+ Jorah

Escaliers ou ascenseur ? Telle est la question. La question que je me pose à l'instant, c'est existentiel comme genre d'interrogation, n'est-ce pas ? Bon, c'est vrai qu'on s'en fout au final, sur le long terme je pense pas que ça ait beaucoup d'importance ou que ça fasse une grande différence de prendre soit l'un soit l'autre, mais il est toujours bon de ce poser ce genre de questions, rien que pour combler le vide de nos cerveau quand on ne pense à rien et qu'on s'ennuie. J'aime m'interroger sur ce genre de choses, c'est débile à première vu, mais on peut en apprendre un peu sur quelqu'un en voyant ce qu'il choisi. Ceux qui prennent les escaliers sont sportifs et les autres sont de grosses feignasses. Je fais clairement partie de cette deuxième catégorie, et honnêtement je n'en ai pas honte. En même temps, pourquoi se'embêter à monter des marches alors que l'ascenseur est plus rapide et moins fatiguant ? Je ne sais pas. A la rigueur vers la moitié de l'aventure quand tout le monde va commencer à s’empatter ça peut nous permettre de faire un peu de sport, mais dans l'immédiat je ne vois pas pourquoi je me priverais d'un petit voyage dans une cabine métallique, voyons. J'appelle donc l'ascenseur et pendant qu'il descend un candidat arrive à mon niveau. Je lui jette un regard rapide. « Spéciale, la coiffure. » Que je lui lance. Ouais, désolé, je suis plutôt franc envers les hommes, ça se vexe moins vite qu'une nana et puis c'est pas comme si j'essayais de leur faire bonne impression, alors que je préfère que la gente féminine me voit sous le meilleur jour. Après, sa coiffure lui plait peut-être, je sais pas, mais moi je la trouve moche, je préfère la mienne. Quoi que, c'est vrai que je force un peu trop sur le gel de temps à autre, surtout quand il y a des mèches rebelles. Elles sont espagnoles, elles ont un fort caractère, il faut juste apprendre à les dompter. Bref. L'ascenseur arrive pas. Génial. J'espère que s'il est bloqué il y a des gens à l'intérieur, sinon c'est pas marrant. Ou alors il est juste lent, très lent.

Un gars arrive à mon niveau. C'est un homme donc je ne me sens pas obligé de sourire, ni d'être très aimable. Je m'autorise même un petit commentaire sur sa coiffure. Il peut le prendre comme il veut, venant de ma bouche ce n'est ni négatif ni positif, bien que ça tende vers le péjoratif de tout de même. Il me dit que sa mère déteste aussi. « Je n'ai pas dis que je n'aimais pas, mais je pense que ça ne va qu'à un certain type de personnes. » Des personnes spéciales dans son genre. Non mais c'est vrai, quoi, il a une drôle de dégaine en plus d'une coiffure particulière. Mais bon, si tout le monde se ressemblait la vie ne serait pas drôle, il n'y aurait pas différences et les gens comme moi ne pourraient pas se sentir supérieurs de par leur charme naturel. D'autant qu'on n'aurait pas non plus de gens à critiquer, nous les gens beaux, si on était tous les clones des uns et des autres. Enfin bref. Il me rassure quand au fait que ce ne soit pas contagieux. J'arque un sourcil. « Encore heureux. » Non mais ça serait la meilleure de l'année ! Il manquerait plus qu'en me trouvant à proximité de lui et en lui adressant la parole je me retrouve avec la coupe qu'il a. Non merci, mes cheveux sont très biens comme ça. J'en viens tout de même à me demander à quoi je ressemblerais en brun, parce que comme je suis blond on me prend toujours pour un mec venant d'un pays du Nord ou pour un con, puisque les blonds sont réputés pour être simple d'esprit. Ce n'est pas mon cas, du moins j'aime à m'en convaincre. Le mec à la coiffure spéciale me demande si ça fait longtemps que j'attends. «Je sais pas. Je dirais trois minutes et douze secondes, à peu près. » Bah ouais, je suis précis, moi. C'est vrai que j'ai une horloge dans la tête. Non mais il croit quoi l'autre, que je vais chronométrer combien de temps j'attends ? Il en a de ces questions. J'appuie à nouveau sur le bouton en soupirant. Ça commence légèrement à me gonfler, là. « Joder ! » Que je siffle entre mes dents. Si ça continue je vais finir par prendre les escaliers, ça ira toujours plus vite, hein.

