les mains croisés sous le menton, j'observais d'un air solennel la multitude d'écrans en face de moi, le fascié sérieux et concentré...quel est le but de cette salle exactement ?...non, je reformule, quel est le foutu but de cette salle ? c'est dingue, je crois bien que j'ai raté quelques épisodes...ça veut dire qu'il suffit de venir ici, de s'installer et on voit absolument tout ce qui se passe ? genre, vraiment, vraiment tout ? oh, elle devrait être marrante à occuper, cette salle, dès que quelques couples seront formés. Oh, vous savez, pour suivre, les disputes, les tromperies. je les voient bien, moi, les hystéros parano s'installer par ici afin de découvrir quel postérieur intéresse le plus leur éphèbe. Et je me vois bien, venir par ici pour voir si quelqu'un ne serait pas assez bête pour se trahir tout seul sur son secret. Ah, ça par contre, ce serait vraiment génial. j'entend la porte qui s'ouvre et je ne bouge pas d'un iota...pour quoi faire de toute façon ? je suis bien trop occupé à tenter de reconnaître les gens que j’aperçois à l'écran. tu ne trouves pas qu'il y a trop de blonds cette année ? Je souffle, sans savoir qui vient d'entrer. C'est vrai quoi. Puis les bruns aussi tient. Alors ouai, ouai, tout le monde se ressemble de mon point de vue à moi...et alors ? Ce n'est pas de ma faute...si ?  mais c'est qui celui-là dans le jardin ? Je soupire, pivote un peu et cligne des yeux. tient, en voilà une, de blonde. tu veux t’asseoir ?...je te juges pas si tu me juges pas. Je fronce les sourcils un instant et souris soudainement. De toute façon, je m'en fou. J'espionne, ouai. je pointe l'écran du doigt. t'arrives à reconnaître le truc brun du jardin ? je ne sais pas comment tu t'en sors avec tout ce monde, mais je t'avoues que j'ai un mal fou avec les prénoms...puis avec la nouvelle là, ça me chamboule encore plus. C'est vrai quoi. je toussote un peu. même ton prénom à toi, il m'échappe...

Aujourd’hui sonne le glas de mon buzz gratuit, et je suis toujours autant dans une zone de néant en ce qui concerne le secret de qui que ce soit dans ce nid. Écouter les conversations à gauche et à droite, surprendre des murmures en tournant le coin d’un couloir, et le soir, alors que mes voisins discutent sous la couette. Tout ça ne suffit pas. Je vais devoir me résoudre à espionner mes petits camarades dans la salle de vidéo surveillance. Encore une fois. Car à vrai dire, au cours des derniers jours, on pourrait presque croire que j’ai pris un abonnement pour cette salle, tant j’y passe de temps. En même temps, il y a si peu de mes colocataires qui s’aventurent jusqu’ici que j’ai la sainte paix pour mettre mon sens de l’observation en pratique. Sauf qu’aujourd’hui, j’ai la désagréable surprise d’y trouver un autre candidat. Il fait une remarque sur les blonds, et je hausse les sourcils. « Qu’est-ce que t’as contre les blonds? » Je crois qu’il n’est pas conscient de la personne à qui il parle. Il est trop préoccupé par l’écran qu’il fixe sans en détacher son regard. Oh, sauf là, justement. Je crois qu’il prend quelques secondes pour analyser la situation, et finalement, il m’invite à prendre place à ses côtés. Je ne me ferai pas prier, tiens. Ainsi donc, il espionne. « Tant mieux, je suis venue faire la même chose. » Autant être honnête, quoi. Visiblement, il n’arrive pas à mettre un nom sur quelqu’un. Il faut dire qu’ils ont tous l’air d’être des petites fourmis sur ces écrans minables. Impossible d’y voir quelque chose. Son blabla me semble interminable, mais il finit par se taire. Eeeennnfffiiin. « T’avais qu’à demander. Je suis Medhi, et toi ? T'as bien un petit nom, non? » Je souris légèrement. « Et j’ai pas la mémoire des noms, on est un peu dans la merde, là. » S’il comptait sur mon aide, c’était peine perdue.