Elle était là, comme prisonnière. A tout moment elle aurait pu m’échapper, s’en aller. Même m’en foutre une. Elle ne le fit pas. Pour tout dire, je ne pensais pas qu’en si peu de temps, je puisse me retrouver aussi proche de cette jeune femme. Et pourtant, je me sous estime rarement. Mais ceci ne dura pas une minute. Je n’allais pas non plus me jeter sur elle ; j’aurais eu l’impression de la violer. Même si en y réfléchissant, elle ne m’a pas repoussé jusque là. Au contraire, en aucun cas ses réactions me suggéraient de me retirer. Au fond, sur un mal entendu, on aurait peut-être pu conclure. Peu importe. Trop tard. J’étais désormais à quelques pas d’elle, toujours guettant les environs. Elle ne dit rien. Moi non plus. Quand, tout un coup, des bras prennent mon cou en otage, s’y enroule. Elle est là, face à moi, contre moi. Son visage se repose sur le mien, ses lèvres se rapprochent dangereusement des miennes. Je ne dis rien. Pas un mot. Surpris et désarmé, je me contente d’apprécier l’intimité que nous procure ce rapprochement, souriant naïvement. Je sens son souffle délicat effleuré ma peau. Mes yeux sont éperdument plongés dans les siens, s’y perdent. Nos lèvres sont si proches… Pourtant, aussitôt, elle se dérobe ; de mes lèvres, de mon visage, de mon cou, de mon corps. Putain, elle me chauffe, puis se casse comme ça ? Concrètement, elle est pire que moi –techniquement, c’est une fille, dans tous les cas elle partait avec un avantage. « Je c-crois bien que j’vais y aller. » lance-t-elle en faisant quelques pas en arrière. Elle n’avait pas l’air de plaisanter, ni de s’être foutu de ma gueule. Tant mieux. Je suis le seul à être autorisé à jouer de mon charme à l’encontre de quelqu’un d’autre. Pourtant, je ne comprends pas. Pourquoi ? Pourquoi est-ce qu’elle s’en va ? J’ai rien fait ! « Sarah ! » lançai-je, à haute voix en avançant vers elle. Tifenn. Oui. Je sais parfaitement comment elle s’appelle. C’est sans doute un des seuls prénoms que j’ai retenu depuis mon arrivé. Je lui adresse un sourire complice qui le lui démontre parfaitement. J’arrive à sa hauteur. Je lui attrape le bras. L’arrête aussitôt, avec douceur, bien évidement. Je l’attire vers moi, dévie vers le mur pour la y plaquer, délicatement. Je presse mon buste contre le sien, approche vivement mon visage, presse mes lèvres contre les siennes tout en remontant ma main dans son cou. Un baiser simple mais efficace. L'envie titillait depuis quelques instants. J'ai agis instinctivement. Je me détache d’elle aussitôt, recule de deux pas. Mon approche a du être pour le moins offusquante pour la jeune femme. Personnellement, j’étais très satisfait de ma prestation, ça me donnait un air romantique. Soit. J'observe attentivement la jeune femme, un léger sourire sur les lèvres, qui me donnait un air, un brin prétentieux. « Maintenant, tu peux t’en aller... » dis-je, calmement, tout en fixant mon regard dans le sien. Si bien sur, elle en a toujours envie. Ce n’est pas mon cas. Mais bon, ce choix ne m’appartient pas.

Jamais je ne me serais cru capable de faire une telle chose. Moi, la petite gamine trop fébrile qui n’a d’intérêt pour personne, devient en quelques minutes à peine une redoutable séductrice qui n’hésite plus à arrêter les garçons dans le but de se rapprocher d’eux et d’obtenir leurs faveurs. Enfin là, j’ai surtout l’air d’une allumeuse à tout stopper comme ça et à partir sans aucune explication. Je me sens complètement stupide. J’ai envie de quitter cet endroit et de ne plus jamais remettre les pieds ici. Je n’ai même plus envie de croiser Joanès jusqu’à la fin de mes jours. J’espère ne pas me retrouver avec lui dans cette aventure. Je me sens tellement honteuse que j’en ai mal au ventre. Mes pieds ont à peine le temps de faire quelques mètres que la voix du jeune homme s’élève dans les airs. « Sarah ! » Je n’ai pas envie de ralentir. Je n’ai pas envie de discuter avec lui. Je crois bien que je n’ai même plus envie de passer du temps avec lui. Pourquoi ce prénom ? J’imagine qu’il devait avoir une ex qui s’appelait comme ça et que je lui rappelle cette nana. Je suis presque sûre que c’est un truc dans le genre et ça ne me rassure pas vraiment. Mon cœur cogne contre ma poitrine au moment où je décide de me tourner brièvement pour l’observer, peut-être bien pour la toute dernière fois. Je n’ai pas vraiment le temps de bouger que déjà il s’approche de moi. Ses doigts viennent emprisonner mon bras et arrêtent ma course avec douceur. Sans que je ne demande rien à personne voilà que je me retrouve bien vite, et encore une fois, appuyé contre le mur au crépis défraîchit. Il s’approche dangereusement de moi, vient coller son buste au mien et laisses ses lèvres se plaquer contre les miennes. L’une de ses mains vient s’aventurer dans mon cou. Un léger frisson s’empare de moi. Mes bras viennent entourer sa taille d’un geste plutôt doux. S’il ne sent pas mon cœur cogner contre ma poitrine à cet instant bien précis alors c’est qu’il y a un problème parce que j’ai le sentiment que ce petit chenapan va quitter mon corps à n’importe quel moment. Cela ne dure pas plus de deux secondes et dès qu’il se détache de moi, mes bras retrouvent leur place le long de mon corps. Je ne sais pas quoi dire et encore moins ce que je dois faire. Je pose sur un lui un regard plein d’interrogation alors qu’il me lance un sourire bien prétentieux et sûr de lui. « Maintenant, tu peux t’en aller... » Son regard dans le mien, je reste là sans bouger à le regarder. Au bout d’un instant, qui me parait durer une éternité, je laisse ma tête remuer de gauche à droite. « Tifenn. »[i] Je marque une pause avant de reprendre : [i] « Je m’appelle Tifenn. » que je dis presque à voix basse comme si j’avais peur que quelqu’un puisse nous entendre. Il m’a proposé de partir, comme je voulais le faire au début, mais je n’en ai plus envie. J’ai juste envie d’apprendre à le connaître un petit peu plus. Je ne sais pas vraiment pourquoi mais l'un de mes mains fait un tout petit signe pour qu'il reste où il est. Je ne veux pas qu'il s'éloigne plus de moi. « Pourquoi tu veux participer à Fake Lover ? » J’ai un petit peu peur de sa réponse, mais je crois que c’est la première chose à savoir vu qu’on se trouve ici tous les deux avec, peut-être, le même objectif.