Bon, le mec à la coiffure spéciale à pas l'air du genre susceptible, dommage, j'aurais bien aimé qu'il s'énerve un peu, je suis moi-même dans un bon jour grâce à ce super ascenseur qui n'arrive pas. Je lui dis que je pense que sa coupe n'est réservée qu'à un certain type de personne, ce à quoi il répond qu'il refuse de croire que seuls les punks, les joueurs de foot et Mister T. sont capables de se coiffer ainsi. « J'en sais rien, tu crois ce qui te fais plaisir, écoutes. » Que je dis en haussant les épaules. Je sais pas vraiment si sa coupe est réservée qu'à ces trois types de personnes, je m'y connais pas tellement en mode capillaire, mais autant que je sois honnête, au moins avec moi-même, je trouve que sa coiffure est moche. Disons qu'elle lui va bien, quoi. Elle est assortie au reste de son corps. Bref. Heureusement, ça ne semble pas contagieux. Je m'en serais douté. L'ascenseur n'arrivant toujours pas le candidat me demande depuis combien de temps j'attends, ce à quoi je réponds approximativement que ça dois faire trois minutes. Mais en fait je crois que ça fait plus. D'ailleurs ça commence à me saouler donc j'appuie à nouveau sur le bouton en jurant. Le type à la coiffure particulière commence à ironisant, disant que j'ai sans doute dû demander à la machine de descendre de façon très gentille. « Ouais, t'as tout compris. » Qu'est-ce qu'il est futé, celui-là ! Puis il me demande ce que c'est comme langue que je viens d'employer.  « De l'espagnol. » Que je me contente de dire alors que les portes de la cabine s'ouvrent enfin. Je serre le poing en signe de victoire, je pense d'ailleurs que c'est grâce au fait que j'ai parlé en espagnol que ça s'est finalement décidé à bouger. Bah ouais, c'est peut-être un ascenseur venu d'Espagne et il faut lui parler en une certaine langue pour qu'il comprenne, ou alors joder était le mot magique qui l'a fait venir à nous. Putain, mais je dis n'importe quoi moi. Tout compte fait sa coiffure spéciale a peut-être des effets sur les gens. J'ai presque peur. Surtout que le gars me dit d'attendre et palpe le sol de la cabine avec son pied, comme pour être sûr qu'il y ait pas de danger, que ça allait pas se casser le gueule. Ok. C'est quoi son problème à lui ? Pas que sa coupe de cheveux, ça c'est clair. Il déclare finalement qu'on peut y aller.  « Il y a pas que la coiffure qui est spéciale chez toi. » Que je pense tout haut. C'est limite si j'ai pas à nouveau envie de prendre les escaliers là tout de suite pour éviter d'être dans l'ascenseur avec lui, mais bon, maintenant qu'il est descendu et que je suis dedans je vais pas m'enfuir à cause du timbré d'à côté.

En fait je me dis que le mec à la coiffure bizarre a bien fait d'arriver, j'aurais pu me montrer bien moins agréable avec l'ascenseur si j'avais été seul. Je l'aurais surement frappé tout en jurant. Mais là non, je ne voulais montrer une facette agressive de ma personne à un autre candidat. D'autant que je ne suis pas quelqu'un de très violent habituellement. Je perds tout de même un peu mon calme face à la machine, parfois je n'arrive pas à être patient, surtout envers un engin créé par l'Homme qui est sensé nous faciliter la vie et non nous la compliqué. J'ai donc juré en espagnol. Quand c'est le cas c'est que ça vient du coeur. Le candidat à la coupe particulière m'a alors interrogé sur ce qu'était la langue que j'avais utilisé, ce à quoi je répondais simplement que c'était de l'espagnol. Puis il me demande si je viens de Madrid. « Je suis né à Barcelone mais en ce moment je vis à Madrid. » Oui, donc on put plus où moins dire que je viens de là-bas, tout dépend du sens de la question, si c'était d'où je viens, où je suis né, ou d'où je viens, où j'habite. J'ai répondu aux deux dans la même phrase, donc comme ça il sait tout, ou presque. « Et toi, t'es de quelle planète ? » J'espère qu'il comprend que je parle du pays d'où il vient, et pas réellement d'un autre astre que la Terre. Enfin, vu sa coiffure ça pourrait bien être un extraterrestre, tout est possible, hein. L'ascenseur nous fait l'honneur de descendre mais avant de monter le bonhomme me fait m'arrêter pour s'assurer que tout va bien, que la cabine ne risque pas de tomber d'un coup. Ce n'est pas franchement utile, elle peut ne plus être stable après qu'on soit monté dedans aussi, mais là il n'y aura aucun moyen d'en échapper, hm. Il me dit qu'en limitant les prises de risques on rallonge son espérance de vis. Je veux bien le croire. Et il ajoute qu'il refuse qu'une invention de l'Homme se retourne contre son créateur. « Bah pourtant il y a des accidents de voitures, des crashs d'avions, des accidents domestiques et d'autres conneries comme ça qui arrivent tous les jours à cause de ce que l'humanité a inventé. La vie moderne est dangereuse, il va falloir t'y faire. » La vie est dangereuse tout court, mais je crois qu'en inventant tout un tas de choses on se l'est encore plus compliquée, même si certaine trucs sont plutôt utiles. Il me demanda ensuite où j'allais. « Au deuxième. » En fait j'en sais rien, je voulais juste prendre l'ascenseur mais je n'avais pas vraiment d'idée concernant l'endroit où je voulais aller. Il finit par se présenter. Jorah, donc, ou l'illuminé, si je veux. « Hm, non, je t'appellerais Jorah, ça ira. » C'est son prénom après tout. « ...Ou Jo' le barjo. » Que j'ajoute finalement, un sourire aux lèvres. J'espère qu'il le prendra pas mal, mais ce petit surnom ça lui va mieux que l'illuminé, je trouve. « Moi c'est Esteban. » Je sais pas si je dois lui tendre la main pour qu'on se la serre, maintenant qu'on s'est présenté. C'est que je sers pas la main à n'importe qui, surtout pas à des gens qui ont sa dégaine et peur des ascenseurs.

