Une traque n'avait rien d'évident. C'était un travail minutieux alliant précision et concentration, et étant souvent d'une importance non négligeable. Ici, en tout cas, Mado se voyait forcée de faire preuve d'une attention toute particulière, ne pouvant se permettre de se laisser déconcentrer par quoi ou qui que ce soit. Ce qu'elle traquait ? Et bien, il semblerait que ce soit une forme d'arachnides particulièrement répandue et adepte des petits coins sombres et des endroits surélevés. Car ce qu'elle traquait, c'était bien évidemment une araignée, prétentieuse et jouissant probablement du fait qu'elle soit présentement bien trop en hauteur pour que la jeune femme puisse lui offrir le traitement qu'elle méritait. Oh oui, nul doute que cette sale petite bête trouvait amusant de se dandiner devant elle, qui restait pour le moment bien impuissante face à ce spectacle atrocement frustrant. Voyant la petite bête gagner en assurance et envisager d'aller faire un petit tour du coté des étagères - ce qu'il serait préférable d'éviter, même si elle apprécierait que Mickey ait une jolie surprise le jour où il ouvrirait les Dix petits nègres - Mado se devait d'agir, et vite. Alors elle ne réfléchit pas davantage et jugea nécessaire de prendre un risque non négligeable en tirant l'un des fauteuils de la pièce juste en dessous du repère de sa nouvelle ennemie, n'hésitant alors pas à grimper sur le dossier, pour gagner en hauteur. Son équilibre était bien imparfait, mais puisqu'elle avait pensé à saisir un bouquin au passage, il lui suffirait de bien viser pour éradiquer la sale bête et ainsi éviter de risquer son intégrité physique plus longtemps. Mais ça, c'était sans compter sur une intrusion tout à fait imprévue, et on ne peut plus malvenue. Car lorsque la porte s'ouvrit brusquement, c'est un bond que fit la jeune femme et qui ne manqua pas de la déséquilibrer. Chutant de son appui, elle atterrit sur le plancher, non sans laisser échapper un juron. Alors non seulement l'araignée se portait toujours bien, mais Mado, elle, se portait plutôt mal. « Qui que tu sois et quoi que tu sois venu faire ici, sache une chose, même avec une cheville probablement tordue et un genou assurément foulé, je m'emploierai à te faire payer cette malheureuse intrusion » lança-t-elle, amère, ne prenant même pas la peine de dévisager son ou sa camarade. Oui, elle était contrariée. Parce qu'elle avait manqué sa cible et qu'elle s'était fait sacrément mal en tombant, comme une merde d'ailleurs. « Si tu cours, cours très vite. Si tu ne cours pas, commence à prier. » Et dire qu'en plus, la bestiole avait du se foutre de sa gueule ...

La chute du siècle. Oh oui, au moins. Car de l'endroit où Mado avait cru bon de se percher pour atteindre plus facilement sa nouvelle ennemie, il ne faisait assurément pas bon chuter. Et Mado, qui venait donc d'en faire la stupide expérience, pourrait sans mal le confirmer. Quoi que sans mal, c'était un peu vite dit. Parce que du mal, bon sang, elle en avait justement. Un mal de chien, même. Parce qu'en plus d'avoir dégringolé d'une façon presque théâtrale et dans un sordide ralenti - qui en ferait rire plus d'un, elle s'en doutait - voilà qu'elle s'était en plus démerdée pour atterrir très douloureusement. Et là, elle ne put que se demander une chose : est-ce que oui ou non elle pourrait remarcher un jour ? Bien sûr que cette terrible question était ici d'actualité. La chute avait été si impressionnante qu'il n'était assurément pas improbable qu'elle se soit cassée tous les os du corps, au point de n'être absolument pas assurée de retrouver sa mobilité avant au moins, allez, une minute trente. Terrible tout ça, oui. Mais ce qui serait tout aussi terrible, soyez-en sûrs, c'était le traitement qu'elle réservait à l'individu qui avait cru bon de se pointer ici à l'improviste. Car c'était à cause de cette personne qu'elle avait chuté, évidemment. La