Betty-Jayne

Afin d’échapper à l’agitation perpétuelle du Nid d’Amour, Leone s’était isolé dans la Cache des Leprechauns. Il avait soigneusement inspecté la pièce dans ses moindres recoins de son regard curieux, impressionné par un tel décor. Finalement assis contre un mur, il gribouillait sur une feuille de papier les éventuelles pistes qui pourraient le conduire aux secrets de Betty-Jayne et d’Alcéo. Il pensait avoir trouvé la signification de chacun des trois tableaux individuellement mais ne savait pas encore comment relier ces informations entre elles. Le jeune New Yorkais faisait de son mieux pour s’investir dans la course au buzz, plus pour le jeu que l’argent. Il devait aussi reconnaître que les secrets des deux candidats spéciaux l’intéressaient. Que pouvaient-ils bien dissimuler ?

A la vue de Betty-Jayne, Leone s’empressa de plier sa feuille pour la ranger dans la poche arrière de son jean. Il préférait la tenir éloignée de ses pistes ; en effet, il ne voulait lui donner l’occasion de le perturber davantage dans ses recherches. Il l’accueillit d’un petit sourire puis tourna son regard azur vers le troisième tableau avant de le poser sur les feuilles d’or qui décoraient la Cache des célèbres lutins Irlandais.

« Nous sommes tous des prostitués. Je suis un prostitué mais je ne connais pas encore mon prix. Tu connais le tien ? »

L’argent avait corrompu chaque génération de toutes classes sociales. L’état payait des gens pour fabriquer des armes, d’autres pour tuer. La prostitution scandalisait les sociétés occidentales uniquement parce qu’elle était associée à la drogue et à la violence subie par les femmes.

« Le désespoir réduit l’estime de soi. Peut-être que si ma situation économique et morale dégringolait je baisserai sûrement mes prix aussi. » Répondit-il simplement, il avait néanmoins du mal à s’imaginer devoir offrir son corps pour survivre. Avec plus de légèreté, il demanda en lui adressant un sourire complice :
« Tu donnerais combien pour coucher avec moi ? »

Certes il n’y avait pas vraiment de rapport entre le sujet de leur conversation et la nature du secret des deux maîtres de maison, ou alors ils cachaient bien leur jeu. Le seul lien qui pouvait être tissé partait de l’origine des tableaux.

« Dans la Rome Antique les prostituées étaient respectées. »

Leone ne lui en dirait pas davantage concernant son avancée dans la recherche de leur(s) secret(s).

Leone pensait au moins mériter le million, visiblement pas aux yeux de Betty-Jayne. Il répondit à son clin d’œil par un sourire enjoué. Ils le savaient tous les deux, leur relation tournée vers l’amitié n’avait jamais connu la moindre ambigüité.

« J’ai dit que j’étais un prostitué, comme chaque être humain. Je n’ai pas dit que c’était lié à ton secret. Te sentirais-tu visée ? » Répliqua-t-il amusé. Il regarda une nouvelle fois les tableaux, précieux indices, et ajouta :
« Je ne te dirai pas ce que je vois sur ces trois tableaux… »

La jolie demoiselle posa délicatement sa petite tête blonde sur son épaule. A vrai dire, Leone ne pensait pas être en mesure de découvrir ce secret. Il ne partait pas défaitiste, jamais, mais il n’avait absolument pas suivi la première saison et ne connaissait que très peu Alcéo et Betty-Jayne. Certes les tableaux lui parlaient plus ou moins mais il était encore incapable de les relier entre eux.

« Tu peux toujours me murmurer l’intitulé de ton secret à l’oreille. Je me ferai un plaisir de te soulager de ce poids. » Répondit-il taquin.

Il prit la main de sa colocataire et dessina à l’aide de son stylo noir ce qui ressemblait à une tête de lion à la gueule ouverte, sûrement en train de rugir dans l’imagination du jeune Américain. Y figuraient la crinière, les oreilles et les yeux particuliers des félins, sans oublier les dents dont les 4 majestueuses canines prouvaient sans le moindre doute qu’il était l’un des plus grands carnassiers.