Ces insomnies deviennent habituelles, je commence doucement à les tolérer, voir même à les apprécier – mais en petites quantités. Je vais toujours favoriser une bonne nuit de sommeil à un nombre incalculable d’heures où ce dernier tente de me fuir. Le choix n’est pas bien difficile à faire. Il est près de trois heures du matin et mon regard est rivé sur le plafond de la chambre que j’occupe. Je soupire. L’un des candidats s’est bruyamment fait entendre en venant s’installer pour la nuit, et je fus tirée de mon si précieux repos par sa faute. Désormais, impossible pour moi de me rendormir. Il m’a fuie, comme toutes ces autres nuits. J’aimerais tant m’en faire un allié, mais j’ai l’impression que cette alliance risque d’être de courte échéance. Il m’a trahie si souvent par le passé, je suis persuadée qu’il ne fera pas le loisir d’attendre avant de recommencer. Je suis lasse, exténuée, mais bel et bien entêtée et déterminée à retrouver un peu de sérénité et de calme dans une nuit comme celle-ci. Je veux dormir, et je trouverai bien un moyen, à un moment ou un autre. Ceci dit, les minutes passent et le temps me semble long. Mes yeux se sont doucement habitués à la noirceur, et mon ouïe reperd les moindres bruissements de la nuit. Quelques chuchotements se font entendre pendant un moment, puis, bientôt, ce n’est que le silence. La respiration ensommeillée de mes camarades sonne comme une berceuse apaisante à mes oreilles. À mes côtés, Orson roupille sans se préoccuper de mon état d’éveil. Je lui fais face, mon regard s’attarde sur ces traits vagues, ceux que la noirceur camoufle. Pourtant, je les connais par cœur. Combien de fois les ai-je contemplés de la sorte, par le passé. Il me faut un temps pour remarquer que ses yeux sont rivés sur moi. Depuis combien de temps m’observe-t-il à la dérobé, me prenant ainsi sur le fait. Je l’ignore. « Désolé de t’avoir réveillé, ce n’était pas mon intention. » lui dis-je en un murmure, ne souhaitait pas déranger mes autres camarades de par mes propos. Pour mon partenaire, visiblement, il était trop tard. Peut-être que mes nombreux changements de position ont eu raison de son état, ou simplement est-ce la sensation d’être dévisagé qui troubla son subconscient.

Après une soirée mouvementée, je mérite un instant de répit aux creux des bras de Morphée. Je me couche enfin sans me préoccuper de mes voisins. La fatigue me gagne progressivement alors que j'écoute les derniers chuchotements du soir s'aménuiser pour ne devenir que silence. Je sombre alors dans une doucereuse léthargie. Je m'endors sur le côté, emmitouflé dans ces draps de soie et apaisé, l'esprit tranquille. Je n'entends plus un bruit. Je perçois de l'agitation à ma gauche. Les bruissements continuels de draps m'interpellent. La première fois, je ne fais guère attention. Mais les bruissements persistent. Je fronce les sourcils d'incompréhension. Mon sommeil est troublé. Pire, je me sens observé. Je sors de ma torpeur et dévisage dans l'obscurité les traits éthérés de la brune. Je reste interdit, les contemplant au gré de mon envie. Nos regards se rencontrent, s'entrelacent. Je constate qu'elle ne dort plus. Encore une de ses insomnies, je présume. Elle s'excuse. Je soupire : - Ce n'est rien. Je croise les bras et la fixe en n'ayant rien à ajouter de plus à cette conversation. Je ne ressens ni frustration ni agacement. Je reste serein. Maintenant que je suis éveillé, je ne peux me rendormir. Pas tout de suite, en tout cas. Mes prunelles se sont aisément accoutumées à l'obscurité environnante et poursuivent leur exploration tandis que mon index vient redessiner l'arrêt de son nez fin. - Tu m'en dois une, ce soir., que je lui rappelle avec subtilité. L'immunité, c'est elle qui l'a obtenu. En partie, grâce à mon intervention à sa faveur. Un merci aurait suffi amplement. Un semblant de gratitude ne la tuera pas. Alors, j'attends. J'attends qu'elle me remercie de la façon qui lui convient le mieux. J'en jubile à l'avance.

Comme une voleuse, on m’a pris sur le fait. À la dérobée, je l’observais, mais son regard n’a rien manqué de cette étude méticuleuse de sa silhouette sous les draps. Il finit par croiser le mien, et pendant un court moment, il s’y attarde. Nous nous dévisageons silencieusement avant que je ne prenne la parole, jugeant utile de m’excuser pour avoir troublé sa nuit ensommeillée. Il m’assure qu’il n’en est rien, mais son soupir laisse présager que c’est plutôt l’inverse. Soit, il se contente de cette réponse, et je suppose que je vais m’y coller. Il sait que d’entendre la vérité ne m’aurait point dérangé. J’ai connu vérité plus cru que celle-là, par le passé. Le sommeil semble avoir fait de nous ses ennemis, je sens que nous allons devoir nous tenir compagnie jusqu’à ce qu’il daigne nous accorder un peu de son temps. L’un de ses doigts vient se poser sur la courbe de mon nez, qu’il détaille d’un geste lent. Sa remarque me tire l’ombre d’un sourire, que, dans l’obscurité, il ne risque point d’apercevoir. « Je devrais plutôt remercier Henley, c’est elle qui a rendu la décision finale. » répondis-je en un chuchotement, rien que pour le contredire. Il est vrai quand sans l’intervention de mon partenaire, il est fort possible que mon nom n’ait jamais franchi ces lèvres. Et à mon tour, j’aurais figuré dans la liste des candidats nominés. Sort qui n’a pas échappé à Orson, malheureusement. « Tu n’étais pas obligé de faire ça… » Mais il l’avait fait. Je lui étais donc effectivement redevante de mon immunité. Il attendait de moi que je le remercie. Son regard en disait long sur ce qu’il espérait de moi. Pourtant, je me contentais de faire simplement. « Merci. » Me connaissait, il savait que ce mot ne franchissait que très rarement l’espacement entre mes lèvres. « Il serait malheureux que tu en viennes à partir, dimanche. Je commençais doucement à me faire à l’idée de t’avoir à nouveau dans mon lit, tous les soirs. » La nuit, j’arrivais plus facilement à le supporter. Il ne parlait pas, ne me jugeait pas de son regard noir. Tout à l’opposé de nos confrontations journalières. J’en venais presque à regretter notre relation passée. Presque. Inconsciemment, mon visage s’était légèrement rapproché du sien. Ma voix baissa d’un cran, et un simple filet presque imperceptible franchit la barrière de mes lèvres. « Ce serait dommage de ne pas en profiter... » C’était une proposition plus qu’indécente que j’étais en train de lui faire. Mais je doutais qu’elle n’allait pas lui déplaire.