SIMON JR

J’adore le nid. Vraiment, je l’adore, il est magnifique, il est spacieux, il est original… Oui, je l’aime vraiment beaucoup. À une exception près : la salle de bain. Je ne sais pas ce qui est passé par la tête de la production. Ils auraient pu mettre des cabines de douches fermées et utilisables que par une seule et unique personne à la fois. Sans caméra. Ça, ça aurait été parfait. Mais non, il a fallu qu’on se retrouve avec une grande douche ouverte qu’on peut se partager à trois. Trop sympa. Je suis pas du genre à m’exhiber au premier inconnu. J’ai pas honte de mon corps, loin de là, mais je n’aime pas l’idée de me retrouver à poil face à quelqu’un que je connais depuis trois semaines. Je veux bien me retrouver en sous-vêtements, c’est tout. Et encore, dans cette pièce, les caméras me gênent atrocement. C’est quelque chose qui me gêne, faut que je le dise, et plus particulièrement dans la salle de bain. J’arrive à oublier la présence des caméras dans la plupart des pièces, mais je n’arriverais jamais ici, c’est certain. Du coup, quand je dois prendre ma douche, j’opte pour la bonne vieille technique du maillot de bain. Je garde un peu d’intimité ainsi. Je file à la douche dès que je suis réveillée, il est assez tôt, je risque pas de croiser grand monde. J’ôte mon peignoir et dépose mes habits propres dans un coin, et me lave. J’ai tendance à traîner sous la  douche, à penser à plein de choses, et du coup, à ne pas faire attention à ce qu’il se passe autour de moi. Et il faudrait que je fasse bien plus attention, puisqu’à peine sortie de la douche, séchée, je ne retrouve plus ma pile de fringues propres. Rien à faire, elle n’est plus là où je l’ai laissée. Un petit plaisantin s’est fait plaisir, et j’ai rien entendu. Autant dire que ça a le don de m’agacer. Je garde un espoir que mes vêtements se soient faufilés ailleurs dans la pièce, et commence à retourner toutes les affaires présentes dans la salle de bain. Je sais pourtant bien que je ne trouverais rien. J’entends un nouveau bruit, je relève la tête et aperçoit un des candidats fraichement arrivé. Je doute qu’il soit l’auteur du méfait. « Ah tiens, Junior. » Je sais bien qu’il a un vrai prénom, mais je l’ai pas retenu, alors on se contentera de Junior pour l’instant. Je saisis mon linge et l’enveloppe autour de mon corps. « Tu n’aurais pas aperçu un voleur fuir de cette pièce en venant ? » En mode ninja et tout. J’espère qu’il a vu quelque chose, parce que là ça m’énerve, hein, il y avait mes chaussettes préférées dans la pile.

J'étais franchement pas encore certain de pouvoir me retrouver dans le nid, d'autant plus qu'il fallait bien l'avouer, il était bien plus grand que mon petit appartement bordelais, ou que ma classe de maternelle. Ça n'était pas de ma faute, malgré ma mémoire photographique, mon sens de l'orientation restait tout à fait douteux. Il faut dire que parfois, ça m'arrangeait bien de me perdre, alors peut-être que je n'y mettais pas toutes la volonté du monde. Il était encore super tôt lorsque j'avais quitté mon lit. Par chance, être un petit nouveau faisait que j'avais hérité d'une couette pour moi tout seul. Je ne savais pas bien qui avait hiberné auparavant dans ma couchette, mais je m'en fichais légèrement à vrai dire, je préférais me dire que ce lit me revenait de droit, qu'il m'avait été réservé, vous voyez. Bon, c'était pas franchement le cas, mais ça flattait mon égo. Toujours est-il que comme je venais de vous le dire, il était encore tôt, et par définition, je n'étais ainsi pas encore réveillé. Et qui disait réveil difficile, disait également yeux pas en face des trous. J'aurais beau boire quinze litres de cafés et trente de redbull que ça n'y changerait rien. Le matin, j'étais une tornade ambulante. Mais du genre à se détruire également vous voyez. Je bayais donc bruyamment en traversant le couloir, les miroirs ne reflétant qu'un peu plus mon incapacité à émerger correctement. Tant pis, de toute façon ça ne devait pas être si grave que ça puisque la plupart des candidats dormaient encore. J'avais la drôle d'impression de me croire en camp de vacances, vous voyez, et qu'un animateur allait nous faire faire du sport dans une quinzaine de minutes et nous amener à la plage l'après midi. Gros traumatisme, ouais, j'avais toujours détesté ce genre de camp. Il faut dire que lorsque j'étais gosse, j'avais été du genre à avoir peur de tout ce qui bougeait, alors forcément, on avait pas hésité à me faire de mauvaises blagues, hm. J'entrais donc dans la salle de bain, vêtu seulement d'un pantalon de nuit, en laine grise, les pieds nus, tout en m'étirant de tout mon long alors qu'une blondinette sortait de la douche. Tiens, elle était donc encore plus matinale que moi. « Ah tiens, Junior. » « Rowan. » lui dis-je en la saluant d'un signe de tête. Comme je vous l'avais dit, ma mémoire était infaillible, et il me suffisait d'entendre une fois une chose pour m'en souvenir. Et de toute évidence, après quelques jours passés dans le nid, je connaissais déjà plus ou moins le patronyme de chacun. C'était la moindre des choses après tout. « Tu n’aurais pas aperçu un voleur fuir de cette pièce en venant ? » Un voleur ? Quelqu'un lui avait pris ses vêtements ? Maintenant qu'elle le disait, j'avais bien croisé un gars dans le couloir, mais sans pour autant y faire attention. « Du genre grand, blond, yeux clairs, avec un air un peu perdu ? » non parce que c'était vraiment la seule personne que j'avais vu depuis que je m'étais défait de l'emprise de mes draps. « Pourquoi, tu veux que j'aille lui casser la gueule ? Il parfait que je suis plutôt doué en lutte. » mais quelque chose me disait que ça n'était pas franchement ce qu'elle souhaitait. Ou alors, qu'à moitié. « Ou alors, on peut juste s'arranger à ce qu'il vive un traumatisme similaire au tiens... » après tout, il devait bien avoir des affaires à lui par ici ? Suffisait d'y toucher un petit peu. Oh non, malheur, ne réveillez pas mon esprit farceur.