surprise de cette entrée inattendue l'avait perturbé au point qu'elle avait dégringolé de là où elle s'était perchée, et le résultat étant des plus déplorables, elle se devait de lui offrir un châtiment à la hauteur de son crime. Que cela ait été intentionnel ou non - sait-on jamais - elle ne ferait preuve d'aucune clémence. Ah non, ce serait même bien mal la connaitre. Donc oui, celui ou celle qui se croyait peut être encore en sécurité avait tout intérêt à prendre ses jambes à son cou assez rapidement, dans la mesure où Mado avait déjà prévu de ramper jusqu'à cette personne telle une larve afin de lui faire payer son inconscience. Même à moitié morte, elle était assurément capable de se montrer revancharde, oui, personne ne devait en douter. Surtout pas ... hm ... attendez voir, ne serait-ce pas la douce voix de Peyton qui venait de résonner assez délicieusement dans l'enceinte de la pièce ? Peyton, ou l'une des personnes à qui elle ne pourrait jamais faire de mal. Oh merde, elle se sentait subitement un peu conne de s'être emportée de la sorte. Non, à lui, elle ne pouvait pas lui en vouloir. Car s'agissant du jeune homme, cette chute lui semblait subitement d'une futilité déconcertante. Elle avait toujours mal, oui, mais cette présence avait déjà presque tendance à l'apaiser, dans un sens. Ne se retournant pas, mais l'ayant maintenant reconnu, elle se mordit férocement la lèvre et s'insulta mentalement, comme elle savait si bien le faire. Elle n'osait même pas le regarder, peut être trop honteuse d'avoir réagi de la sorte. Lui, il ne paraissait absolument pas énervé, pourtant il aurait logiquement de quoi l'être. « C'est parce que t'es pas impressionnable comme mec » soupira-t-elle, presque boudeuse. Quoi, il n'avait même pas eu un tout petit peur ? Pas du tout, du tout, du tout ? Pff. « Je fais l'amour avec le sol, ça se voit pas ? » Chose pas franchement maligne à sortir, ni dans sa situation, ni dans la sienne, c'est vrai. Donc hm, disons qu'il serait peut être bon d'assumer ce qu'il venait de se passer, hein. Ouais. « Je me suis lamentablement cassée la gueule, en fait » reprit-elle, toujours amère, mais davantage contre elle-même, qui avait trouvé le moyen de grimper sur un dossier de fauteuil, que contre Peyton, qui avait quand même le droit d'entrer où il voulait sans sonner une cloche, hm. Elle l'entendit alors s'approcher, et il ne tarda pas à l'attraper par le bras, si bien qu'elle se retrouva debout assez rapidement. Bien. Le tout était maintenant de savoir si elle réussirait à le rester bien longtemps. Rappelons tout de même qu'elle était passée à rien de la paralysie. A RIEN. A la remarque de son camarade, elle lâcha spontanément un petit rictus. Est-ce qu'elle se permettrait d'en faire des tonnes ? Bah écoutez, pourquoi pas. « C'est la morgue que tu devrais appeler, je sens que je n'en ai plus pour très longtemps, là » dramatisa-t-elle alors. Il est vrai qu'elle avait tout de même mal au niveau des jambes, mais bon, ce devait surtout être psychologique, hein. Se stabilisant, elle cessa de prendre appui sur son camarade. « Tu peux faire ce que tu es venu faire, hein. Moi, je vais aller m'allonger dans un coin et y rendre l'âme, sans embêter personne. Une mort digne, presque royale. » D'ailleurs, tout le monde y serait particulièrement sensible, hein. Bah oui. « Vu que j'ai décidé de renier Erza, je fais de toi mon seul et unique héritier. Tu gagneras un appart' à Paris, un gosse, des abonnements à divers clubs de sport, et quelques maigres économies. » Sur ces mots, elle déposa sa main sur son épaule, solennellement. Et puis, bêtement, elle boita jusqu'à un coin de la pièce, s'allongea au sol et fit la morte. Parce que putain, avec le mal de chien qu'elle avait au niveau des jambes, rester debout était à peu de choses près une torture. Mais rendre la chose plus spectaculaire n'était pas exclu, naturellement.

