death is at your doorstep
ft. Benjamin & Maxence

Dormir dehors avait au moins un avantage non négligeable : je me levais forcément tôt. Dès cinq heures et demi ou six heures le soleil commençait à se lever, et les bruits ambiants de la forêt reprenaient un volume "normal" ... Je crois que ce matin-là j'aurais tué pour un vrai petit déjeuner, mais à huit heures à peine autant dire que je désespérais de croiser qui que ce soit à soudoyer pour qu'il ou elle aille me chercher un toast ou un verre de jus d'orange à la cuisine. Au lieu de ça j'avais donc décider d'aller me balader, ça m'occuperait un peu et clairement je n'avais pas grand chose d'autre à foutre ... La semaine s'annonçait longue. Ce n'est qu'en arrivant sur le ponton que j'avais eu l'idée de rejoindre le phare. Entreprise bien plus facile à dire qu'à faire puisque j'avais regretté cette idée dès le moment où j'avais pris les rames ; J'avais glissé dans la douche hier (oui oui, je sais, très drôle) avant le prime, raison pour laquelle j'étais arrivé en retard hier soir, et j'avais réveillé la douleur latente dans mon épaule. J'espérais simplement que ce n'était qu'un mauvais coup, et que ça passerait d'ici deux ou trois jours ... J'avais abandonné le bras en écharpe un mois à peine avant de rentrer dans le nid, je ne tenais pas à recommencer. Mais je crois qu'à ramer j'avais fini par chauffer assez le muscle pour qu'il me foute un peu la paix, et le temps que j'attache la barque au pied du phare je ne sentais presque plus rien. Presque. Parce que j'avais pris la barque je pensais évidemment être seul au phare, surtout à cette heure-ci, je ne pouvais pas me douter qu'il y avait des gens assez cinglés pour se taper la traversée à la nage de bon matin ... Et c'est pourtant là, en arrivant en haut des marches du phare, que j'étais tombé sur Benjamin. Merde. « Pardon je ... » Je ne pensais pas trouver quelqu'un ici. Surtout pas lui, à vrai dire si j'avais su qu'il était là j'aurais même volontairement évité l'endroit voyez-vous. Parce que j'étais sans doute pas la personne qu'il avait le plus envie de voir, après la révélation d'hier, et parce que s'il était là de toute façon c'était sans doute parce qu'il avait envie d'être tout seul « Je voulais pas te déranger. » Mais là c'était un peu trop tard maintenant, non ? J'avais fait un pas en arrière, et descendu une marche en sens inverse ; Je crois que le mieux que je pouvais faire c'était de m'en aller, là. Pourtant j'avais été coupé dans mon élan au dernier moment, me mordant la lèvre inférieure avant de me retourner vers lui « Tu sais je ... je suis désolé. Pour hier. J'aurais préféré avoir tort. » Et je parlais sincèrement, je m'en foutais bien de pouvoir me satisfaire d'avoir trouvé un secret, d'avoir considérablement augmenté ma cagnotte (que je ne toucherais probablement pas rappelons-le) ... J'étais pas fier de moi, non. Et d'un certain côté c'était aussi un peu stupide, parce que personne n'avait forcé Benjamin à se présenter à Fake Lover avec son secret. Mais n'empêche.

