+ Joanès

Je viens tout juste de me réveiller et comme tous les matins, j'ai besoin de ma dose de caféine. C'est mon carburant, si je fais pas le plein dès le matin je suis de bonne humeur, pas bien dans mes basks. Je ne pense pas qu'on puisse de moi que je suis accro à mon petit café du matin, j'arrive encore à m'en passer certains jours, mais ça devient de plus en plus habituel. Mon père c'est la cigarette, moi ce sera le café. C'est déjà mieux, non ? Pas si sûr, mais tant pis. Je me dirige d'un pas lourd vers la cuisine, me frottant les yeux et baillant à plusieurs reprises. Je crois que je n'ai pas assez dormi, mais ça ira mieux après une bonne petite tasse de mon café chéri. C'est la seule chose dont j'ai besoin et envie à l'instant. Et si en plus je pouvais la savourer en paix, dans un parfait silence, ça serait parfait, royale même. Mais non. Il y a déjà un mec, Joanès je crois, que j'avais nominé en même temps que Jouko la semaine dernière. Sans vouloir être méchant, je le blond ultra con et le brun que j'avais devant les yeux plutôt transparent et insignifiant, donc ils me paraissaient être le parfait couple à mettre sur la sellette. Mais bon, je juge peut-être le type un peu vite, après tout, je ne lui ai encore jamais adressé la parole. Le truc c'est que je n'en ai absolument pas envie. « Bouge. » Que je lance tout de même à son attention alors qu'il occupe la place devant la machine à café. Je le toise un instant du regard puis découvre que quelqu'un, surement le brun, s'est déjà fait couler une jolie petite tasse de ma boisson favorite du matin. Je l'attrape par la hanse d'un geste vif. « Merci bien. » Que je dis en souriant presque, déposant bientôt mes lèvres sur le rebord de la tasse pour en boire une gorgée. Ah, ça va mieux tout d'un coup, je sens tout mon organisme s'éveiller, c'est magique.

A peine arrivé dans la cuisine, je pique le café d'un autre pour me réveiller, parce que je n'ai pas encore les idées tout à fait claires. Je ne suis pas particulièrement aimable au début, mais je lui dis quand même merci avant de boire tranquillement la boisson qui lui était destinée. C'est que je me moque pertinemment ce qu'il peut penser de moi, j'ai plus besoin d'un café que lui. De toute façon, il pourra toujours essayer tout ce qu'il veut, il aura toujours cette gueule de drogué, donc ça va, je peux bien prendre son café, il a qu'à s'en faire un autre, ça va pas le tuer. Mais si c'était le cas je crois pas que ce soit une grande perte, hm. Je ne fais pas trop gaffe à ce qu'il me dit, le mec, mais je crois entendre une jolie petite insulte dans le lot, en plus d'un truc en rapport avec du sucre. « Ah pardon, c'est à moi que tu parles en disant "connard" ? Je croyais que tu t'adressais à ton ami imaginaire, ou à ton reflet dans la vitre, autant pour moi. » Après un bon petit café, répliquer d'un air détaché tout en jouant les petits cons est toujours plus facile. J'aime ma répartie, sérieux. J'aurais aussi pu m'énerver, mais pas de bon matin, non, je viens tout juste de me réveiller. Il me dit qu'il ne m'a pas autorisé à boire dans sa tasse mais ça je le sais, merci. Puis il ajoute que je peux le garder de toute façon, puisque ma « vieille » salive l'a « souillé ». Je le regarde d'un air amusé, même si je crois que je ne devrais pas, ça risquerais de l'énerver, tant pis, je le fais quand même. « Je suis pratiquement sûr que la tienne est plus vieille. » Bah ouais, il a clairement l'air plus âgé que moi, mais ça doit être sa tronche de drogué qui lui donne cet air plus vieux, si ça se trouve il a mon âge en fait, j'en sais rien, j'ai juste dit ça comme ça. Si ça se trouve j'aurais eu un coup de chance en ne me trompant pas, sinon j'aurais l'air con. Je l'ai déjà aux yeux du brun, j'imagine, mais je m'en fous. Là, je sais pas ce qu'il lui prend au mec, mais il donne un petit coup dans ma tasse qui se renverse un peu sur mon haut. J'émets un petit hoquet de surprise, puis lui lance un regard mauvais. Putain, c'est lui le connard pour le coup, même si je tiens pas trop à ce T-shirt c'est d'une immaturité déconcertante de faire ça. Tout comme voler un café, vous me direz, hm. Je retire mon haut, j'ai pas envie qu'il me colle à la peau et le garde juste dans une main pendant que je termine le café de l'autre d'une traite. Il s'en retourne prendre une nouvelle tasse et parle de tapette. J'imagine que ça m'est destiné, mais je le prends avec le sourire. « Va falloir que t'arrêtes de parler tout seul, les gens vont te prendre pour un taré. » Encore une fois, j'avais décidé de ne pas mal le prendre, après tout il avait des raisons de m'en vouloir, je lui avais piqué son café au pauvre bébé. Mais bon, il est pas obligé de m'insulter tout le temps, moi à part lui demander de la plus agréable des façons de bouger je n'avais pas été particulièrement vulgaire à son égard, donc qu'il se calme un peu, ça serait sympa.

