+ J'adore ce couloir, sans être une pièce à proprement parler, c'est un endroit que je trouve magique et qui me fascine tout particulièrement. La lumière, c'est ça qui m'hypnotise presque à chaque fois que je passe par là, en plus des nombreux reflets dans les miroir. C'est beau, c'est coloré. J'aime l'ambiance que crée chaque couleur. Depuis un moment que je suis restée là sans trop bouger, j'en ai vu défiler quelques-unes déjà. En fait, je fais semblant de marcher dans un sens ou dans l'autre quand je croise d'autres candidats pour ne pas qu'ils pensent que je suis bizarre à aimer rester là, à attendre que la lumière change de teinte. J'en ai croisé du monde, même plusieurs fois les mêmes personnes, il me semble, mais ce sont encore tous des étrangers à mes yeux. Leur visage a du mal à rester encré dans ma mémoire, et c'est encore pire pour leur prénom. Je soupire légèrement de désespoir à cette pensée et le couloir passe d'une teinte vert clair à une bleu-gris un peu déprimante. Je me remets en mouvement quand je croise une petite brune, mais je crois que ça fait plusieurs fois que je la vois, celle-là, dans ce couloir. « Toi aussi tu aimes regarder les couleurs ? » Que je lui demande doucement. « J'attends le rose bonbon ou le bordeau, ou un orange, pâle. » Je précise. Je ne sais pas trop pourquoi ces couleurs en particulier, ni pourquoi je le lui dis, elle n'en a peut-être rien à faire, mais voilà, je l'ai dit.

Le couloir que nous devons traversé pour nous rendre dans les pièces de l'étage a le mérite d'être original. Je n'en avais jamais vu de semblable par le passé et j'applaudis à deux doigts le travail des architectes. Si encore l'idée vient d'eux, j'en sais rien. Je ne sais pas vraiment qui sont les personnes supposées s'occuper de cela mais dans mon esprit, on simplifiera cela et on se contentera de retenir les architectes. Faudra pas essayer de me faire croire que c'est notre bon (gros) cupidon qui y a pensé. Il avait d'autres chats à fouetter pendant la période des castings et devait faire son choix, sélectionner les meilleurs candidats pour peupler son nid. Candidat donc je fais partie, ouf ! Quittant ma chambre, trottinant dans le couloir, je tombe sur une candidate qui m'avait été présenté par Icare. Je me rappelle très bien de cette dernière, je me rappelle même de son prénom. Jessica.  «Je n'y passerai pas des heures mais il est agréable de traverser des couloirs comme celui-ci.» Il ne m'est pas encore venu à l'idée de rester ici, de planter ma tante pour observer tout l'éventail de couleur possible. La candidate, elle, semble très bien s'accommoder de ce passe-temps. Hum. Chacun ses trucs, je ne suis pas là pour juger et je ne compte pas faire de commentaires là-dessus. Elle m'explique ses préférences de coloris et je dois dire que nous avons des goût assez similaires.  «J'aime le rose aussi. » Parce que c'est une couleur de nana, c'est girly et c'est beau.  «Mais ma préférence reste le jaune. Comme le soleil. » Voilà, voilà, j'ai pris part à la discussion, j'ai donné mes préférences également. Est-ce que l'on va quand même rester là et patienter encore que les couleurs changent ? «ça fait combien de temps que tu es là ?»Simplement pour avoir une information correcte sur ce sujet. Parce que je suis curieuse aussi et impressionnée par la patience qu'elle peut avoir. Je ne l'aurai pas. Clairement. Je suis fascinée par les couleurs mais je dois être la fille la moins patiente de cette planète.

