Si jamais Pavel se retourne, je suis certaine qu’il va me prendre pour une folle. Je suis en train de le suivre depuis la cuisine. Il est passé devant la porte au moment même où moi je venais à sortir de la pièce et apparemment on se dirige vers le même endroit. Je n’ose pas le rattraper. Je préfère marcher derrière lui, toute seule. Il monte les escaliers puis tourne sur la droite avant de faire quelques mètres supplémentaires pour tourner sur la gauche. Je m’arrête. Effectivement il se rend au même endroit que moi. Zut. J’avais envie de passer un petit moment toute seule, mais je crois bien que c’est raté. Je peux tout aussi bien faire demi-tour et m’en aller, mais ce serait remettre à une autre fois quelque chose que je peux faire tout de suite. J’hésite un instant puis je prends mon courage à deux mains et me faufile à travers l’ouverture de la porte. Moins une et mon camarade me claque la porte au nez. J’adresse un petit sourire gêné à Pavel en passant devant lui et me dirige vers une étagère que je connais bien. Celle des romans français. Je suis en pleine recherche de l’œuvre parfaite pour passer un bon petit moment le nez dans un bouquin lorsqu’il vient se planter juste devant moi. Oui ? Que veut-il ? Je lui jette un regard interrogateur. « Tu m'as toujours pas dit c'que tu foutais dans la salle info la semaine dernière. » Mince, il n’a pas oublié notre petite rencontre tout près de la porte de la salle informatique. Mon regard fuit le sien. Je n’ai pas envie de lui parler de ça parce que ça ne le regarde pas, tout simplement. Mes mains viennent se joindre dans mon dos. Je me balance d’avant en arrière sur mes pieds. Ça doit se voir à des kilomètres à la ronde que je suis en train de chercher une excuse. Tant pis. Mes pupilles se perdent sur le plafond, puis sur les murs et enfin sur les hautes étagères pleines de livres en tout genre. Je sens qu’il m’observe. « Oh me dis quand même pas que tu te... touchais en pensant à Zoran ?! » Beurk. Ce type est répugnant. Une grimace vient se dessiner sur mon visage. « Eurk, c'est ça que tu faisais alors ? Ah y'a tout mon diner qui remonte là. » Je ne sais pas pourquoi, mais je sens qu’il ne va pas tarder à se foutre de ma gueule concernant mes ébats avec Zoran. Franchement, il lui en faut peu pour se fendre la poire. Je baisse brièvement la tête avant de le pousser légèrement pour m’approcher d’un petit peu plus près de l’étagère qui m’intéresse. « Tu aurais préféré que ce soit en pensant à toi que je me touche peut-être ? » Une question comme une autre qui me permet de dévier de sa question principale. Je farfouille dans la pile de livre durant quelques secondes avant de pousser un soupir. Il m’observe et c’est assez stressant. « Et puis de toute façon ça va te servir à quoi de savoir ce que j’étais en train de faire l’autre fois dans la salle informatique ? » Hors de question que je parle en l’absence de mon avocat. Je me redresse et croise mes bras sous ma poitrine tout en l’observant de la tête aux pieds. « Parce que, de toute façon, ça ne peut pas être plus dégoutant que de s’envoyer en l’air avec Eibhlin si tu vois ce que je veux dire. » Moi ? Jalouse et méchante ? Alors là, pas du tout. Je suis juste en train de l’emmerder autant que je le peux.

Dommage que Pavel ne soit pas amnésique parce que je serais bien contente qu’il oublie notre échange de la semaine précédente, lorsque je lui ai bloqué l’accès à la salle informatique. Je n’ai pas envie de lui avouer que j’ai eu un petit coup de mou et que j’avais envie de me retrouver toute seule pour observer des photos de mes proches, surtout de mon fils, durant des heures et des heures. Je n’ai pas envie qu’il me prenne pour une nana faible. Même si je ne suis certaine qu’il me prenne pour le genre de jeunes femmes à porter le monde entier sur ses épaules. Je reste silencieuse face à sa question. Je me cherche une excuse et bien évidemment je n’en trouve pas. Il vient me piquer d’une petite question concernant Zoran. J’ai comme l’impression qu’il ne sait faire que parler du beau brun. Quel idiot. En tout cas il part sur un tout autre sujet alors j’en profite pour lui faire oublier ce que j’étais en train de faire dans la salle informatique la semaine dernière. Je ne suis pas certaine que m’amuser de sa question soit une bonne chose, mais je prends tout de même le risque. « Bah ça m'aurait semblé déjà plus... acceptable et compréhensible, ouais. » Qu’il dise le contraire serait étonnant. Je lève les yeux vers le plafond tout en poussant un soupir. « Et puis c'est bon, je sais que t'as déjà pensé à moi en le faisant. » Pardon ? Je crois bien que j’aurais pu m’étouffer en entendant ceci sortir de sa bouche si j’avais été en train de boire ou bien de manger. Il est complètement cinglé j’crois bien. Je l’observe en arquant un sourcil avant de changer d’expression et de froncer très légèrement les sourcils. « Pourquoi me toucher en pensant à toi alors que j’ai juste à venir agiter mes fesses sous ton nez pour que tu me sautes dessus ? » Je me montre peut-être un petit peu trop sûre de moi là, mais c’est pourtant la vérité. Il n’est peut-être pas très pote avec Zoran, mais il semble en tout cas avoir un