“ in love there is no measure of time ”

feat. eibhlin

Lorsqu'on connaissait le métier de Freddie et sa capacité à analyser ceux dont on cherchait à expliquer les pulsions violentes et parfois meurtrières, l'on pouvait supposer qu'elle aspirait ici à passer le plus clair de son temps en salle de vidéo-surveillance, qui après tout offrait une vue assez imprenable sur les faits et gestes de chacun, et pourrait sans mal lui permettre de tirer quelques conclusions sur ce qu'elle était susceptible d'y observer, si tant est qu'elle ait l'intention de procéder de la sorte avec tous ces jeunes gens, qui n'étaient a priori pas des criminels dont elle pourrait prendre plaisir à comprendre les motivations. Non, ça n'était qu'une bande d'énergumènes dont elle ne pouvait guère espérer de spectacles plus intéressants que des coucheries improvisées et des pseudo-bagarres à coup de rouleaux de papier toilette. Rien de très susceptible de l'intéresser suffisamment pour qu'elle veuille tenter de les sonder comme elle le faisait généralement, ainsi donc, non, elle ne se rendait pas ici aussi souvent qu'on pouvait le croire, et foulait même à vrai dire le sol de cette salle pour l'une des premières fois de son aventure. Et si tout ça l'avait nettement intéressée, même presque impressionnée la toute première fois qu'elle y était entrée, force est de constater que la magie avait pour elle légèrement disparu, que la preuve en était donc qu'elle n'avait décidément pas l'intention d'utiliser ses aptitudes en matière d’introspection sur n'importe qui. Elle avança pourtant jusque devant les nombreux écrans de la pièce, laissant ses yeux les scruter avec un intérêt moindre mais une curiosité bien présente, décidant bientôt de profiter par la même occasion de la version audio de l'une des scènes en branchant le casque, qu'elle posa sur ses oreilles sans tout de suite réaliser que quelqu'un en avait profité pour entrer dans la pièce. Ce n'est que lorsqu'elle sentit une présence tout près d'elle qu'elle se retourna pour dévisager Eibhlin, tandis qu'une vilaine idée lui vint aussitôt à l'esprit. « Oh bah, justement, tu tombes bien toi » énonça-t-elle alors, sur un ton qui laissait penser qu'un commentaire vaseux risquait de suivre. « Je viens d'entendre quelqu'un dire 'Eibhlin a une vilaine tronche et en plus c'est une petite garce'. Moi clairement, à ta place, j'aurais pas trop apprécié hein. » A noter que ce n'était pas ce qu'elle pensait personnellement, hein. Simplement, elle avait eu envie de sortir une belle connerie, ça la prenait quelques fois de façon irrépressible.

Tout ce qu’elle veut, c’est que cette fois-ci, elle puisse être seule dans la salle de surveillance. Pour une fois, ça ne serait pas trop demandé… Elle arrive et comme par hasard, quelqu’un si trouve déjà. Raaaaaaaaaah. Elle souffle. Mais elle ne fait pas demi-tour pour autant. Elle remettra ses plans à plus tard, au pire, elle trouvera une parade pour la faire dégager. Elle peut-être très forte à ce jeu-là. Elle s’approche de Freddie, qui semble trop absorbée par ce qu’elle voit et ce qu’elle doit entendre dans ses écouteurs, pour voir qu’elle est là. Bien qu’il ne lui fait pas plus de deux minutes pour avoir une réaction de la brune. Une réaction à laquelle elle ne s’attendait pas et qui ne l’a fait sourciller que légèrement. Elle tombe bien. « Je tombe toujours bien. » qu’elle dit, avec un petit air blasé et son accent irlandais bien appuyé. Elle ne sait pas pourquoi, mais ça fait un peu partit de son catalogue de remarque « type ». Même si elle ne sait pas pourquoi en vrai elle tombe bien. Mais ça ne s’annonce pas beau, au vu de la tête qu’elle fait. D’ailleurs c’est quoi cette tête là… Du coup elle fait une tête pareille également, attendant la grande nouvelle qui pourrait tout bouleverser… Et elle lâche ça, genre, vraiment c’est horrible. Apparemment quelqu’un dirait qu’elle a une vilaine tronche et que c’est une garce. À l’entendre comme ça, il pourrait bien s’agir de Lewis. Ce serait typique de lui, mais elle n’en sait rien. Elle s’installe dans le canapé, sans vraiment s’insurger. Oh bah. C’est pas non plus une insulte suprême et pour le coup, ça ne lui fait rien dit comme ça. Sauf qu’elle ajoute, elle, qu’à se place elle n’aurait pas trop apprécié. Ce qui la fait sourire, franchement. « J’crois qu’on dit que y’a que la vérité qui blesse… » L’un de ses sourcils s’arque. Et elle ne se vexe pas du tout, parce que ce n’est pas vrai… Ou en l’occurrence, tout n’est pas vrai : c’est vrai qu’elle est bien garce quand elle le souhaite. Et puis un truc lui vient en tête quand elle s’entend parler de la vérité qui blesse. Du coup, si elle à sa place, elle n’aurait pas apprécié c’est que… « Alors. Comme ça tu penses que tu as une vilaine tronche et que t’es une petite garce ? Je t’assure, ça va, y’a pire que toi ici ! » Elle va loin dans son raisonnement et elle risque peut-être de ne pas comprend, Freddie, mais ce n’est pas grave. Le principal, c’est que ça fait sourire Eibhlin. « Tu me dis qui sais, où je dois te tirer les vers du nez ?... » Qu’elle sort, croisant les bras et allongeant ses jambes sur le canapé. Elle ne porte pas ses patins, c’est une semaine quasiment pieds nus. « Je ne vais pas te mentir, j’étais venu pour mater des nanas, mais finalement j’ai mieux… On est dans un jeu avec des secrets et tout. J’veux connaître le tien, bim, ça tombe sur toi… Alors, tu me le dis ? » Qu’elle lâche, si sûre d’elle que ça pourrait en être déstabilisant. Ou énervant.