Ainsi donc, celui qu'elle avait pris pour un infâme intrus, pour un monstre sans scrupule devant bien rire de sa situation, n'était autre que Peyton ... C'était plutôt une belle surprise, mais du coup, elle se sentait incroyablement sotte, à cet instant précis. Et bien oui, elle venait tout de même de réagir comme une furie, voire comme une tarée, et avait du lui faire une drôle d'impression. Il serait quand même bête qu'il change du tout au tout de regard sur elle, hein. Clairement, elle s'en voudrait beaucoup. Parce qu'elle appréciait Peyton et qu'elle ne voulait pas qu'une connerie pareille change quoi que ce soit entre eux. Ce serait sacrément dommage, oui. Pour le moment, elle était donc incroyablement honteuse. La façon dont elle s'était exprimée à ce qu'elle avait cru être quelqu'un de malsain et de perfide laissait franchement à désirer, maintenant qu'elle savait qu'il s'agissait finalement de Peyton, hm. Que devait-il penser d'être ? Qu'elle avait ses règles ? Qu'elle n'avait pas pris ses calmants quotidiens ? Allez savoir. Il devait probablement n'avoir qu'une envie : se tirer de là en vitesse pour la laisser seule avec son agressivité. Car oui, autant le reconnaitre, elle n'avait pas manqué d'être agressive. Il faut dire qu'elle était incroyablement frustrée de n'avoir pas pu mener à bien sa tâche, celle consistant à éradiquer la vermine qui se baladait depuis déjà quelques minutes dans les hauteurs de la salle. Cette foutue araignée devait déjà être sacrément loin maintenant, alors oui, ça la rendait un peu malade. Aussi, la façon dont elle était tombée lui laissait penser, allez savoir pourquoi, qu'elle avait eu l'air bien bête, sur le moment. Ah non vraiment, rien que d'imaginer cette chute en arrêt sur images, ça lui donnait des sueurs froides. Et puis bon, merci de prendre en compte le fait que la chute ne fut pas qu’impressionnante, et qu'elle fut tout autant douloureuse. Car oui, tomber sur les genoux, se manger le sol de cette façon, clairement, ça ne faisait pas du bien. Alors évidemment, tant d'éléments contrariants n'avaient pu qu'avoir raison de son sang-froid, chose qu'elle regrettait évidemment amèrement à cet instant précis. Peyton disait alors ne pas être disposé à avoir peur de ce qu'elle venait de lancer sous le coup de la frustration, alors elle se contenta d'en conclure qu'il n'était tout simplement pas impressionnable. Que ce soit vrai ou non, disons que ça n'importait pas beaucoup. Mais quelqu'un qui n'avait pas peur de la redoutable Mado, tout de même, c'était assez incroyable. Que faisait-elle au sol, donc ? Oh et bien, pas grand chose. Elle s'était lamentablement vautrée et n'avait simplement pas la force de se relever. Pour autant, la réponse qu'elle lui donna, tout à fait improvisée, sonna différemment. Faire l'amour avec le sol, hm oui, pourquoi pas après tout. A la réplique de son camarade, elle ne put qu'afficher un sourire amusé, qu'il ne voyait donc pas pour le moment vu qu'elle lui était toujours de dos. Honteuse elle était, souvenez-vous. « J'ai une réputation de fille frigide, tu sais » annonça-t-elle alors, assez mélancolique. Car clairement, si on croyait qu'elle s'en accommodait, c'était mal la connaitre. Elle aussi, quelques fois, elle aimerait pouvoir embrasser sans motif, juste par impulsion, juste par envie. Elle aussi, quelques fois, elle aimerait pouvoir draguer sans avoir besoin de cacher ses intentions derrière un humour douteux ou des phrases au second degré. Et elle aussi, quelques fois, aimerait être disposée à avouer clairement à quelqu'un qu'il lui plaisait. Mais tout ça, ça n'était probablement pas elle. Personne ne devait soupçonner que ses derniers rapports sexuels remontaient à plusieurs années auparavant. Il faut dire qu'il ne lui viendrait jamais à l'idée d'en parler, hein. Finalement, car partant du principe qu'il valait quand même mieux qu'il sache ce qu'elle faisait précisément par terre, la jeune femme lui avoua la vérité, à savoir qu'elle était simplement tombée comme une cruche. Elle lui passerait les détails, car il la trouverait peut être un peu casse-cou, mais oui, au moins cette version-ci était la bonne. En tous les cas, il était plus que certain que Mado ne manquerait pas de trépasser suite à ses horribles blessures. Et bien oui, tout ça n'était pas sans conséquences, hein. Bon d'accord, elle exagérait atrocement, sachant en plus qu'elle était une