Ma clope allumée se consume entre mes doigts entrouverts, la fumée, elle, épouse les traits de mon visage avant de disparaître dans les airs. Cela fait des heures que je patiente, hors s'il y a bien quelque chose que je déteste c'est patienter. En même temps quelle idée d'avoir installé le premier prime loin, si loin de la civilisation, de New-York. Hawaï, je ne regrette, c'est sûr, pas le déplacement, mais quand même. Je suis partis très tôt de New-York, est pris un train pour ici où entouré de styliste et autres maquilleuses, on tenta de me rendre belle et féminine. Au vu du résultat, je doute que cela ai été totalement réussit (cf avatar). On m'avait ensuite laissé une petite pose avant le premier prime qui allait commencer incessamment sous peu. Ce soir, toutes les personnes sélectionnés pour le casting final serait présente et c'est durant cette même soirée que serait annoncé le nom des candidats en couple, cette particularité de l'émission.

L'heure est arrivée, un homme me fait un signal il est temps pour moi de m'avancer. Étrangement tout est silencieux, sans public. Seul Alix est présent, je m'avance timide ne sachant où regardé, ni même où aller, je m'installe dans un coin attendant la suite et, je l'espère, ma sélection.

Cette fois-ci c'était pour de bon, plus question de reculer. Pas que cela ait été à un seul instant mon intention soit dit en passage, c'était mal me connaître que de s'imaginer que je pourrais reculer face à une situation quelle qu'elle soit. Mais simplement je crois que je n'avais pas vraiment pris la mesure de ce dans quoi je m'étais embarqué avant d'avoir éteint mon téléphone portable une bonne fois pour toute, et non sans que le dernier message que j'y avais reçu ne m'arrache un sourire. C'était du pile ou face, soit je rallumais ce machin dont j'étais, on ne va pas se le cacher, hautement dépendant, à la fin de la soirée soit je ne le rallumais plus pour une période plus que variable pouvant aller de quelques jours à quelques semaines. Ce n'était pas vraiment une première à vrai dire ... Enfin si, les circonstances étaient inédites, mais l'acte en lui-même relevait d'un rituel que j'avais façonné et apprivoisé avec les années. Dans certaines régions du monde les gens étaient coupés de tout, et j'essayais de rationaliser en pensant à ça, que je l'avais déjà vécu de cette façon ... Mais bon, la comparaison s'arrêtait là. Je veux dire, nous étions quand même dans un des endroits les plus paradisiaques au monde, j'aurais eu du mal à l'oublier ... Et au cas où ça aurait été le cas, les onze heures de décalage que j'avais dans la gueule étaient là pour me le rappeler. D'ailleurs, je ne savais plus à quand remontait la dernière fois que j'avais pris des vacances, des vraies ... Alors je me disais qu'au pire des cas si je n'étais pas sélectionné, on ne me reprocherait sans doute pas de profiter des lieux deux ou trois jours. Bref, je pensais à absolument tout sauf au fait que j'étais enfermé dans une loge depuis un certain temps - pour ne pas dire un temps certain - et que je commençais à très sérieusement m'ennuyer. A stresser en revanche pas vraiment, ce n'était pas dans ma nature, j'étais ce genre de gars qui allait passer ses examens en sifflotant lorsqu'il était encore étudiant, c'est dire. Mais je m'ennuyais, ferme, tant et si bien que j'avais commencé à lire la notice et les ingrédients sur la bombe de laque qui trainait dans un coin ... Cela montrait un peu la mesure de mon désespoir. Fort heureusement une jeune femme n'avait pas tardé à entrer dans la pièce, me surprenant même tellement que j'en avais lâché la bombe de laque qui avait roulé jusqu'à ses pieds. Belle entrée en matière. Elle m'avait expliqué rapidos qu'elle était là pour m'habiller - quoi ? Parce que j'avais l'air trop peu dégourdi pour m'en charger moi-même ? - et m'avait filé trois cintres, une ceinture et une paire de chaussures ... D'accord, quand elle disait m'habiller elle parlait seulement d'avoir choisi mes fringues à ma place. Ô joie, j'espérais au moins que c'était à ma taille. « Ni repris ni échangé, je suppose ? » avais-je alors demandé sur le ton de la plaisanterie, avant de disparaitre derrière un portant pour me changer. J'avais étudié un peu les primes des saisons précédentes, pour savoir à quoi m'attendre, et je devais bien avouer que j'avais sans doute échapper au pire : pas de couleurs criardes, pas de trucs trois tailles trop serrés, non, simplement un jean, un tee-shirt kaki, une veste ouverte et une paire de chaussures camel. Le résultat était loin de ceux dramatiques que certains anciens candidats avaient subi ... Enfin, pour ce que j'en pensais, mais après tout je ne me qualifiais pas non plus d'expert dans la mode. La styliste discute un peu avec moi, je crois qu'elle essayait de me prendre en traître pour s'occuper de mes cheveux mais s'il y avait bien un truc avec lequel je ne rigolais pas c'était avec ça, pas par coquetterie mais parce que j'avais tout simplement horreur que l'on me touche les cheveux. C'était comme ça, c'est tout. Et elle n'avait pas insisté, je l'en remerciais grandement. La voilà en tout cas qui m'avait annoncé qu'il était l'heure, ce à quoi j'avais répondu « Quoi déjà ? » comme si j'attendais depuis cinq minutes ... Alors que tout à l'heure encore je me plaignais de m'emmerder à mourir dans cette loge. Mais j'étais comme ça, je changeais d'avis comme de chemise. Me laissant en tout cas guider jusqu'au plateau je l'avais trouvé déjà occupé par tout un tas de monde ; Je crois que ce qui me faisait bizarre en définitive, c'était que j'avais fait mes premiers stages et touché mes premiers salaires dans ce genre de lieux, et pourtant rares étaient les fois où j'avais eu l'occasion de me retrouver au centre d'un plateau télévisé, et non pas dans les recoins sombres où se cachaient tout ce petit monde qui permettait au spectateur de regarder une émission sans se douter du nombre de personnes qui travaillaient derrière à ce que tout marche comme sur des roulettes. Allez, qui vivra verra, comme on dit.

