w/zelda

Planté devant l’ascenseur depuis quelques minutes, il hésite. Dans sa tête, il pèse le pour et le contre quant à l’utilisation ou non de l’ascenseur. Il évite soigneusement de les prendre en général, sauf quand il se sait seul. Non pas qu’il ait une quelconque phobie de l’ascenseur, sa phobie a lui serait plutôt liée aux personnes qui pourraient prendre l’ascenseur en même temps que lui. Il garde toujours à l’esprit, où qu’il soit, qu’un ascenseur peut toujours tomber en panne à tout moment. S’il est seul à l’intérieur, ça ne lui pose pas de problème, il est en mesure d’attendre des heures s’il le faut. Mais si, à l’inverse, il n’est pas seul, c’est impensable pour lui de garder son calme pendant quelques heures. Les gens qui se retrouvent coincés quelque part ont cette fâcheuse tendance à vouloir discuter de tout et de rien avec le premier venu pour se changer les idées, et c’est bien cette idée qui l’horripile particulièrement. Finalement, le contre gagne, et il rebrousse chemin pour prendre les escaliers. Ça fait faire du sport, en plus, c’est parfait. À moins que Cupidon soit un gros sadique et bloque les issues de l’escalier, il y a peu de chance pour qu’il se mette à paniquer. Enfin, c’était l’idée. Comme à son habitude, il détale les escaliers à une vitesse folle, au point qu’il ne prête attention à la jeune femme qui arrive depuis le rez-de-chaussée que lorsqu’il est trop tard pour se stopper et éviter la collision. Il lui rentre dedans de plein fouet, il s’empêcher de tomber en se retenant à la barre de l’escalier, tandis que sa camarade n’est pas cette chance. Mais son réflexe n’est pas de lui porter secours, son réflexe consiste plutôt à se reculer en remonter quelques marches, pour marquer une distance qu’il n’a pas pu garder quelques instants auparavant et qui a mené à un choc physique, alors même qu’il déteste être touché, que ce soit par accident ou non. « Pardon. » Qu’il finit par dire, toujours perché sur sa marche, tandis qu’il la regarde un peu plus bas, comme un imbécile qui se contente de rester immobile.

Je ne pensais pas que monter des escaliers était une activité particulièrement dangereuse. Je veux dire, c’est certain que y’a toujours un risque de manquer une marche et de trébucher, à qui ce n’est jamais arriver ? Mais se faire attaquer comme ce qui vient de m’arriver, jamais. Bon, le mot attaquer est peut-être un peu fort… Je l’avoue. C’est surtout que sur le coup, entre le moment où j’ai senti la collision arriver et celui où je me suis retrouvée par terre, j’ai franchement émis l’hypothèse mentale qu’une personne voulait se débarrasser de moi et en avait contre ma peau. Je ne suis pas paranoïaque, qu’on se rassure. Je suis beaucoup de chose, mais pas ça. Ayant l’impression que tout mon corps est désarticulé, j’affronte finalement le regard de celui qui vient de me créer quelques douleurs au dos et surtout à mon coude qui semble avoir prit tout le choc à lui seul. Pardon. C’est tout ce qui sort de la bouche du candidat dont j’ignore le prénom. Je grimace, me massant le coude, toujours étendu au sol. « J’imagine que l’important c’est d’être désolé… » je hausse les épaules, n’ayant aucune attente en ce qui concerne de l’aide pour me lever, puisque bon, ce n’est pas non plus nécessaire, bien que ça pourrait être gentil. « Pourquoi est-ce que tu étais aussi pressé ? T’allais quelque part ? » Avec tout ça, moi, je ne sais même plus pourquoi j’étais sur le point de monter les escaliers.

Pardon, c’est tout ce qu’il peut lui offrir dans l’immédiat. Il voudrait bien lui tendre la main, mais ce n’est pas vraiment dans ses priorités. Si vraiment il voit qu’elle n’arrive pas à se relever pour une raison quelconque, peut-être qu’il prendra sur lui et lui tendra la main. Mais pour l’instant, donc, ça ne semble pas être nécessaire, bien qu’elle grimace et qu’elle se masse le coude. À la réflexion de la jeune femme, Alistair fronce légèrement les sourcils. Au pire, la prochaine fois il n’a qu’à la laisser par terre en la contournant, et en ajoutant que c’est la faute à pas de chance. Dans sa tête, ça partait d’une bonne intention de s’excuser, il parait que ça se fait, hein. Grâce à ses paroles, il n’a soudainement plus de scrupules à l’observer sur le sol, et aucune envie de venir la secourir, même si elle ne se relève pas. Il est très bien où il est, même s’il a été stoppé net dans son élan pour débarquer au rez-de-chaussée. « Au rez-de-chaussée. » Qu’il répond – même si ça parait évident – à sa deuxième question parce qu’il n’a aucune réponse à lui donner concernant la première. Il détale toujours les escaliers avec une certaine vitesse, c’est une habitude qui le suit depuis plusieurs années. « Et tu allais à l’étage. » Si cela lui permet de comprendre que sa question était un peu stupide, il ne va pas se gêner. « Ton prénom ? » Il lui demande finalement, parce que s’il y a quelque chose à retenir sur elle, c’est son prénom, et pas son éventuel manque d’intelligence.    

