Ce que venait de me dire Leone me troubla quelque peu. Il n'avait pas tort dans un sens. Je restai dans le salon, presque figée sur place et pensive. Il avait bien parlé, certes, mais j'étais toujours un peu sceptique. Essayait-il seulement de se rattraper pour ne pas que l'on s'engueule au beau milieu du salon, devant les yeux des autres habitants ? Aucune idée mais toujours est-il qu'il remonta quelque peu dans mon estime et gagnait des points. Ainsi, il disait vouloir m'aider. J'avais une grosse envie de l'envoyer balader... Pour moi, il l'avait mérité. Mais je n'étais pas comme ça. J'étais grande gueule mais pas méchante. Les gens faisaient toujours un rappprochement entre les deux et pourtant je ne m'amusais pas à écraser les autres. Je courrus pour alors le retrouver mais, depuis le temps, je l'avais déjà perdu de vue. Allant dans sa chambe qui était aussi la mienne, mon regard balaya la salle et je le trouvai, à ma grande surprise.

Hééé Leone, attends !

Leone avait monté l’escalier pour rejoindre sa chambre. Il s’était étalé sur son lit, pensif. Il ignorait la façon dont Ashley avait interprété ses propos mais ne tarderait pas à le découvrir. La demoiselle pénétra à son tour dans la pièce, visiblement décidée à lui parler. Intrigué, il se redressa et l’invita d’un signe de main poli à s’asseoir sur son lit, à ses côtés.

« Tu t’es décidée ? » Répondit-il en la défiant de ses yeux bleus.

Je lui demandai d'attendre afin qu'il ne parte pas sans m'avoir remarquée ou simplement pour qu'il sache que j'étais là. Il m'invita à me joindre à lui et à s'asseoir à ses côtés, sur son lit, ce que je fis sans me faire prier. Néanmoins, je vérifiai qu'il n'y avait rien de sale à l'endroit où j'allais déposer mon postérieur. Je le regardai droit dans les yeux.

Tu t’es décidée ? me demanda-il ensuite.

Si je m'étais décidée ? A quoi au juste ? Faisant celle qui ne savait rien pendant quelques instants et haussant un sourcil, je me décidai toutefois à répondre et, donc, à arrêter de faire l'ignorante. Oui, je m'étais décidée.

A prendre la main que tu me tends ? Avec plaisir, je ne me rends pas compte ... balbutiai-je. Excuse-moi pour tout à l'heure ...

C’était tout ce dont il avait besoin d’entendre. Il accueillit les excuses d’Ashley par un franc sourire. Ainsi ses propos n’étaient pas tombés dans l’oreille d’une sourde.

« Tu n’as pas le droit de dire que tu vas mal devant l’ensemble des habitants. Tu risquerais de te faire dévorer toute crue. Ne montre jamais tes faiblesses, encore moins dans Fake Lover. » Se permit-il de lui conseiller. En effet, il savait de quoi il parlait. Il passait de loin la pire semaine de son aventure et faisait de son mieux pour sauver les apparences, essentielles dans ce jeu.

Je ne pouvais que lui présenter mes excuses. Après tout, le ton sur lequel je lui avais répondu dans le salon avait été limite agressif et je l'avais insulté, faisant comme si cela était normal. Or, pas du tout, insulter les gens n'était pas permis pour moi et j'en savais quelque chose. Mais sa provocation avait marché et il n'en avait pas fallu plus pour que je hausse légèrement mais sûrement la voix, surtout avec mon moral d'aujourd'hui. Je devais être gênée pour que je me mette à bafouiller. Je pense que je n'avais pas forcément l'habitude de faire des excuses à quelqu'un après une querelle, d'autant plus à quelqu'un que je connaissais depuis à peine un mois. Ce que je n'avais pas réussi à lui dire, était que je ne me rendais pas compte que je devais me ressaisir à tout prix. Ainsi, il acceptait mes excuses, j'en étais quelque peu ravie.

Tu n’as pas le droit de dire que tu vas mal devant l’ensemble des habitants. Tu risquerais de te faire dévorer toute crue. Ne montre jamais tes faiblesses, encore moins dans Fake Lover.

Il n'avait pas tort. Pour une fois, je ne mettais pas à m'exciter, par les gestes ou la parole, je restais calme. Parlait-il en expérience de cause ? Je me demandais s'il allait mal, lui aussi, s'il était dans la même situation que la mienne. Je pense que les hommes ont toujours plus de facilité à cacher leurs humeurs, leurs sentiments.

Le problème est que ... Tes « critiques » ne m'ont pas du tout plu ... Je devais riposter, si tu vois ce que je veux dire ... Et surtout m'expliquer parce qu'apparement, j'ai l'air d'une jeune femme renfermée. Or ... Non. C'est la vérité, je ne vais pas bien ces derniers temps et ... Enfin bref, dis-je comme pour conclure car il devait en avoir marre, c'est sorti tout seul, peu importe que les gens aient été là ou pas. Maintenant, ils le savent. J'espère juste qu'ils ne serviront pas de cela pour m'atteindre.

Comme avait pu le constater Héléna, Leone savait piquer et toucher des cordes sensibles pour provoquer. En insultant Ashley sur sa façon d’être, il était directement parvenu à attirer son attention afin de lui tendre la main. Il ne connaissait pas les raisons de ses soucis, mais peut-être avait-elle tout simplement besoin d’en parler. Il était parfois plus simple de s’adresser à un inconnu.