Je n'étais pas franchement enthousiaste à l'idée de participer à ce prime. Il faut dire que ce n'était pas dans mes habitudes que de prendre particulièrement soin de mon physique, ou de vouloir faire la une des journaux. Oui, tenter cette aventure ne me ressemblait absolument pas. Mais puisqu'il fallait contribuer aux besoins de ma famille, je m'étais presque vu dans l'obligation de me lancer là dedans. Il faut dire qu'il était toujours plus dur de gagner sa vie lorsque l'on avait pas même passé le moindre examen, si obtenu un seul diplôme. J'avais travaillé toute ma vie, juste pour rapporter des sous. Dieu sait que si j'en venais à être sélectionné, passer mes soirées dans une maison, sans rien faire allait me changer la vie. J'avais même peur de devenir fainéant. Non, aucune chance que ça arrive. Soupirant quelque peu, j'avais tout de même refusé de porter l'un des costumes qu'une des habilleuses m'avait tendu. Non mais il ne fallait pas déconner non plus, je n'étais pas du genre à porter ces vieilleries. J'étais même certain que ça ne m'irait pas. C'était donc vêtu d'un tee shirt à manches longues et d'un pantalon noir, le tout surmonté d'un blouson en cuir que je m'étais avancé sur le plateau. Quelques candidats étaient déjà présents, et je sentais bien que la soirée allait être plus longue que prévue. Pour sûr que toutes les têtes à claques des castings allaient se voir sélectionnés. Le public ne semblait demander que ça, hm.