Bon, là j'avoue qu'il commence un peu à me péter les cojones, le Joanès. Non mais c'est vrai, quoi. Moi, j'essaye d'instaurer le dialogue, le relance la conversation avec des petites piques bien sympa, je m'énerve même pas quand il me fait me renverser mon café dessus, même que je me contente juste d'enlever mon T-shirt, mais qu'il ne s'affole pas, hein, je cherche pas à la draguer ou à lui prouver que je suis un canon de beauté, non. Je vois juste ici une parfaite opportunité de montrer à ces dames, celles qui regardent l'émission, que je suis plutôt pas mal, donc je leur donne l'occasion de se rincer l'oeil gratuitement, comme ça, de bon matin. Ce que je sus gentil, comme garçon. Oui, bon, voler le café d'un gars c'était pas franchement cool et au final ça vient de gâcher toutes les chances qu'on avait d'être pote, mais je vais pas en crever non plus. Ce type il est un peu du même genre que Jouko, genre il croit qu'il est à mon niveau mais il m'arrive même pas à la cheville. Pourtant je leur ai laissé quelques petites ouvertures pour qu'ils essayent de me prouver que j'ai tord de les prendre pour des cons, mais ils ont pas su saisir leur chance et c'est bien dommage. Le brun fini par me dire que je pourrais revenir le jour où j'aurais un minimum de réparti. Attendez, comment il m'a appelé, là ? Je pose la tasse de café que je lui ai piqué sur un meuble et croise les bras sur mon torse nu. « Esteban, pas mec. Moi je sais au moins retenir un prénom. » Que je dis d'un ton sec. Bravo, le veau. T'as réussi à m'énerver dès le matin, tu dois être fier de toi, cabrón. « Et toi, en fait tu ferais mieux de carrément m'appeler sa Majesté, comme ton pote Jouko, je préfère. » Toujours le même ton neutre, mais cette fois avec une espèce de petit sourire malsain sur le visage. Je vais pas laisser ce pouilleux m'appeler par mon magnifique prénom quand même, ce serait une terrible offense. Puis je m'approche du frigo, l'ouvre, et en sort une bouteille de jus d'orange. Je bois au goulot avant de lancer un regard relativement froid au candidat. J'ai envie de lui renverser dessus, tiens. Mais non, je me retiens. Je suis un minimum civilisé, et puis ce jus d'orange ne mérite pas de finir de cette façon, autant servir à quelqu'un comme moi, c'est une bien plus belle fin que de finir dans mon organisme plutôt que d'imbiber les fringues d'un cas social.

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