Elle a l’air complètement stupide la petite Tifenn là. Assise en tailleur sur l’un des fauteuils de la salle de vidéosurveillance à tourner le dos aux écrans. Elle s’est toujours refusé d’épier ses petits camarades. Elle est juste ici parce que c’est un endroit calme. En plus, avec le manque de lumière, personne n’allait la remarquer en passant uniquement la tête par la porte. Enfin, personne sauf Jorah. Le garçon laissait la porte en bois se refermer derrière lui alors qu’il venait interpeller la demoiselle. « Si t'arrives à voir quelque chose comme ça, franchement, c'est que t'es balaise » La belle remarquait le sourire affectueux sur le visage de son camarade. Sourire auquel elle répondait dans un rictus timide. Elle ne se forçait pas, bien qu’elle fût en train de passer l’une des semaines les plus désagréables de son aventure. Elle était sincère. « A la rigueur, j'aurais pu comprendre que me voir faire de la corde à sauter ait été au-dessus de tes forces, mais ce soir je me suis abstenu, justement parce que j'ai souvent une pensée émue pour ceux qui se trouveraient ici, dans ces moments-là. » Il arrivait à lui arracher un sourire amusé. La corde à sauter. Elle aimait bien ça la jeune femme. Elle y avait joué pendant toute son enfance. Parfois même elle en faisait encore toute seule, loin des regards. « Si tu veux je pourrais t’apprendre un jour. » Ce serait un réel plaisir. Et certainement un bon moment de rigolade aussi. « Mais uniquement si tu m’apprends comme faire de bonnes blagues. » Histoire de rigoler un petit peu. Elle avait envie de se décoincer un peu la brunette. Elle voulait aller de l’avant. Souriante, elle lui désigne alors le fauteuil à côté d’elle d’un petit signe de la main.

La gamine n’en a strictement rien à faire de pouvoir voir ou non ce qu’il se passe sur les écrans de vidéosurveillance. Elle s’en moque royalement de savoir qui est en train de flirter avec qui ou encore qui est en train de parler dans le dos de qui. Tifenn n’est pas un cafard. Elle laisse aux gens le droit de faire ce dont ils ont envie. Ça lui a d’ailleurs joué des tours plus d’une fois dans sa courte vie d’étudiante. Elle est plutôt contente que ce soit Jorah qui entre dans la pièce et non quelqu’un d’autre. Elle sait d’avance qu’il ne va pas la prendre en pitié et lui parler de toutes les choses qui la rendent triste et solitaire cette semaine. Il préfère parler de tout autre chose et échanger quelques banalités. C’est parfait. La jeune femme peut largement s’en contenter. « Le deal en lui-même est intéressant, mais je préfère t'avertir : autant il est tout à fait possible que tu deviennes la reine de la blague, autant moi et la corde à sauter, ça risque d'être une autre histoire. » La demoiselle ne peut s’empêcher de sourire. Ce qu’il vient de dire l’amuse. Elle ne deviendra jamais la reine de la blague et lui ne sera jamais un champion de corde à sauter. Ils peuvent toujours essayer, mais tout le monde sait que c’est déjà perdu d’avance. « Je prétends pas avoir un humour décapant, mais il m'arrive de faire sourire, et pas que malgré moi. » Bien plus souvent qu’il ne peut l’imaginer, mais Tifenn ne se moque pas de lui. Jamais elle n’oserait faire ça. C’est juste qu’il a ce petit quelque chose qui redonne le sourire. « Et le secret, je dirais que c'est de pas se prendre au sérieux. Si t'as l'air de trop réfléchir à ce que tu racontes, t'amuseras personne. » Intéressant comme conseil. Tifenn boit chacune des paroles de son interlocuteur, un petit peu comme une élève devant son maître. « Tiens, sors-moi la première blague qui te passe par la tête et je te dirai si tu t'y prends bien. » La première blague qui lui passe par la tête ? Elle fronce les sourcils. Ce n’est pas son fort les blagues. Si ça se trouve, elle n’en connait même pas. Ou bien que des complètements nulles. Elle se redresse un instant et pousse un petit soupir comme pour se donner une dose de courage. « Que faire un canard lorsqu’il a soif ? » Elle ne donne pas tout de suite sa réponse. Elle tourne la tête et le regarde. Pas un sourire, juste un air neutre et innocent sur le visage. Au bout de quelques secondes de silence, la demoiselle se décide à donner la réponse. « Il s’tape une canette. » Blague digne d’un carambar. Elle grimace. Ouai, ce n’est franchement pas super comme blague, mais c’est l’une des favorites de son colocataire alors elle l’entend souvent. C’est pour ça que c’est la première qui lui soit passé par la tête.