dure à cuire et que ça n'était pas ce genre de choses qui auraient raison de son mental d'acier et de sa volonté à toute épreuve. Elle était forte, mais là tout de suite, elle se plaisait à prétendre le contraire. Peyton pouvait donc vaquer à ses occupations et la laisser mourir en solitaire, seule comme elle l'avait toujours été. Sauf que non, il disait là qu'il pouvait lui consacrer de son temps. La tournure de sa phrase, inévitablement, la fit sourire. « Bien sûr que je veux. » Oh, elle ne rebondirait pas sur la suite, sachant pertinemment ce qu'il avait voulu dire. Son humour était suffisamment merdique pour qu'elle n'en rajoute pas une couche, surtout après ce qu'elle venait de dire, et avant ce qui allait suivre, hm. Elle lui confia alors, peut être plus inconsciemment qu'autre chose, avoir l'intension de renier Ezra. Non, ça n'était évidemment pas le cas. Mais elle ne comprenait plus tellement son frère et elle était frustrée de n'avoir plus une place de choix dans sa vie. Peut être que beaucoup ne comprendraient pas, mais être reléguée au rang de spectatrice ne lui allait pas. « Il n'a rien fait, techniquement. C'est moi, je ... je ne comprends simplement plus rien à sa vie. On lui prête des flirts à tout va, et je ne sais plus quoi en penser. Il ne me dit plus rien et ça me frustre. J'aimerais comprendre ce qu'il se passe pour lui ici, mais il ne se confie plus tellement à moi. Et puis, ce baiser lors du prime ... je n'arrive pas tellement à m'y faire. J'aime beaucoup Israël, mais l'idée qu'il puisse être attiré par mon frère m'est dérangeante. » Peut être passerait-elle encore pour ce qu'elle n'était pas, pour ce qu'elle n'avait jamais été. Elle n'était absolument pas contre l'idée que deux personnes du même sexe soient attirées l'une par l'autre, simplement, elle avait vraiment du mal avec celle que son frère puisse plaire à un homme. C'était comme ça. Entre temps, le jeune homme avait pris place à ses cotés, sur le sol, et Mado ne put que sourire légèrement lorsqu'il se dit disposé à accepter certains biens. Ben voyons. Pour autant, il ne se disait pas fait pour être père, et alla même jusqu'à lui parler de Mason. « Je n'en voulais pas de ce gosse, tu sais » confia-t-elle doucement, laissant échapper un fin soupire. C'était une chose qu'elle se disait souvent, que sa vie aurait été différente sans Aaron, qu'elle aurait probablement été plus épanouissante. Pour lui, elle avait renoncé à ses plus grandes aspirations, aux hommes ... Elle passait peut être pour un monstre, mais elle était honnête. « Mason est complètement déstabilisé, au point de vouloir un référent qu'il a déjà, même si ça n'est pas un père mais un frère. Je pense qu'il n'est pas du tout à sa place au sein d'un programme comme celui-ci. C'en est presque malsain, tellement il est fragile, et tellement ce genre de choses peuvent nuire ... » D'un point de vue psychologique s'entend. On lisait beaucoup de choses sur les dépressions des candidats issus de ces émissions, et il n'y avait qu'à voir la pression qu'on leur foutait. Mason, clairement, n'aurait jamais du être casté. Son frère, lui, n'avait peut être pas opté pour la meilleure façon de lui avouer la vérité. Mais son avis n'engageait qu'elle. Sentent le pouce du jeune homme sur le dos de sa main, Mado afficha un sourire élargi, apaisé. Se tournant de trois quarts, elle lâcha alors sa main et préféra lier leurs autres menottes - histoire d'éviter d'y laisser un bras chacun, c'était plus confortable ainsi - puis prit la liberté de déposer sa tête au niveau du cœur de son camarade. Blottie contre lui, ses doigts entremêlés aux siens, elle lâcha un doux soupire. « J'ose en tout cas espérer que personne ne t'a embêté au sujet de tu-sais-quoi » souffla-t-elle, préférant penser que ce que Connor avait révélé n'avait donné à personne l'envie de s'en moquer. Parce que clairement, ça ne lui plairait pas. Pas du tout. « Sinon, tu me le dis, et ça va chier. Personne n'a le droit de s'en prendre à quelqu'un d'aussi bienveillant. Tu es incroyablement sécurisant, comme garçon. » Et c'était vrai. Elle savait qu'elle n'avait absolument rien à craindre de lui. Déjà parce qu'elle savait qu'il n'avait pas la même mentalité que la plupart des jeunes hommes de son âge, mais aussi parce que son aura était très rassurante. Oui, Mado sentait parfois certaines choses. C'était peut être comme un sixième sens, allez savoir.