Je suis un peu sonnée, je dois l’avouer. C’est que ça n’a pas été doux comme collision. Heureusement, je ne semble pas blessée, bien que bon, parfois les blessures ne sont pas apparentes sur le coup, mais au bout de quelques heures. Bien que je doute que ce soit le cas, à l’exception de quelques ecchymoses. Rien de très grave. De toute évidence, je n’ai pas affaire à une personne très à l’aise, et pour le coup, ça m’intimide aussi. Je pose une question, mais directement, je comprends bien qu’il me prend comme la première des demeurées. Il n’avait pas besoin de parler. Je le sentais. Ça se voit dans son regard. Le regard d’un homme est criant de sa pensé. Je me retiens pourtant de ne pas grimacer, restant encore quelques secondes au sol avant d’avoir enfin le courage de me remettre sur mes deux pieds. Moi, tout ce que je voulais savoir, c’est s’il avait une raison d’être aussi précipité dans sa descente. Il est encore tout aussi aimable en me demandant mon prénom. De mieux en mieux je dirais. « Zelda… » Et là, je sens déjà venir le commentaire, alors je préfère le devancer. « Oui, comme la princesse du jeu vidéo… Mais non, je n’aime pas qu’on m’associe à ça. » Cette phrase, je crois que je la répète en boucle depuis les cinq derniers mois. Si vous saviez la déception que j’ai eu, lorsque j’ai appris l’existence de cette princesse… Bref. « Et toi ? C’est quoi ton nom ? Ou t’es peut-être trop pressé pour me le donner… » Je n’étais pas arrogante, ni déplaisante. Mon ton se voulait neutre, alors que je l’étais réellement. Je n’allais pas le retenir s’il ne voulait pas me parler. « C’est drôle, ta façon de peigner tes cheveux… » j’ajoute, spontanée. Parfois, j’ai réellement de la difficulté à retenir les mots qui me traversent l’esprit.

La question de la jeune femme est un peu stupide, du moins la seconde qui consiste à lui demander s’il allait quelque part. Techniquement, puisqu’il prend ses escaliers, c’est bien parce qu’il a une destination toute choisie, et surtout qui n’est pas difficile à deviner puisqu’il n’y a que deux issues à ces escaliers : le rez-de-chaussée et l’étage. Et il n’était pas en train de monter les escaliers, ce qui réduit encore plus le champ des possibilités. Il ne peut s’empêcher d’exprimer sa pensée à voix haute, sans se soucier de potentiellement heurter l’égo de la demoiselle. Il lui demande par la suite son prénom, parce qu’il ne pourra pas indéfiniment donner des surnoms à ses camarades, et qu’en cette première semaine, s’il y a quelque chose à retenir sur ses colocataires, c’est leurs prénoms. « C’est original. » Zelda, c’est un joli prénom si on oublie à quel personnage de jeu vidéo il est associé. Elle l’oublie pas ce détail, d’ailleurs puisqu’elle ne manque pas de préciser que l’association ne lui plait pas. « C’est noté. » Il ne compte pas lui faire de commentaire, à moins qu’elle se montre désagréable et qu’il use de cet avantage qu’elle vient de lui donner en avouant que la comparaison ne lui faisait pas plaisir. Mais il n’y a pas de raison qu’il agisse ainsi avec elle, du moins, il l’espère. « Alistair. » Il dit dans un premier temps, avant d’ajouter « Je commence à croire que tu veux te débarrasser de moi. » Très ironique venant de lui qui cherche à tout prix à se débarrasser de la présence des autres pour profiter de sa solitude, mais puisque ça fait déjà deux fois qu’elle mentionne qu’il est pressé – alors que s’il l’était réellement il n’aurait pas pris la peine de rester ici en sa compagnie – il commence à croire que sa compagnie, à lui, est désagréable. Ce qui ne serait pas étonnant. Ce qu’elle ajoute par la suite le laisse perplexe, il fronce très légèrement les sourcils. « Drôle ? » Il répète, parce qu’on ne lui l’avait jamais sorti, celle-là. Bizarre, moche, sympa, peut-être, mais drôle… Non, c’est inédit. Du coup, si elle peut développer sa pensée pour qu’il comprenne où est l’effet comique dans sa coiffure, ça l’arrangerait. « Tu as quel âge Zelda ? » Qu’il finit par lui demander, en référence à sa précédente remarque mais sans pour autant avoir l’air accusateur dans sa question. La réponse l’intéresse, histoire de savoir si ce genre de remarques vont être courantes de sa part ou non.