Il fallait vite le dire, tout de même, qu'Eibhlin tombait bien. Parce qu' il était indéniable que Freddie aurait tout autant apprécié de rester seule dans la salle de vidéo-surveillance. Mais bon, au moins, la venue de sa camarade lui donna l'occasion de réfléchir à un scénario boiteux comme pas possible, elle qui feignait tout à coup d'être pour le moins passionnée par ce qui se déroulait sous ses yeux et par ce qu'elle avait prétendument entendu dans le casque qu'elle avait précédemment branché. L'anglaise fronça en tout cas les sourcils d'une façon dubitative lorsque sa camarade lui assura qu'elle tombait toujours bien. Et puis, il y eut donc cette réflexion vaseuse qui lui échappa, elle qui ne put alors s'empêcher de prétendre qu'elle venait d'entendre quelqu'un délibérément exprimer qu'Eibhlin, ainsi donc sa camarade ici présente, avait non seulement une vilaine tronche, mais qu'en plus elle était ni plus ni moins qu'une petite garce. Alors bien sûr, personne n'avait jamais énoncé pareilles choses, ça n'était là que le fruit de son imagination un peu perverse et qui avait saisi la présence occasion pour tenter de s'occuper d'une façon inattendue. Pas sûr qu'elle soit face à la meilleure cliente pour ce genre de choses, mais au moins elle aurait l'occasion de tester sa susceptibilité, mais avant tout sa crédulité. A noter que Freddie glissa qu'à sa place, olala, elle n'aurait pas apprécié. C'était disons pour le coté dramatique de la chose, et pour faussement foutre la merde, oui, aussi. Semble-t-il alors qu'il n'y avait que la vérité pour blesser, ce qu'elle reçut en prenant un air solennel et ô combien approbateur. « Ça doit être pour ça qu'il y a tant de menteurs, d'hypocrites et de lâches. C'est quand même plus commode de leurrer son monde. » Oh elle savait de quoi elle parlait, hein, des mystificateurs elle en rencontrait souvent. C'est alors qu'Eibhlin énonça une conclusion qui la fit sourire, en rapport avec sa remarque précédente, et le commentaire de Freddie de tout à l'heure. Retournement inattendu, mais pourquoi pas. « J'ai toujours eu un sens de l'autocritique un peu trop développé, oui, c'est une chose qu'on m'a souvent dite. » Voyez comme elle se la jouait conciliante. Elle n'allait pas nier, ne se trouvant ni parfaite ni ignoble. Elle s'en foutait plus qu'autre chose, en soi. Quand à celui qui s'était laissé aller à ces vilains commentaires, et bien, il est vrai qu'elle n'avait pas encore pensé à lui trouver un nom. Crotte. « Eh oh, je veux bien t'ouvrir les yeux sur ce qui se dit dans ton dos, mais faut pas pousser, je ne suis pas une balance moi. » Pas sûr que cette excuse marche du feu de dieu mais c'était toujours bien histoire de gagner du temps. C'est qu'elle n'était pas encore assez sadique pour accuser quelqu'un à tort, quand même. « Et c'aurait été avec plaisir que je t'aurais révélé mon secret, vraiment, mais j'aurais l'impression de sous-estimer ta perspicacité. Eh oui, je suis sûre que tu peux tout aussi bien le trouver par toi-même. Ce serait gâcher un indéniable potentiel, oui, j'en suis certaine. » Et dire que pendant trois secondes, elle avait failli crier au trou de mémoire.