Le monde m'apparaissait en noir et blanc. Le regard rivé sur la tapisserie, j'observais ces jeunes visages privés d'innocence. La maturité envahissait leur trait, trop tôt, trop rapidement. La vie se refermaient sur eux, en une suite d'événements fâcheux qui les avaient conduit dans ce monde adulte qu'ils s'obstinaient pourtant à fuir. Glissant la main entre les deux visages, j'actionnais le mécanisme, dévoilant la porte de bois. L'arc en ciel scintillait comme l'espoir, cet espoir qui avait vu sa consécration cette année. Le panneau de bois se déroba, une volée de marche conduisant dans les les profondeurs obscurs de la maison. Glissant dans le passage, je me laissais happé par cette ombre, descendant les mains sur la pierre, avant de déboucher dans une pièce qui conduisait aux secrets de BJ comme de moi même. M'approchant des toiles, j'observais intensément les traits, observant avec intensité ce que j'étais amené à cacher. Lourd était cette chose, elle pesait sur mes épaules, mais représentait également une fierté et un bonheur que je n'aurais espéré connaître un jour. M'asseyant sur le meuble de bois qui faisait face à la toile, je posais ma tête contre la pierre, fermant les yeux, la musique influant mon esprit, mes gestes. Songer à ce que j'avais perdu, retrouvé. Mais un bruit me coupa, mes prunelles se dévoilèrent et je vis entrer une ombre, un candidat que je ne connaissais que de réputation. « L'homme le plus sexy de la maison... brûle. » Je reprenais ainsi, par cette simple phrase, ma réponse au prime. Mais il était bien plus proche de notre secret en regardant les tableaux qu'ils ne l'avaient été le jour du prime. Descendant souplement sur le sol, je m'approchais de lui avant de lui montrer les tableaux d'un signe de tête. « Un peu d'aide peut-être? » Un sourire joueur s'était affiché sur mon visage tandis que je croisais les mains sur ma nuque.

La journée suivait son cours et la nuit venait à peine de déposer son voile sur l'Irlande, plongeant le jardin du nid dans la pénombre. Il faisait agréablement frais ce soir-là, ce pourquoi j'étais adossé contre un mur de la façade de pierre, achevant une énième cigarette dans le but d'apaiser mon esprit bien secoué ces derniers jours.. et de peut-être aussi ronger mes poumons déjà bien entamés. Je pensais à Alisk, elle me manquait affreusement, s'en était certes plus supportable que je ne l'avais songé de vivre loin d'elle mais je ne pouvais cesser de songer à ce qu'elle pouvait bien faire loin de moi, quelque part dans le pays, en Autriche ou peut-être aux Etats-Unis. J'étais déboussolé loin d'elle, et intensément perturbé de ne pas savoir où elle pouvait bien se trouver à cet instant. Écrasant ma cigarette dans la neige qui avait comme élue domicile depuis un mois, je rebroussais chemin dans le nid où j'abandonnais ma veste, soufflant. Mains dans les poches, je fis quelques pas dans le salon, traversant le couloir avant de commencer à gravir les escaliers. Mon regard tomba sur la tapisserie, le mécanisme venait à peine de se refermer derrière celle-ci et m'approchant, je l'actionnais de nouveau. Le curieux escalier se dévoila ainsi sous mes yeux, et je m'enfonçais ainsi aussitôt dans les tréfonds de la maison, mes joues se rafraichissant au fur et à mesure que les marches défilaient sous mes pieds. J'arrivais finalement dans la pièce et, silencieux, me mis à observer d'un oeil avisé les tapisseries affichées.

L'homme le plus sexy de la maison... brûle.

Je me pinçai les lèvres, coupé dans ma réflexion naissante. Heureusement, le candidat venu me perturber n'était autre qu'Alcéo. J'avais dû le buzzer Jeudi sur un secret dont je n'avais aucune idée. Je m'étais complètement planté, c'est le cas de le dire, mais mon intérêt nouvellement attisé vers le couple supérieur de la maison poussait sans cesse ma chasse aux secrets vers cette pièce.

