~ Terry

Non, je ne suis pas stressé, je suis espagnol, je ne suis pas du tout angoissé, surtout pour un tout petit entretien de rien du tout. Bon, si d'accord, je flippe un peu mais c'est normal il me semble. J'ai chaud, je crève de chaud. Non mais en même temps quelle idée stupide j'ai eu en mettant une chemise noire, ça tient chaud le noir. Il va falloir que j'aille me rafraîchir et vite fait, mettre du déo, me passer de l'eau sur le visage, mâcher un petit chewing-gum. Je sais pas pourquoi mais j'ai l'impression de sentir mauvais de partout, mais genre, vraiment partout. Ils sont où les toilettes dans ce bâtiment ? Les Irlandais pissent pas ou quoi ? Non mais je sais pas, ils sont un peu bizarres ces gens, ils sont roux. Enfin, tous les roux sont pas nécessairement Irlandais, n'est-ce pas ? Mais pourquoi je pense à ça ? Ah oui, je suis stressé. C'est rare que ça m'arrive, pas que je sois le genre de mec à être super sûr de lui ou quoi, mais en général je prends la vie comme elle vient et un pauvre petit entretien c'est rien du tout, c'est un petit moment où je vais parler de ma personne et puis voilà, ça sera bouclé en trois quatre d'heure, enfin j'espère. Non mais il faut que je me détente, ça va bien se passer. J’atteins enfin les toilettes. Merci mon dieu. Je lève les yeux au ciel et soupir de soulagement avant de pousser la porte. Il y a déjà un gars quand j'entre. « Hola amigo. Toi aussi t'es stressé avant ton petit passage devant les casteurs ? » Si ça se trouve il est déjà passé et il avait juste une envie pressante, j'en sais rien. En fait, pour être tout à fait honnête, je m'en tape. Si j'étais tombé sur une fille j'aurais fais mine de plus m'intéresser à sa réponse mais à la place je me dirige vers un lavabo et me regarde dans un des petits miroirs.

Un seul chiotte, mais il se foute pas un peu de notre gueule non. Déjà que le confort était limite dans ces foutus coulisses alors là, c'était le pompon. Dans ces conditions, j'essayais de me retenir, mais bientôt ma vessie fut tellement pleine que je fus dans l'obligation d'aller me la vider. J'investissais les lieux faisaient ce que j'avais à faire puis sortais. Alors que je me lavais, les mains un jeune homme entrais et m'interpellais. Sa manière de s'adresser à moi me fit sourire, il ne semblait pas avoir compris mon double jeu, compris que j'étais une femme. Amusé je m'exclamais :

Je ne savais pas qu'en espagnole, amigo s'utilisait aussi pour les membres de la gente féminine

Mon rire rauque et puissant, fruit de ma voix chaude, héritage de mère nature prenait alors l'espace. D'une oreille j'écoutais la fin de sa phrase, une simple question de stress avant les castings. Un nouveau sourire, plus charmeur celui-là et je balançais :

Mon entretien étant déjà terminé depuis bien longtemps, je ne suis plus stressée.

À voir sa tête et son comportement, je devinais qu'à l'inverse de moi, il n'avait pas encore effectué cette étape. Une étape des plus cruciales, le dernier pallié avant, le jeu, avant la gloire. Je m'étais promis de me faire discrète, de ne me soucier de personne, mais là, la situation était particulière. Ce jeune homme, à l'accent espagnole prononcé, me semblait très intéressant. J'étais ainsi curieuse de mieux le connaître. Qui sait ? J'avais peut-être en face de moi, mon futur partenaire.

Je suis pas du genre impressionnable, je crois que pour mon jeune âge j'ai déjà vu pas mal de choses de la vie quand même, donc franchement, il en faut beaucoup pour me choquer ou m'étonner. Et là, c'est totalement le cas. Le gars sur qui je viens de tomber, c'est pas un gars en fait, c'est une meuf. « Nan, c'est pas possible ! T'es une... Ah merde, désolé... » Là pour le coup j'en reste sans voix, sur le cul presque, mais étant donné que c'est une femme, je peux pas me permettre de tomber à la renverse ou de rester trop longtemps les yeux grands ouverts comme si j'avais vu le messie, ou Messi. Remarque, j'ai déjà rencontré le deuxième en vrai et à la rigueur ça ne m'a pas autant impressionné que de voir une nana à l'allure d'un mec. Non mais sérieux, avec sa dégaine, sa coiffure, ses fringues, on voit pas ses seins, et puis je suis désolé, les femmes plates ont tout de même d'autres atouts de la gente féminine. Alors que lui...elle pardon, on dirait vraiment un mec. Le problème maintenant c'est que comme j'ai l'impression que c'est un gars, j'ai envie de lui parler comme à un gars, et puis en plus, c'est pas mon type de femme...donc j'ai pas l'intention de faire mon dragueur du dimanche avec...elle. Elle m'avoue donc ne plus êtres stressée. « Et c'était comment ? » Cette question est un peu conne vue que ça se passe différemment pour tout le monde mais bon, peut-être que ce qu'elle va me dire me rassurera. « Au fait, je m'appelle Esteban. » ...Zia, Tao, Les Cités d'Or, tout ça. Hm, ouais, ma mère devait avoir fait une overdose de ce dessin animé quand elle était enceinte, ou alors elle me voulait déjà du mal avant ma naissance.