J’ai réussi à voir le levé du soleil, sans m’endormir ivre mort dans le phare. C’est que je suis fait plus fort que je ne l’aurais cru. Faut aussi dire que j’ai aussi réussi l’exploit de me rendre ici à la nage, en pleine nuit, alors que j’avais une moitié de bouteille de whisky dans le cœur. Une belle idée d’imbécile ça, lorsque j’y pense. Mais hey, la bonne nouvelle c’est que je suis toujours en vie. Je fixe le vide, mes vêtements encore légèrement trempés collés sur le corps, je tourne la tête lorsque j’entends des pas venir des escaliers. Je ne sais pas exactement quelle heure il est, mais je suis presque certain qu’il est encore très tôt, vu la hauteur du soleil dans le ciel. « Pardon je ... » Combien on gage qu’il ne s’attendait pas à tomber sur moi ce matin ? Et combien on gage qu’il est vraiment mal à l’aise de se trouver en ma présence ? Bon, je voudrais bien gager, mais je suis complètement pauvre, grâcieuseté de ce cher Maxence. « Je voulais pas te déranger. » C’est trop tard. Non mais ça va, comment il aurait pu savoir que j’étais là de toute façon. Il ne va tout de même pas baisser la tête à toutes les fois qu’il va me croiser dans un couloir tout de même. Je le fixe, toujours silencieux, le regardant faire demi-tour, puis changer d’avis. « Tu sais je ... je suis désolé. Pour hier. J'aurais préféré avoir tort. » Je ne m’attendais pas vraiment à des excuses. Oui, je crois que je suis surpris. Je soupire avant de prendre la parole pour la première fois. « T’as pas à t’excuser, c’est le jeu. Si je ne voulais pas en parler, j’aurais du me trouver un autre secret. » Ça me semblait évident après tout. « Genre, je suis capable de toucher mon nez avec ma langue… Je suis certain qu’un tel secret n’aurait pas créé de malaise. » C’est que a comparé à un truc comme je suis responsable de l’assassinat de ma sœur… Ça sonne beaucoup moins dramatique. Je crois que je suis encore saoul, à bien y penser, pour dire une telle chose.

On ne va pas se mentir, Benjamin n'était pas vraiment la personne que j'avais le plus envie de croiser actuellement, majoritairement parce que je lui cédais sans mal le droit de m'en vouloir d'avoir découvert son secret. Et je ne sous-entendais pas spécialement que le bonhomme pouvait avoir un côté mauvais perdant, ça je n'en savais foutrement rien, mais je pense que je ferais la gueule aussi si j'avais un tel secret que je me retrouvais obligé de l'avouer devant tout le monde, à une heure à peine d'un prime qui m'empêcherait d'aller ruminer dans mon coin comme j'en aurais sans doute envie. « T’as pas à t’excuser, c’est le jeu. Si je ne voulais pas en parler, j’aurais du me trouver un autre secret. » Bon, au moins nous étions d'accord sur ce point, même si je ne me sentais pas moins mal à l'aise pour autant. En plus je crois que sa soeur m'évitait depuis la confrontation vendredi dernier, et ça m'emmerdait profondément, d'être en froid avec Amy ... Ou peut-être que c'était moi qui me faisait des films. « Genre, je suis capable de toucher mon nez avec ma langue … Je suis certain qu’un tel secret n’aurait pas créé de malaise. » J'avais laissé échapper ce qui ressemblait presque à un léger rire, bien que j'avais vite été dissuadé de continuer en réalisant et en me rappelant qu'il ne devait pas trop être d'humeur à rire, lui. D'ailleurs j'avais l'impression que quand on venait se cacher au sommet de ce phare c'était toujours pour échapper aux autres, faut dire que fallait le vouloir pour monter jusqu'ici. Ulysse venait ici pour prier, moi j'étais déjà venu une ou deux fois attendre qu'un coup de blues s'estompe un peu ... Bon et là, Benjamin n'avait pas l'air de péter la forme non plus, mais je pense qu'à sa place je serais pareil. Pas que je sois en mesure de pouvoir comprendre sa situation, ceci dit. « T'es là depuis longtemps ? » que j'avais finalement demandé en fronçant les sourcils. Il n'avait pas l'air hyper frais disons, et puisqu'il était forcément venu à la nage mais que ses fringues n'en étaient plus au stade dégoulinant j'en déduisais que ouais, il devait être là depuis un moment. Et il avait le regard vitreux de la gueule de bois en devenir ; Bon dieu il avait vraiment nagé en ayant bu, il avait conscience de la stupidité de la chose ? « Enfin en tout cas si tu préfères te faire ramener plutôt que de rentrer à la nage, je suis venu en ramant alors ... » Ouais je sais pas pourquoi mais je me sentais obligé de lui offrir l'alternative, si ça se trouve il n'avait pas encore décuvé et le laisser rentrer à la nage dans ces conditions c'était à la limite entre non-assistance à personne en danger, et mise en danger de la vie d'autrui, non ? Et bon, j'avais déjà niqué sa fin de semaine et son prime, probablement le début de cette semaine aussi, alors je me voyais mal rajouter une nouvelle infraction à la liste.

