnaitre que c'était principalement de sa faute. La mauvaise foi, elle l'évitait ces temps-ci. « Ce n'était pas correct de te tomber dessus pour une chose qui ne dépendait pas de toi » soupira-t-elle alors. Oui, elle avait décrété qu'il serait légitime - hm - de s'en prendre à la partenaire d'Ezra. Mais les couples avaient été fait par la Production, et c'était un motif bien injuste pour s'être montrée désagréable, elle avait eu le temps de le comprendre, oui. Sa camarade prit alors place à ses cotés et lui demanda ce qu'elle voulait savoir. « Rien de trop commun. Je connais ton prénom, je devine assez facilement ton âge ... Tes origines, je me passe plutôt bien de les connaitre, honnêtement. Tout comme ton lieu de vie ou les prénoms de tes petits cousins ... » Elle ricana bêtement, consciente d’exagérer un tantinet sur la fin, tout de même. Tout ça pour dire que les informations les plus banales ne l'aideraient en soi pas à connaitre Enora. « Par contre, ce qui pourrait davantage m'intéresser, c'est savoir ce que tu attends d'un jeu comme celui-ci, quelles sont tes aspirations, si aspirations tu as. » Mais sans doute était-ce le cas. Il serait en effet plus intéressant de la connaitre au niveau de ce qu'elle attendait de Fake Lover qu'à base de questions futiles et trop attendues. Oui, sans nul doute.

Très honnêtement, Mado n'avait pas très bonne conscience de s'être montrée relativement injuste à l'égard d'Enora, en tout début de jeu. Elle lui était tombée dessus pour la simple raison que sa camarade avait été désignée comme la partenaire de son frère, ce qu'elle n'avait pas nécessairement bien vécu, il est vrai. Mais cela, c'était pleinement de sa faute à elle, et à sa possessivité maladive, qui lui donnait envie de garder Ezra pour elle-seule. Bien sûr qu'en arrivant ici, elle avait été consciente qu'un partenaire leur serait à chacun attribué, mais elle n'avait pris conscience de ce que cela impliquait qu'au tout dernier moment, en fait. D'où sa réaction lors du tout premier prime, d'où la façon dont elle s'était comportée à l'égard d'Enora qui, à n'en point douter, n'avait pas du se faire une bonne opinion de sa camarade. Celle-ci avait alors l'intention de réparer un tantinet ses torts, de tâcher d'excuser sa conduite, si on peut dire. Car évidemment, elle n'en était pas fière. Elle même ne cautionnait d'habitude pas le moins du monde que l'on s'en prenne à autrui injustement, sans motif valable. C'était d'ailleurs pour cette raison que la nomination d'office de Bob, orchestrée par Mickey, lui avait été si difficile à avaler. Donc oui, elle était prête à reconnaitre n'avoir pas agi convenablement à l'égard de la jeune femme mais aimait croire - à tort ou bien à raison - qu'il n'était peut être pas tort tard, aujourd'hui, pour tâcher de redémarrer sur des bases un peu plus plaisantes, histoire de ne s'encombrer d'aucune vieille rancœur pour la suite du jeu. Sa camarade lui fit alors savoir que c'était oublié, ce qui la surprit autant que ça la contenta. Elle n'avait alors peut être pas à faire à quelqu'un de franchement rancunier, ce qui n'était pas pour lui déplaire, évidemment. Elle, par exemple, aurait eu un peu plus de mal à passer l'éponge, même si le temps avait commencé à faire son œuvre. C'était en soi une bonne chose que sa camarade ne lui tienne visiblement pas rigueur de son attitude passée, car elle avait ici à faire à une véritable repentie, hein, qu'on se le dise. Le tout était maintenant d'utiliser cette conversation, cette reprise de contact, à bon escient. Et quoi de mieux, alors, que de faire doucement connaissance, ne serait-ce que pour se connaitre un tout petit mieux, vu qu'elles ignoraient véritablement tout l'une de l'autre ? Pour autant, l'idée n'était pas de se poser mille questions plus banales et futiles les unes que les autres. Le but n'était pas d'établir un portrait civil, mais d'en savoir véritablement plus l'une sur l'autre. Alors Mado opta pour une question assez légitime à ses yeux, demandant à sa camarade quelles étaient ses aspirations dans un jeu tel que celui-ci. Visiblement, il était surtout question pour elle de se lancer dans une expérience inédite, ce que Mado pouvait tout à fait concevoir. L'écoutant attentivement, elle afficha bientôt un fin sourire. « Tu sembles avoir la tête sur les épaules » commenta-t-elle instinctivement. Et clairement, c'était là une sorte de compliment, vu qu'elle se doutait que certains avaient du venir ici pour toucher la gloire du doigt, se faire un nom et nouer avec une pseudo célébrité à la graisse d'oie. Naïfs qu'ils étaient, ces gens. Enora lui retourna alors la question, et Mado tâcha de ne pas se perdre dans ses aspirations. « Ce que j'attendais d'un jeu comme celui-ci, c'était un certain dépaysement. Je me suis éloignée de Paris parce que j'en avais besoin. Je voulais changer de priorités, réapprendre à me faire passer en premier, et tâcher d'accorder un peu moins d'importance à certaines de mes obsessions, notamment le sport. Aussi, je voulais y retrouver un coté compétitif, histoire de jouer autrement que via des activités physiques, justement. Je suis aussi venue ici pour faire un important travail sur moi-même, et à divers niveaux. Je voulais me sociabiliser quelques peu, laisser de coté mes aprioris et ne plus me contenter d'un entourage très restreint. Comme toi, j'ai tendance à voir cette aventure comme une expérience à vivre, quelque chose d'inédit et de possiblement bienfaiteur. Enfin, j'ai aussi besoin de répondre à certaines questions que je me pose sur moi-même, et j'attendais de cette émission qu'elle me permette d'en trouver certaines réponses. » Pour le moment, elle n'était pas particulièrement satisfaite de ce début d'aventure, mais tâchait de positiver malgré tout. Il lui fallait se battre, parce qu'elle l'avait toujours fait et qu'elle était ici pour cela. « Quelle est la première chose que tu t'es dite en débarquant ici ? » finit-elle par demander, toujours aussi curieuse. Avait-elle eu les pétoches ? Fut-elle excitée comme une puce ? N'eut-elle envie que de rentrer chez elle ? C'est ce qu'elle espérait savoir.