« Je suppose que si tu me dis ça c’est pour pouvoir parler librement de ce qui te tracasse ? Là, on est juste toi et moi… » Répliqua-t-il serein, l’invitant donc à se confier et soulager sûrement ses épaules fragiles du poids immense qu’elles semblaient porter.

Peut-être avaient-ils pris le fait que je dévoile mes faiblesses devant tout le monde pour de la stupidité mais leurs avis m'importaient peu. Pourtant, je prenais en ce moment même celui de Leone en compte. Et j'en pouvais plus, il fallait que ça sorte. Quand on pousse à bout quelqu'un qui va mal, au bout d'un moment, ça éclate. Cela avait été mon cas, je m'étais retenue pour tout simplement pas emmerder les autres avec ma mauvaise humeur - après tout, qu'est-ce qu'ils en avaient à faire ? - et j'avais tout sorti en plein sur Leone. Ainsi, maintenant qu'ils étaient tous au courant, je craignais vivement que quelqu'un d'assez mauvais se serve de cela pour me blesser et pour me faire craquer. A cet instant précis, ce n'était pas ma première préoccupation puisque j'étais en pleine confidence avec Leone mais j'y pensais quand même. Lorsque l'on s'attaque à un sujet qui me touche, les larmes viennent très vite. Réaction humaine après tout.

Je suppose que si tu me dis ça c’est pour pouvoir parler librement de ce qui te tracasse ? Là, on est juste toi et moi…

En effet, nous n'étions que nous deux, c'était bien plus simple de parler de ça plutôt que devant une assemblée qui, en l'occurence ici, était l'ensemble des autres habitants. Je ne savais pas pourquoi mais Leone m'inspirait confiance, je caressai le lit du bout des doigts et me dis que j'étais prête quoi qu'il arrive à aborder ce qui me tracassait.

On peut voir ça comme ça, rétorquai-je, accompagné d'un sourire quelque peu forcé pour répondre à sa question. Les fêtes de fin d'année ... C'est une période que je déteste par dessus tout ... Et de voir toutes ces personnes heureuses qui se réjouissent de leurs cadeaux ou ... Je sais pas si tu comprends mais j'ai pas eu une enfance facile. Bien sûr ... Je ne suis pas la seule mais chaque année, c'est la même chose, cela me rappelle de très mauvais souvenirs ... Je préfère m'isoler. Noël n'a jamais été l'occasion de fêter quoi que ce soit quand j'étais gamine.

Leone l’écouta d’une oreille attentive. Il la trouvait incohérente, elle semblait toujours fixée sur son enfance regardant constamment en arrière. Il ne comprenait pas pourquoi elle n’arrivait pas avancer. Parce que les fêtes de Noël de son passé avaient été éprouvantes, elle abandonnait et préférait se torturer ?

« T’isoler du bonheur des autres est ta solution ? C’est la solitude que tu t’imposes qui te détruit. Tu es seule et ça te tue… Tu n’es plus la petite fille que tu étais, ne vis pas dans ton passé. Regarde Noël autrement qu’à travers tes souvenirs, commence par offrir un cadeau à une personne que tu aimes. »

Je ne savais pas pourquoi je me mettais à parler de mes soucis avec lui d'une façon presque automatique alors que nous nous connaissions à peine. Pourtant, j'abordais dans notre conversation mon enfance, les fêtes et ce qu'il s'en suivait. Peut-être ne me ferais-je pas comprendre mais j'avais envie d'en discuter, de me libérer, que quelqu'un sache. Personne ne me mettait de couteau sous la gorge, je le faisais de mon plein gré.

T’isoler du bonheur des autres est ta solution ? C’est la solitude que tu t’imposes qui te détruit. Tu es seule et ça te tue… Tu n’es plus la petite fille que tu étais, ne vis pas dans ton passé. Regarde Noël autrement qu’à travers tes souvenirs, commence par offrir un cadeau à une personne que tu aimes.

Cela me fit réagir. M'étais-je mal exprimée ? Je pense qu'il n'avait pas compris là où je voulais en venir ou bien c'est moi qui n'arrivais pas tout à saisir, étant assez dépassée. Le fait que je dévoile cela m'avait presque mise dans tous mes états, je ne faisais pas de liens logiques entre chaque phrase, j'étais plus préoccupée à expliquer mon mal-être.

M'isoler du bonheur des autres est ma solution, oui ... Pour ces périodes là ... Enfin ... Ce n'est pas de ma faute ... Même si je fais un effort, je me casse ... Je n'arrive pas à supporter que c'est une fête joyeuse et que les gens sont pleins de vie alors que moi, tout le contraire ... Si je reste, ça me tue encore plus, ça me rend jalouse ... Jalousie qui ne peut s'expliquer. J'envie l'enfance qu'ils ont eue ou bien le fait qu'eux, contrairement à moi, ont su tirer un trait sur le passé pour profiter de la magie de Noël. J'essaie tant bien que mal de voir Noël autrement qu'à travers mes souvenirs mais ... Je sais pas, rien que le simple fait de prononcer le mot Noël me rappelle ce que j'ai subi et après, c'est comme si cela me mettait le moral à zéro.