Ah la vue de la tête que tirait le jeune homme en face de moi, cela accentué par l'exclamation qui suivit me fit sourire. Il ne croyait pas que j'étais une femme, comme quoi, mon tour de passe-passe fonctionnait plutôt bien. Un bref clin d'œil et je e lançais :

Eh oui, je suis bien une nana. Enfin, plutôt une androgyne, mais pas sûr que ce terme fasse partie de ton vocabulaire.

Quelle vilaine fille j'étais à faire remarquer son faible potentiel intellectuel à mon camarade de toilettes. Ce n'était pas ma faute, je ne supportais pas l'image que la majorité des hommes avait de la femme. On devait forcément avoir de la poitrine, de longs cheveux et être attirante. Ce qui était tous sauf le cas. Il y avait bien sur terre des hommes se métamorphosant en femme, pourquoi l'inverse ne pouvait-il pas avoir lieu. Alors que je me perdais dans mes pensées féministes, le jeune homme se présenta. Il se nommait Esteban, cela me faisait certes penser aux cités d'or, mais pas seulement. En regardant le personnage qui se tenait en face de moi, j'avais plus en tête un beau gosse sur bronzé sur une plage à Barcelone, que le charmant petit garçon de la série télé. Ne voulant pas paraître impoli, je décidais de me présenter aussi :

Teresa, mais cela fait bien longtemps maintenant qu'on m'appelle Terry. Ce nom est plus adapté avec ce que je suis, avec mon… personnage.

Oui, j'avais choisis ce pseudo pour casser la féminité de mon prénom et faire augmenter l'ambiguïté lié à mon personnage. Mais, aussi pour des questions plus personnelles que je ne voulais pas évoquer aujourd'hui. Simplement changer de nom, c'était comme changer de peau, faible table rase du passé pour ne se concentrer plus que sur l'avenir.

Ouais, bon, j'ai pas remarqué que c'était une fille, en même temps ça se voit pas comme le nez au milieu de la figure donc je pouvais pas deviner, c'est pas la peine de me faire passer pour un con en pensant que je connaissais pas le mot « androgyne ». Comme si c'était un mot savant. C'est vrai qu'on l'utilise pas tous les jours mais je suis pas inculte non plus, j'ai un minimum de vocabulaire. « Tu pourrais être hermaphrodite aussi. » J'hausse les épaules d'un air désintéressé. Bah ouais, si ça se trouve elle était comme les escargots. C'est bien les escargots qui sont hermaphrodites, hm ? Remarque, de toute façon, je m'en fiche un peu, c'est pas comme si ça allait changer ma vie. Elle ne répond même pas à ma question concernant son passage devant le jury. Je me présente donc et puis c'est à son tour. Teresa donc, plutôt Terry puisqu'elle semble vouloir jouer sur l’ambiguïté de son apparence. « T'es pas bonne soeur au moins ? » Blague nulle, bonjour. Non mais de toute façon je la vois mal être la nouvelle sœur Teresa, surtout en participant à une émission comme Fake Lover. Quoi que, tout est possible après tout... « Avec le physique que t'as tu dois avoir du mal à te faire des mecs. Tu serais pas lesbienne des fois ? » C'est super direct et indiscret comme question, je sais. Mias bon, je me pose juste la question parce que je me dis que les mecs doivent pas lui courir après quoi, les filles non plus remarque...Enfin, je dis pas qu'elle est moche, mais c'est pas mon genre de filles en fait.

C'est qu'il n'était pas si con qu'il en avait l'air le petit. Enfin, petit façon de parler puisque le jeune homme devait bien faire dans le mètre 80, mètre 90 et faisait j'en suis sur craquer beaucoup de femmes. Dommage pour lui, il n'était pas mon genre et au vu de ses manières, cela semblait, bénit sois dieu, être réciproque. Mais revenons à nos moutons, le petit avait eu un éclair de génie quand il me sortait que je pourrais tout aussi bien être hermaphrodite, clin d'œil, regard malicieux et je lançais :

Je pourrais oui. Je lui suis peut-être aussi ou peut-être pas. Qui sait c'est peut-être la raison qui m'a poussée ici, mais ne compte pas sur moi pour te révéler cela ?