La contrariété, mais plus encore la frustration, avaient bien souvent tendance à faire réagir Mado d'une façon très impulsive, pas toujours bienvenue, dans le sens où cela pouvait parfois avoir un coté un peu injuste. Après tout, elle n'avait qu'à pas grimper sur ce fichu dossier de fauteuil, ce qui lui avait donné, de base, un équilibre bien incertain. Du coup, bien sûr qu'elle n'avait pu que chuter lorsque la porte s'était ouverte. Mais pouvait-elle véritablement en vouloir à qui que ce soit de pénétrer dans la bibliothèque à une heure où n'importe qui était susceptible d'en avoir envie, hm ? Ce lieu, il ne lui était de toute manière absolument pas réservé, et elle y passait de toute façon bien trop peu de temps pour oser gueuler sur la première personne qui trouverait le moyen d'y entrer lorsqu'elle s'y trouvait déjà. Pour le coup, la situation avait joué contre elle, puisqu'elle s'était véritablement mise en tête d'éradiquer cette bestiole qui la narguait depuis déjà quelques minutes, et donc que cette intrusion avait quelques peu mis ses plans en péril. Et puis, bien sûr, son coté casse-cou lui avait également joué un mauvais tour, car les risques qu'elle avait pris en se perchant sur ce dossier de fauteuil lui avait finalement valu de se casser la figure. Finalement, elle n'avait fait que faire preuve d'une improbable mauvaise foi, n'étant même pas disposée à admettre qu'elle avait de base surestimé son équilibre et qu'il ne fut décidément pas malin de se mettre en tête d'avoir cette araignée que, de toute évidence, elle n'aurait pas pu choper aujourd'hui. Le pire, c'était évidemment de réaliser qu'elle avait gueulé sur Peyton, qui était bien l'une des personnes sur lesquelles elle ne voulait absolument pas haussé le ton ici. Si leur rencontre n'avait pas été franchement plaisante - la faute, également, à son impulsivité - ils étaient maintenant amis, relativement proches, ou suffisamment en tout cas pour que la jeune femme se reproche amèrement d'avoir réagi d'une telle manière. Heureusement, il ne semblait pas lui en vouloir, ni lui tenir rigueur de la façon dont elle s'était emportée, et cela avait honnêtement tendance à la rassurer. C'aurait tout de même été dommage de se froisser à cause d'une bêtise pareille, hein. Donc oui, elle était soulagée qu'il ne s'arrête pas à cela, et même, qu'il soit prêt à l'aider. Quoi qu'il en soit, lorsque son camarade laissa entendre, après la malheureuse remarque de Mado, que des hommes pourraient vouloir payer pour ... l'avoir dans leur lit, disons, il est vrai qu'elle ne put que s'en amuser légèrement. C'était assez particulier de l'entendre dire une chose pareille, d'autant plus qu'elle savait que ça n'était absolument pas réaliste comme propos. Parce qu'elle, évidemment, elle se voyait plus comme une fille frigide qu'autre chose. C'était l'image qu'elle renvoyait, oui, absolument. Celle d'une jeune femme un peu coincée, très froide, et bien moins à l'aise avec tout ce qui touchait à la séduction qu'avec certaines autres choses, par exemple. C'était comme ça, ça n'était pas un domaine dans lequel elle était déjà parvenue à s'émanciper. C'était d'ailleurs pour cette raison qu'elle se sentait proche de Peyton et de sa philosophie de vie. C'était sensiblement différent, bien sûr, mais elle pouvait le comprendre, dans un sens. « Je ne sais pas. Je ne sais pas si les gens ont compris que je pouvais ne pas être aussi sûre de moi à tous les niveaux. Je n'ai pas autant confiance en moi que je me plais à le faire croire, et parfois même à le croire moi-même. Je sais que je passe pour quelqu'un de très froid, mais je peux m'ouvrir à ceux que j'apprends à connaitre. » Elle n'attendait évidemment pas des autres qu'ils comprennent ce qu'elle pouvait cacher derrière son vif caractère, mais il est vrai qu'elle pourrait regretter qu'on ne cherche absolument pas à voir plus loin que ce qu'elle voulait bien montrer. Peyton, lui, était peut être l'un des seuls à porter sur