point en commun avec lui, celui de l’amour des jolies femmes. Je suis certaine que ni l’un ni l’autre ne peut rester de marbre face à une nana en train de leur faire un petit peu de rentre dedans. Et puis il m’énerve alors je viens lui demander pourquoi il tient vraiment à savoir ce que j’étais en train de faire la dernière fois. « Ici c'est moi qui pose les questions. » Ou pas. Il ne manque vraiment pas de culot tout de même. Je préfère ne même pas répondre et me laisser aller à une petite réflexion pas franchement très classe. Sa réponse aussi n’est pas très classe. « Attends, t'as sucé le poireau de l'autre crétin et tu me sors ça, genre, toi Danaé vraiment ? » J’ai encore manqué une occasion de me taire certainement. Je ne fais même pas attention à lui, j’lui tourne le dos et me concentre à nouveau sur mon étagère de livre. « J'vais te dire, t'es à l'origine du truc le plus dégueulasse qui ait jamais été commis dans le nid cette saison, donc, au pire tu vas t'auto-détroner. » Ce qu’il est en train de dire est juste blessant pour ma petite personne. « Au pire, je ne t’ai demandé ton avis. » que je siffle dans ma barbe alors que lui-même prends la parole. « Alors, c'est pour aujourd'hui ou pour demain ? » Parce qu’en plus il ne lâche pas l’affaire le type. Je n’ai pas envie de lui répondre alors pourquoi il insiste. Je ne lui pose pas des questions sur sa vie et tout le tralala moi. J’attrape un livre au hasard et commence à le feuilleter. Hors de question que je lui réponde. Surtout qu’il vient de me descendre en flèche en me parlant, encore une fois, de mes ébats avec Zoran. Il peut toujours aller se brosser. Du coup, j’reste silencieuse.

Même lorsque j’ai envie de rester muette Pavel trouve le moyen de me faire parler. Il ne me fait pas forcément commencer par ce qu’il veut savoir en priorité, mais il évoque toujours Zoran à un moment ou un autre. Je trouve que c’est vicieux de sa part, et pourtant tellement intelligent. Bien entendu il ne me demande pas si Zoran va bien étant donné qu’il n’en a strictement rien à faire, mais il me parle de ma relation avec le beau brun. Plus précisément, de ma relation purement sexuelle avec le beau brun. Je suis bien obligé d’ouvrir la bouche pour me défendre à chaque fois qu’il commence à en parler parce que sinon je me retrouve en peu de temps avec un Pavel qui fanfaronne, encore plus que d’habitude, dans tout le château en disant à qui veut bien l’entendre que je suis la pire crasseuse de toute l’histoire de Fake Lover. Si j’avais pu me faire à l’idée que notre partage de saucisson allait enterrer la hache de guerre, je crois bien que je me suis trompé sur toute la ligne. Du coup, il pense que j’étais en train de me toucher en pensant à Zoran la semaine dernière lorsque je n’ai pas voulu qu’il entre dans la salle informatique. Parfois je me demande même s’il ne parle pas de mes ébats avec Zoran juste par jalousie. Je suis presque certaine que c’est ça. Il avait envie de se taper toutes les nanas de la villa le premier, sauf que Zoran est passé avant lui. Uniquement de mon côté bien entendu. « Hm détrompe-toi, depuis que t'es passée entre les sales pattes de l'autre abruti, j'ai le regret de t'annoncer que tu ne vaux plus grand chose à mes yeux. » Tiens donc, cela ne lui a pourtant pas empêché de me quémander une petite gâterie par la suite hein. Je l’observe en fronçant les sourcils. Je vous jure que si je peux lui sauter à la gorge et lui planter mes ongles en plein dans la jugulaire, je le ferais. « Et puis t'es pas mal dans ton genre, mais y'a mieux quand même. » C’est le genre de chose qui fait toujours plaisir à entendre, mais bon cela ne m’étonne même pas de la part de Pavel. Il ne va pas me faire des compliments alors qu’il semble me méprise. Qu’il se rassure, je l’aime autant qu’il m’apprécie. Je n’ai pas de temps à perdre avec ses bêtises alors je me concentre sur les livres qu’il y a tout près de moi. Je suis une nana, je peux faire deux choses en même temps. « Y’a certainement mieux et je suis peut-être passé entre les mains de Zoran, mais ça ne t’as pas arrêté pour venir me réclamer une pipe hein. » Beh quoi, c’est la vérité. « J’suis presque sûre que t’es juste vexé parce que j’ai refusé de me mettre à genoux devant toi pour satisfaire ton petit caprice d’enfant gâté. » Ce n’est pas parce que monsieur claque des doigts avec les nanas que je dois faire comme les autres et écartes les cuisses devant lui. Hors de question que je le fasse pour lui en tout cas. Je termine par lui tourner le dos. Je ne veux pas parler plus avec lui. Je ne veux pas qu’il vienne à me demander encore une fois ce que j’étais en train de faire la semaine précédente. « Bon euh t'sais quoi, va te faire foutre. » Toujours autant d’élégance ce Pavel. Je pousse un soupir tout en levant les yeux vers le plafond avant de l’observer brièvement. Il fait semblant de lire. Quel idiot. Un rictus moqueur d’échappe d’entre mes lèvres. « Il y a trop de mots pour toi là je pense. Les livres avec des images sont au rayon juste derrière. » que je dis en lui prenant délicatement le livre des mains pour le remettre à sa place. De la provocation ? Pas du tout. C’est juste de l’amusement.