Je me présentais d'une manière des plus cordiales, attendant sa réponse, sa pique à venir et jouant sur l'ambiguïté de mon prénom. J'avais à peu près imaginé toutes les réactions possibles sauf celle qui vint, le jeune me demandant si j'étais bonne sœur. Je ne pus retenir un bref rire nerveux et répondais :

Ah non, pas du tout. Je suis même profondément anti cléricale.

Je croyais en une puissance supérieur, au-dessus de nous, mais ne cautionnait pas tous les simulacres faits par l'église. Je les trouvais exagéré et profondément mauvais, la plus par d'entre eux étant fait pour des raisons par vraiment charitables. Mais passons, le jeune homme reprenant de plus belles avec ses stupides réflexions. Celons-lui, avec le physique que j'avais, je devais avoir du mal à me faire des mecs. Il me demandait donc, suivant sa logique si j'étais lesbienne, nouveau clin d'œil et réponse acerbe :

Ni lesbienne, ni hétéro, je suis bisexuelle. Mais, je te rassure, je n'ai pas besoin de toi pour satisfaire mes besoins sexuelles. Tu peux pas imaginer le nombre de mecs qui adorent baiser une femme leur ressemblant et inversement pour les nanas, excités par le fait de couché avec une femme ressemblant à leurs ex, ou à un mec rencontré dans la rue. J'en ai convertis certains à de nouvelles expériences….

Je n'en disais pas plus, ne voulant pas m'étendre sur ce sujet qui ne regardait, pour tout dire, que moi. Je préférais donc me concentrer sur le jeune guettant ses émotions, ses sentiments par rapport à mes dires. Cela promettait, quoiqu'il arrive, d'être fort intéressant.

Spoiler:

C'est vrai qu'à première vu j'ai l'air d'un beau gosse sans cervelle et puis c'est tout, mais non, je suis beau et pas trop bête, j'ai de l'argent en plus, et puis je fais des études, donc comme dans le cas de la jeune femme, il ne faut pas se fier aux apparences. Enfin, j'imagine qu'on me cerne relativement rapidement une fois qu'on a échangé quelques mots avec moi, je ne suis pas extraordinaire, je suis espagnol, certes, et j'en suis fier, mais ça s'arrête là. Enfin, quoi qu'il en soit, il se peut qu'elle soit hermaphrodite la donzelle, mais ce n'est pas sa réponse qui va m'en apprendre plus de ce côté-là. Elle a raison de ne pas en dire plus de toute façon, je m'imagine déjà que c'est le secret qu'elle est venu défendre pour l'aventure donc autant qu'elle reste mystérieuse à ce sujet. De toute façon, pour être honnête, je m'en tape un peu, c'était juste une idée qui m'était venue comme ça. Elle se présenta comme étant Terry, Teresa en fait, et comme je suis un petit con j'ai tout de suite fait le rapprochement avec mère Teresa, la bonne soeur là. C'était surtout pour faire un peu d'humour même si je suis pas un type franchement drôle. Sa réponse me fis réfléchir un instant parce que je ne savais pas ce que ça voulait dire « cléricale » donc je ne dis rien de plus, je ne voulais pas passer pour plus bête qu'elle ne me pensait déjà. J'en rajoutais tout de même une couche en lui faisant remarquer que ça devait être compliqué de chauffer des mecs, donc elle était peut-être lesbienne. Mais non, elle était bisexuelle. Et là elle commence à dire qu'elle a pas besoin de moi pour satisfaire ses besoins, elle continue même en me précisant que ça excite certains mecs de coucher avec une fille qui leur ressemble ou des nanas de coucher avec une fille qui ressemble à un mec. « Ouais, ouais, non mais t'es pas mon type de... voilà quoi. Et puis t'es gentille mais j'ai pas besoin des détails. Si ça branche certaines personnes ce genre de délire tant mieux pour eux, et pour toi aussi du coup. » Je fais une espèce de grimace en haussant un peu les épaules. Je suis pas homophobe ni rien mais voilà, je sais pas, ça me fait bizarre de l'imaginer avec des mecs et de nanas. J'aurais dû fermer ma gueule pour une fois parce que là je sais pas, je me sens con et j'ai envie de me barrer à toute jambe. Elle me fait un peu peur en fait. Je sais pas, c'est quand même un peu une menace cette fille si elle peut se taper des mecs et des meufs. Je ne dis rien de plus, j'ai presque peur de dire une connerie, ce qui ne m'arrive habituellement jamais.