elle un regard plus curieux, comme s'il partait du principe qu'elle ne montrait pas tout, ce qui était certain. Il disait alors qu'elle n'était pas frigide, et un fin sourire se dessina sur les lèvres de la grande brune. Au fond, il ne pouvait pas en être certain, mais cela lui faisait plaisir de voir qu'il ne se fiait véritablement pas aux apparences. « Tu vois plus loin que le paraitre. » En cela, elle se sentait d'autant plus proche de lui. Clairement, il était une belle rencontre. Une rencontre authentique et basée sur autre chose que le superficiel. Ils en virent ensuite à parler d'Ezra, du fait qu'elle puisse possiblement lui en vouloir, ce qui en soi n'était pas tellement véridique, étant donné qu'elle était apte à admettre que le problème, au fond, venait principalement d'elle. Car c'était elle, oui, qui avait un problème avec les hommes dans leur globalité, et donc avec le fait qu'un homme - bien qu'il s'agisse d'Israël - semble attiré par son cadet. C'était problèmatique à ses yeux, mais c'était surtout compliqué. « Nous sommes respectivement notre seule famille. Nous vivons ensemble depuis plusieurs années, et Ezra m'aide beaucoup dans l'éducation de mon fils. En cela, oui, nous sommes extrêmement fusionnels. Par exemple, l'un n'aurait pas pu participer à Fake Lover sans l'autre, c'était pour nous une évidence de tenter notre chance ensemble. » Ils étaient comme qui dirait assez incapables de vivre l'un sans l'autre, et ça n'était pas nécessairement une bonne chose, puisque cela les empêchait plus ou moins de s'émanciper chacun de leur coté. « Ezra, c'est un peu l'homme de ma vie. C'est pour ça que j'ai tendance à le vouloir pour moi toute seule, même si j'ai conscience que ça de moi quelqu'un de particulièrement égoïste. » Parce que beaucoup d'autres personnes méritaient de profiter de l'amour qu'était son frère, elle en avait évidemment conscience. Simplement, elle était encore assez incapable de le "prêter". Elle avait tellement peur qu'il lui échappe, qu'il l'abandonne avec Aaron, qu'elle en tremblait d'avance. « Merci Peyton. » Elle le remerciait d'être disposé à l'écouter, à être présent pour elle. C'était important pour elle, évidemment. Elle n'avait jamais tellement pu se confier à qui que ce soit, ce qui l'avait poussé à intérioriser bon nombre de choses et ce qui l'avait amené à se laisser ronger par certaines d'entre elles. Alors oui, elle n'oublierait pas que quelque part dans ce chalet se trouvait quelqu'un d'adorable et pouvant être à son écoute. C'était assurément ce dont elle avait besoin, d'ailleurs. Parler de son fils était encore plus délicat, par contre. Elle craignait chaque fois de passer pour une mère monstrueuse, ce qu'elle avait tendance à être dans son esprit. Il fallait comprendre que tout n'était pas aussi simple que l'on pouvait le croire. A la question de son camarade, elle poussa un fin soupire. Que lui répondre ? Que lui dire pour qu'il ne la juge pas ? C'était une question compliquée. Et elle craignait d'être pointée du doigt si elle n'y répondait pas avec autant de spontanéité que toute mère devrait être capable de le faire. Pour elle, c'était sensiblement délicat, c'est tout. « Je ne sais pas tellement quoi te dire pour que tu ne me prennes pas pour un monstre ... J'agis avec Aaron comme j'agirais avec l'enfant d'une autre, parce que je n'ai pas su créer de véritable lien entre lui et moi. Je conçois que ça puisse être difficile à envisager, mais je ne me sens toujours pas pleinement mère. L'élever, je me sens capable de le faire. Mais il ne reçoit de l'affection que de la part de son oncle, parce que je me sens bien incapable de lui en communiquer, pour ma part. » Qu'on la hue, qu'on lui jette la pierre, elle préférait être honnête et ne surtout pas prétendre avoir la plus grande facilité du monde à témoigner de l'amour à Aaron, parce que clairement, ça n'était pas le cas. Elle essayait d'apprendre à devenir une mère plus aimante, mais toujours avec beaucoup