Pas si près de la brûlure que ça.. à vrai dire cette pièce est même glaciale, la réponse qu'elle renferme est curieusement bien dissimulée.

Un peu d'aide peut-être?

J'accueillis sa proposition avec un sourire, l'observant attentivement avant de reporter mon regard sur les tableaux. Les inscriptions latines n'y étaient pas franchement visibles, je ne parvenais à déchiffrer les évènements représentés.

Je ne dis jamais non à un peu d'aide, tu ne seras surement pas surpris mais je sèche complètement sur votre secret. Je sens que quelque chose m'échappe mais... je ne saurais dire quoi.

Je ne l'avais qu'entre perçu sans jamais réellement m'intéresser à lui autrement que par le biais de son intrusion dans ce qui était devenu ma chambre en plus d'être celle de Betty-Jayne. Mais la douleur qui pigmentait ses prunelles ne m'étaient pas inconnu. Je l'avais ressentit, il y a bien longtemps, sans qu'elle ne me quitte forcément. Douleur qui s'était renforcée depuis peu... bien qu'elle était soigneusement contrebalancée par son contraire. Mon regard s'accrocha quelques secondes à la toile, cette toile qui me représentait le mieux. « Pourtant la réponse est aussi claire que l'eau à sa source ». Mon secret était si visible que je peinais encore à comprendre comment il pouvait échapper aux candidats. Même BJ m'avait, dès le premier jour, mis en garde parce que je ne le dissimulais pas assez. Mais je n'en avais guère envie. La vie n'était que liberté, dissimuler serait m'enchaîner. Fixant le tableau, je penchais faiblement la tête, avant de me tourner vers lui. « Pourquoi mêler nos secrets? Chacun de vous pense qu'il va de paire depuis le début de l'aventure. Peut-être sont-ils liés mais uniques à la fois. » M'approchant de la toile, j'effleurais des doigts le cadre suivant les inscriptions latine. « Tu as un point de départ en cette inscription latine. Car après avoir reconnu la toile, le mystère s'échappera légèrement pour faire place à plus de clarté. Même si la lumière ne vient pas forcément de cette pièce. » Une de mes passions les plus définies, était de m'exprimer par figures quel qu'elles soient, bien que ma favorite restait la simple et mythique métaphore. J'essayais néanmoins d'être le plus clair possible, laissant des indices partout, et ce, jusque dans mes réponses et ma façon de désigner les choses. « Le monde du visible ne désigne pas forcément la réalité des choses. Il faut parfois chercher en profondeur et être plus malin. » La philosophie était intéressante, bien que cette matière enseignée par les moines autrefois ne m'avait jamais captivé. A leur grand dam, le sommeil m'était de meilleur compagnie. Ainsi, je m'étonnais parfois de tenter une approche du genre dans le seul but de me mettre davantage en danger. N'était-ce pas du sadomasochisme? Je repensais une fois de plus à sa soeur, qui n'avait réussit à dévoiler son secret dans la maison. La fierté retirée à l'idée de l'avoir gardé jusqu'au bout était sans doute grande, mais partir sans qu'il ne soit dévoilé était triste à mon sens. Car partir ainsi soulevait une question. A quoi avait servit de jouer? Était-ce réellement jouer que de se dissimuler dans un coin sans pour autant désirer s'amuser au dépit de? Le risque était grand, mais comme au poker, il fallait savoir les prendre. Peut-être était-ce une idée à soumettre. Une partie de carte pour les amener à tenter une approche dangereuse plutôt que passive. Mais ce n'était pas une illumination à soumettre à Franz, dont je comprenais le désarroi. Sans le lui montrer ou lui dire cependant. Tout simplement parce que je n'aurais pas aimé la réciproque.