Je trouvais ça tellement clicher de penser que l'espagnol vient forcément de Madrid, mais d'un autre côté c'était vrai, dans un sens, vu que je vivais là-bas. Heureusement, le candidat n'avait pas fait une remarque débile sur le fait qu'il ne savait pas qu'il y avait des blonds en Espagne. Non mais s'il avait fait ce genre de remarque je crois que j'aurais fini par prendre les escaliers, histoire de pas m'énerver contre lui. Je lui demandais ensuite d'où il venait, ou plutôt de quelle planète. Il était apparemment bel et bien terrien, même qu'il vivait à Bakou, en Azerbaïjesaispasquoi. Ce n'était effectivement pas plus loin que l'hémisphère d'à côté. Vu le nom du pays d'où il sortait, je comprenais soudain son originalité. Si tous les gens sont comme lui là bas je ne risque pas d'y mettre les pieds. De toute façon, ce n'était honnêtement pas ma prochaine destination de vacances. Bref. L'ascenseur se décide enfin à arriver jusqu'à nous et j'assiste à un spectacle rare, qui me fait le prendre encore plus pour un mec étrange. On commence à débattre sur le danger causé par les inventions de l'Homme. Je dois bien reconnaître que le type bizarre a raison, au fond, mais ce n'est pas pour autant que je le lui ferais savoir. Je me contente d'hausser légèrement les épaules, je ne suis même pas sûr qu'il s'en soit rendu compte. Il me demande ensuite où je vais. Au deuxième, surement pour aller dans ma chambre et ne rien faire ensuite, mais à vrai dire je ne sais pas trop. Il appuie sur le bouton, et se présenta en attendant que les portes se ferment. Quand je lui trouve un surnom il m'arrête tout de suite en prétendant que sa demi-soeur l'appelle déjà ainsi. J'ai pas l'intention d'aller lui demander son avis à la demi-soeur, hm, si j'ai envie de l'appeler par un petit surnom je le fais. « Non mais c'est pas grave, Jorah c'est bien aussi. » Oui après tout. Mais ça ne m'empêchera pas de penser très fort au surnom que je lui ai trouvé quand je le croiserais, si je reste dans le nid une semaine de plus, bien évidement. Ah, j'avais presque oublié que j'étais nominé grâce à cet ascenseur capricieux et l'arriver de Jo' le barjo. Je me présentais à mon tour et mon voisin me demande si j'avais rencontré du beau monde. J'haussais épaules. « Beau, je sais pas, je dirais sympa surtout. » Mise à part ma partenaire que j'avais du mal à blairer. « Hm, j'ai croisé une russe, une starlette, un homme à chat et l'animal qui va avec, une blonde bien...blonde, un anglais, une autre blonde à qui j'ai écrasé le pied et une brune qui sait pas doser l'alcool dans ses cocktails. » Ouais, en gros pour résumé la semaine ça donne ça. Bon, j'ai pas parlé de la bimbo en décalage total à la soirée ou de la petite blonde mignonne, Medhi je crois, mais c'est pas grave, elles devraient pas m'en vouloir, c'est pas comme si elles étaient avec nous. « Et toi ? » Je lui retourne la question uniquement pour faire la conversation, pour être poli, mais en vrai, je m'en fou un peu.