seth & oliver

Si je suis curieux de nature? La question ne se pose même pas. Nous le sommes tous, en quelque sorte. À des niveaux différents les uns des autres, certes. J’adore observer les gens, les scruter à la lettre, lire en eux comme dans un livre ouvert, les analyser, les décortiquer. La salle de vidéosurveillance est, pour moi, une grande source d’intérêt, il va s’en dire. Ce comportement voyeurisme me parait quand même malsain, mais j’ai cédé à cette tentation et je me suis introduit dans la pièce un court instant… qui s’est finalement transformé en longue minute de contemplation silencieuse de mes camarades gravitant dans cet univers créé de toute pièce pour notre confort. Dans ce lieu, on se croirait presque Dieu. L’impression de pouvoir tout voir et tout entendre sans même avoir à faire le moindre effort, ne serait-ce que faire pivoter légèrement notre chaise ou changer le branchement des écouteurs… Bon sens, cette émission est en train de me transformer en une bête de la télévision câblée et il n’y a même pas seule semaine que je suis enfermé entre ces murs. Je vais devoir me contrôler pour rester un semblant humain… mais pour l’instant, je suis rivé à l’écran. Je ne peux m’en empêcher. Comme un gamin qui surveille de prêt l’évolution de sa fourmilière, je guette l’évolution des miens dans notre petite bulle coupé du monde extérieur.

J’ai les deux yeux rivés sur les écrans de télévision, ils sont curieusement attardés sur une silhouette, puis ils bifurquent vers une autre en quête d’une découverte fascinante, d’un fait étonnant, d’un geste indécent… chose qui ne vient jamais. Je soupire. Je pousse un léger bâillement. Je m’étire un peu. Puis recommence mon petit manège. Ne pas relâcher ma surveillance, quitte à en perdre un morceau, même le plus petit qui pourrait s’avérer utile à ma quête. La porte s’ouvre derrière moi, furtivement, je détourne le regard des caméras pour scruter d’un rapide aperçu le nouvel arrivant. Il s’installe dans le siège m’avoisinant et dépose entre nous un plateau repas composé de sandwichs et de légumes. « T’en veux un ? » Forcément, je suis habitué à ma cuisine, et la composition de ce repas improvisé me fait légèrement tiqué, c’est pourquoi je refuse d’un léger signe de tête. Et puis, je n’ai pas faim, ce serait de la pure et simple gourmandise que de manger à cette heure. Oh, et puis merde. Je me laisse tenter par… un morceau de carotte. Bonjour les calories! « Y’a que les fous qui ne change pas d’idée. » fis-je en me justifiant admirablement. « J’ai loupé quelque chose ? » J’aurais bien voulu que ce soit le cas. « Malheureusement rien… même les conversations sont un peu banales, mais ce n’est que les premiers jours de jeu. Je suis sûr qu’à la longue, ça va devenir payant de perdre son temps à les observer. » Non, parce que soyons clair, c’est une véritable perte de temps de rester clouer sur son siège à regarder le monde évoluer sous nos yeux. En fait, c’est même carrément inutile de le perdre en participant à une téléréalité, mais chuuuuut. J’assume mes choix et je vivrais avec pour le reste de mes jours. Comme n’importe qui d’autre, en fait. Il y a au bout du chemin quelque chose qui en vaut la peine, et je suis prêt à faire quelques sacrifices pour l’obtenir.