Je sais bien que la moyenne d’âge n’est pas très élevée dans le nid, mais tout de même, je crois pas qu’il y ait plus de deux, trois personnes qui ont moins de vingt ans. Et j’estime qu’une fois passé la vingtaine, on a une certaine maturité tout de même. Faut croire que c’est pas le cas de tous les candidats, vu qu’il y en a un qui a pris un malin plaisir à me voler mes fringues. À la rigueur je m’en ficherais pas mal s’il s’agissait d’un simple t-shirt par exemple, mais en l’occurrence il y a mes sous-vêtements dans le lot. Et je suis pas spécialement ravie à l’idée qu’un candidat ou une candidate se balade avec ceux-ci. Imaginez, il y a peut-être un fétichiste dans le nid et je ne suis qu’une de ses nombreuses victimes. C’est terrifiant, quand même. Enfin bon, c’est un peu extrême comme pensée, si ça se trouve j’ai simplement eu à faire à un petit plaisantin qui a simplement déplacé mes affaires. Elles sont peut-être tout simplement cachées dans la salle de bain. Raison pour laquelle je commence à la retourner du sol ou plafond, en espérant bien tomber sur mes affaires, ouais, l’espoir fait vivre. Au final je tombe pas sur mes affaires, mais sur un candidat. Junior. Il se souvient de mon prénom d’ailleurs. Bizarre. J’ai pas le souvenir de m’être présentée à lui, peut-être qu’il a appris les prénoms de chacun pour faire une meilleure impression lors de sa première semaine qui peut également être la dernière, ne l’oublions pas. Je m’enveloppe dans mon linge, après tout, on est pas encore assez proche pour que je m’exhibe devant lui, hein. En réalité, il fait un peu froid aussi. Il vient d’arriver, il doit certainement avoir croisé mon voleur, ou du moins, l’avoir aperçu au loin. Et c’est le cas. « À toi de me le dire, je l’ai pas vu, en fait. » C’est pour ça que je lui demande, d’ailleurs. Mais j’y pense… Grand, blond, yeux clairs, avec un air un peu perdu, ça représente peut-être 90% des candidats masculins de l’émission, mais ça me rappelle grandement quelqu’un en particulier. Un gars d’une trentaine d’années qui ne s’est pas gêné pour me montrer qu’il peut également agir comme un gamin lorsqu’il s’ennuie. Faudra que j’aies une petite conversation avec lui, d’ailleurs. Et avec tous les grands blonds aux yeux bleus du coin aussi, je veux récupérer mes affaires, quand même. Junior marque un point quand il me propose d’aller lui casser la gueule. Brave gars, je l’aime déjà. « Oh non, ce serait dommage de risquer d’abimer un si beau visage pour si peu. » Je vais pas lui mentir, il est plutôt canon, comme tous les candidats de cette émission, mais voilà, il est clairement pas désagréable à regarder et ce serait quand même dommage que son joli visage soit abimé. Enfin, je veux bien faire l’infirmière pour le coup. Il me propose une alternative à la bagarre, alternative qui me plait aussi. « C’est une excellente idée. Et comme ta description correspond à pas mal de candidats, on peut même se faire plaisir et piller les affaires de tous. » Et pas m’arrêter spécifiquement au candidat dont je suis persuadée qu’il est l’auteur du crime, au cas où je me tromperais. Pas de jaloux. J’ai déjà bien retourné la salle de bain ceci dit, il reste donc plus grand-chose à toucher, surtout que la plupart des candidats stockent leurs affaires au dressing. À la rigueur, on pourrait inverser les brosses à dents, mais c’est trop dégueulasse. « À toi l’honneur, c’est mon cadeau de bienvenue. » Et puis je sens qu’il en a envie, voir même plus que moi, alors qu’il se fasse plaisir.