Clairement, mon secret cause un certain malaise, puisqu’il n’est pas des plus joyeux et je vis très mal avec celui-ci, ce qui est normal, j’aimerais dire. Si je ne ressentais aucun regret, ni aucune honte, c’est que j’aurais réellement un problème mental. Mais pas de panique, je ne dors pas la nuit à cause de ce que j’ai fait et je donnerais tout pour revenir dans le temps. Ce qui n’est malheureusement pas possible. Et même si je suis amère d’avoir perdu mon secret, que les gens ne me voient plus de la même façon, je n’en veux pas spécifiquement à Maxence. C’est le jeu, en même temps. Je savais à quoi je ferais face en m’y inscrivant. « T'es là depuis longtemps ? » Je relève les yeux vers le candidat, l’esprit embrumé, ne me rappelant même plus depuis combien de temps je suis ici à fixer le vide. « Je sais plus… Quelques heures. Je suis venu à la nage… Ce qui n’était pas l’idée du siècle. » Vu toute l’alcool que j’avais ingéré. Mouais, très mauvaise idée même. « Enfin en tout cas si tu préfères te faire ramener plutôt que de rentrer à la nage, je suis venu en ramant alors ... » C’est sur que rendu là, je ne sais même pas si je serais capable de faire le chemin du retour. Faut dire que j’avais pris un sacré risque. « Je ne dirais pas non. Mais si ça te dérange pas, j’attendrais encore un peu… Je crois que si je me lève maintenant, je vais tout renvoyer. » j’annonce, non sans soupirer. J’ai vraiment l’air pathétique, comme ça, dépourvu de mes moyens et encore enivré par l’alcool. « J’suis pitoyable… » je marmonne dans ma barbe, passant une main sur mon visage, détestant me montrer aussi faible aux yeux de tous.

Je scrutais Benjamin d'un air incertain, je ne savais pas trop comment me comporter avec lui maintenant, mais je savais que j'aurais mauvaise conscience à le laisser croupir ici sans chercher au moins à le convaincre de retourner sur la terre ferme avec moi. J'avais même fini par lui demander depuis quand il était là, parce que grâce à cet satané oiseau qui m'avait attaqué quand je dormais près de la piscine, j'étais réveillé depuis un bon moment déjà ; Et pourtant je n'avais croisé que Rowan. « Je sais plus … Quelques heures. Je suis venu à la nage … Ce qui n’était pas l’idée du siècle. » Assurément non, ce n'était pas l'idée du siècle. En fait pour en être encore à ce stade-là maintenant, c'était déjà à se demander comment il avait réussi à nager jusqu'ici, et à monter les escaliers. Je ne me voyais pas le laisser renter de la même façon du coup, alors j'avais proposé de le ramener « Je ne dirais pas non. Mais si ça te dérange pas, j’attendrais encore un peu … Je crois que si je me lève maintenant, je vais tout renvoyer. » Il avait fini par soupirer, baissant la tête, et de mon côté j'avais croisé les bras tout en m'adossant à l'encablure de la porte. « J’suis pitoyable … » Il attendait peut-être de ma part que je confirme, que je lui dise que oui, il était pitoyable, mais non. S'il avait envie et besoin de s’auto-flageler il pouvait, mais qu'il n'espère pas me faire rentrer dans son jeu, et que j'ai grillé son secret n'était pas une excuse. « Essaye juste de choisir la prochaine fois, la boisson ou la nage. » J'allais pas l'empêcher de se saouler, il faisait bien ce qu'il voulait, mais bon c'était plus prudent de choisir du coup. « Mais je te trouve pas pitoyable. » J'avais tourné la tête, fixant un instant la vue qu'offrait le phare sur l'horizon. Je ne savais pas trop dans quel état je serais, à sa place ; Alors je me considérais mal placé pour émettre le moindre jugement. « J'suis pas pressé, alors dis moi simplement quand tu veux repartir. » Lui adressant un très léger sourire j'avais fini par quitter l'encablure de la porte, pour aller m'asseoir contre le mur opposé, fermant un instant les yeux. Y'avait trop de vent en haut de ce phare, ça donnait presque le tournis.