Jour J. Premier prime de l’aventure Fake Lover. Je suis censée me réjouir, parait-il. Faudrait que je saute au plafond, que je prenne tout le monde dans mes bras en leur hurlant dans les oreilles la joie que je ressens à ce moment-là. Enfin bon, pour l’instant ma joie elle s’est barrée très loin, je sais pas trop quand je vais la retrouver, la coquine. Je suis pas plus enchantée que ça, peut-être parce que je suis pas certaine de faire partie de l’aventure, tiens.  Et en fait, même si je viens à être sélectionnée, je crois pas que je vais me réjouir plus que ça. Ce serait cool, c’est clair, mais en même temps participer à Fake Lover c’est pas l’objectif de ma vie, je vais pas vendre un rein pour apparaitre cinq minutes à la télévision non plus. M’enfin bon, on verra bien, disons qu’être nourri et logé pendant des semaines sans rien foutre ça me plait bien comme idée. Bon, pour l’instant ça commence mal vu que la styliste de l’émission me donne sérieusement envie de m’arracher les yeux avec une cuillère. Je crois qu’elle a pas compris un truc, c’est que vu mes gants de toilettes, sa robe décolleté jusqu’au sol, elle peut se la mettre où je pense. À force de marchander, elle accepte que je porte un pantalon. Et bien tiens, j’ai l’honneur de porter quelque chose qui me plait, dis donc sortez le champagne, cette styliste est trop généreuse. Un pantalon taille haute avec un top rentré à l’intérieur, et sacrifice ultime de ma personne, un énorme collier qui me fait plus ressembler à un chien qu’à un humain. Et puis enfin le prime commence, on est cordialement invité à venir se serrer les uns contre les autres en attendant l’annonce des candidats de cette saison, tout en faisant connaissance avec d’autres personnes. Pour cette partie, faut pas trop compter sur moi, je suis pas douée pour commencer les conversations. Je sais pas trop quoi leur dire, et puis à coup sûr il y aura que des apollons et des bimbos à que je n’aurais rien à dire mise à part ‘’sympa les seins, on dirait presque du vrai’’.  J’irais m’asseoir dans un coin avec mon pote le verre plein et puis j’attendrais bien. De toute façon je reverrais jamais la moitié des gens présents dans cette salle, que je sois prise ou pas, alors bon, je vais pas leur courir après pour savoir leurs prénoms et les oublier aussitôt.

Cela a été la journée la plus longue que j'ai connu depuis bien longtemps. Entre la courte nuit que j'ai pu passer à cause d'une insomnie et l'impatience du premier prime, il faut dire que je n'avais pas beaucoup dormi. Entre autre pour m'occuper, je m'étais une nouvelle fois de plus mit à gratter ma guitare. Entre deux repas, j'avais parlé à quelques potentiels candidats, partageant avec eux mes pronostics pour la soirée. J'espérais sincèrement être pris.

A moins d'une heure du prime, j'étais prit en charge d'abord par une styliste qui cherchait avec moi ma tenue de ce soir. Au préalable elle m'avait demandé ma couleur préférée. Je lui avais répondu que c'était le noir. « Très bon goût » me disait-elle en souriant. Elle me conseilla une chemise avec un pantalon dans les même tons suivant mon désir de porter quelque chose de simple. Je la remerciais d'un sourire avant d'enlever mon tee-shirt pour enfiler la chemise. Je la voyais à travers le miroir – me reluquer quand j'en venais à retirer mon jeans. Elle détourna tout de suite le regard, les joues rougissantes pour ensuite partir et me laisser seul. Amusé, je fixais la porte se refermer pour la revoir s'ouvrir sur une nouvelle femme. Elle se présenta comme étant la maquilleuse. A ses côtés, une autre employée de la production se disait être la coiffeuse. Elles finissaient de prendre soin de moi, jusqu'à ce que mon heure d'entrée arriva. Alors, le stress était à son comble – le prime commencé dès maintenant. Je devais premièrement, intégrer le plateau où je retrouverai tous les postulants pour cette nouvelle saison de Fake Lover. Je me faisais escorter par un autre technicien, quittant cette loge où j'avais vu des jours bien longs s'écouler.
Et alors, le sort était jeté, j'allais bientôt savoir si j'étais bel et bien sélectionné pour l'aventure. En attendant, je tâchais de masquer mon impatience - assis là sur l'un des fauteuils blancs immaculés, face à nous Alix présenté le show.