de peine. Et croyez bien qu'elle était celle qui se détestait le plus de ne pas encore y être parvenue. Concernant Mason, ils semblaient d'accord pour dire qu'avoir un frère sur qui compter, c'était toujours mieux que de n'avoir personne. Si Mason boudait le fait de n'avoir pas le père qu'il s'était imaginé, c'était bien dommage, parce qu'il était évident que Myles tenait à lui et qu'il ferait tout son possible pour le protéger encore longtemps. « Oui, je suppose que ça lui passera et qu'il finira par réaliser que les choix de son frère étaient en soi dans son intérêt. C'est quelqu'un de borné, mais je suis sûre que s'il s'en donnait la peine, il pourrait assimiler énormément de choses. » Mais bon, elle avait essayé de ne plus trop s'en mêler, des fois que l'on dise qu'elle se donnait un rôle qui n'était pas le sien, alors qu'elle voulait simplement que Mason gagne en autonomie. Elle était certaine qu'il en était capable, à condition de s'en donner les moyens. « Ce matin, Myles m'a confié que l'idée de venir ici était celle de Mason. Il a donc bien agi en ne le laissant pas s'empêtrer là dedans tout seul. » Et en cela, il avait son respect. Il veillait donc sur lui à chaque instant, ce qui pouvait n'être pas le cas au sein de toutes les fratries. Et puis, Myles avait de la patience, et c'était assez honorable ça aussi. Maintenant blottie contre Peyton - une position qui ne semblait pas le gêner, tant mieux - Mado s'inquiétait du fait que des candidats aient pu se moquer du jeune homme, suivant leur discussion de la dernière fois. Si tel était le cas, et bien, ça ne serait pas sans châtiment. Mais il lui confia n'avoir eu droit à aucune moquerie, ce qui la rassura. Elle lâcha même un petit rire sur la fin. « Bon, tant mieux. Oui, si ça se trouve, personne n'a écouté. » Ce qui aurait alors un coté plaisant, vu de quelle manière Connor avait balancé des informations personnelles sur Peyton. C'était franchement malvenu, alors oui, si personne n'avait pu écouter sa prise de parole, ce serait franchement une bonne chose. Mais voilà qu'après avoir confié à Peyton qu'elle le trouvait grandement rassurant, une certaine musique retentit à travers la pièce. LA musique qu'ils allaient tous finir par connaitre par cœur, bon sang. Donc hm, cela signifiait qu'un baiser devrait avoir lieu, ce qui ne la dérangerait pas particulièrement, même pas du tout, vu que ça n'était pas comme embrasser Mickey ou Cameron, hein. Là, c'était Peyton, un garçon charmant et dont elle savait au moins que les lèvres n'avaient pas trainé n'importe où. Et bien oui, ça comptait mine de rien. Alors elle se laissait faire lorsqu'il déposa ses lèvres sur les siennes. L'échange fut court et délicat, mais plaisant, à n'en point douter. Il va de soi qu'aucune galoche ne serait ici de mise, étant donné ce qu'elle savait de lui. Il semblait maintenant gêné et s'inquiéta même du fait qu'elle puisse lui en vouloir. Pourquoi cela ? Pourquoi lui en voudrait-elle ? « Pour le baiser, tu veux dire ? Si tu parles de ça, évidemment pas. Il serait idiot de perdre des sous pour ça, et puis, c'était agréable non ? » L'échange avait beau avoir été bref, il lui avait plu à elle. Parce que c'était le genre d'échanges délicats qui appelaient à son coté fleur-bleu bien caché et que personne ne devait en soi soupçonner. « Oh bon sang » s'exclama-t-elle brusquement, se redressant soudainement, maintenant assise, les yeux rivés vers le plafond. « La garce. » Sa copine était là haut, plus provocatrice que jamais, suspendue à son fil et probablement bien contente que Mado ait maintenant sacrément mal à la jambe, trop en tout cas pour s'amuser à la poursuivre à nouveau. « Je te parie que la prochaine personne à entrer innocemment dans la bibliothèque aura le bonheur de recevoir une araignée sur la tête. » Oh oui, elle la savait désormais suffisamment fourbe pour jouer à ce petit jeu. Du coup, Mado aurait presque tendance à culpabiliser à l'avance d'avoir manqué sa cible.