Cette fille me dit quelque chose, mais je n'ai jamais eu une très bonne mémoire des visages ou des prénoms, ça met généralement un certain temps à revenir. Je dois déjà lui avoir parlé, un simple "bonjour" ou plus, ou moins peut-être. Il se peut que je l'aie trouvé mignonne en la voyant pour la première fois et que je me souvienne de cette impression. En tout cas, elle dit que même si elle n'y passerait pas des heures, c'est un couloir agréable à traverser. « Je suis bien d'accord. » Réplique inutile, je sais, j'ai le chic pour en sortir des tas dans le genre. Je lui fais une courte liste des couleurs que j'aimerais voir apparaître, ne serait-ce qu'un court instant. Elle aime le rose aussi, comme beaucoup de filles, même si les garçons en portent de plus en plus, mais sans peut-être l'apprécier autant que la gente féminine. On ne peut réellement apprécier un rose que quand on est plongée dedans depuis notre plus tendre enfance. Ça a été mon cas, c'était d'ailleurs ma couleur préférée pendant un temps, puis j'ai viré au violet, lilas surtout, en grandissant, avant d'en revenir vers la fin de l'adolescence. Mais bref. La brune m'apprend que sa couleur préférée à elle, c'est le jaune, comme le soleil. « Je préfère le jaune des jonquilles, je le trouve plus joli. » Alors que certains autres jaunes ne me plaisent pas des masses. Mais peu importe, je suis sûre qu'elle s'en fiche. Elle s'intéresse pour l'instant au temps que j'ai pu passer ici avant de la croiser. « Une demi-heure, ou trois quarts d'heure, peut-être. » Je ne sais pas vraiment, j'ai n'ai pas vu le temps passer. C'est que j'étais assez fascinée, je n'ai donc pas penser à vérifier ou à demander. « Oh, ça y est, je sais ! Tu es Elsa ! » Je m'exclame. J'ai un peu honte de ne pas m'en être souvenue tout de suite, mais c'est bon maintenant, je pense que je m'en rappellerai. « Désolée, je crois que les couleurs me sont un peu montées à la tête. » Que je dis en faisant tournoyer mes doigts sur les côtés de mon crâne. En vérité, ça n'a pas vraiment à voir, c'est surtout qu'on me l'a présentée au moment où on appelait mon prénom pendant le prime et j'avais été tellement surprise et contente à ce moment-là que tout le reste m'était sorti de la tête pour que je n'y pense peut-être plus jamais, ou du moins jusqu'à maintenant.

Jessica est dans ce couloir depuis un moment déjà, trop longtemps pour moi. Trente minutes au minimum selon ses dires. Trente minutes seule à regarder des couleurs valser, changer et rien que ça.  «Tu t'ennuyais ?»Il doit bien y avoir une raison qui explique cela. Si elle avait quelque chose à faire, si elle avait trouver quelqu'un avec qui parler, elle n'aurait certainement pas passer autant de temps ici. Je lui donne tout de même l'une de mes couleurs préférée. Le jaune, le soleil. Le monde ne serait rien sans le soleil, le monde ne serait rien sans sa touche jaune dans le ciel et c'est sans aucun doute pour cela que j'affectionne tant cette couleur. Elle préfère le jaune jonquille apparemment et je hoche simplement la tête pour lui montrer que l'information est entendu. Je n'ai cependant pas grand chose à rajouter sur le sujet, on ne va pas parler des couleurs pendant dix heures toute de même. Puis je préfère de loin, développer une autre conversation, parler d'autres choses. De choses un peu plus importantes, des choses qui permettent de faire connaissances aussi. Dans cette première semaine de jeu, le but c'est surtout d'apprendre à apprécier ou détester les autres en apprenant des infos à leurs sujets. Elle se rappelle soudainement de mon prénom. «Et toi, tu es Jessica. Le tatoué nous avait présenté. »Le tatoué qui portait le prénom d'icare et qui n'est pas entré avec nous dans la maison. Sans doute n'était-il pas au gout de l'angelot. «Alors, parlons. » que je lui dis en allant m'asseoir, adossant mon dos contre l'un des murs de ce couloir «Tu viens d'où Jessica ? tu fais quoi dans la vie ? »

Je n'ai pas particulièrement fait attention au temps que j'ai pu passer ici, mais j'essaye tout de même de donner un ordre d'idée à la demoiselle quand elle me pose la question. Si je m'ennuyais ? Je hausse une épaule sans que ce soit volontaire et lui adresse un petit sourire. « Un peu, oui. » Alors que non, en réalité pas tant que ça, voire même pas du tout. Je suis passée par là tout à l'heure et je me suis dit que je pourrais rester un moment, ce que j'ai fait. L'ennui n'a rien à voir là-dedans, même si j'y serais très certainement sujette dans les jours à venir si je reste longtemps dans le nid. Je me souviens subitement de son prénom. Quand elle prononce le mien, elle ne semble pas hésiter une seconde alors que moi j'aurais pu dire une belle bêtise en l'affublant d'un nom ridicule. Elle me rappelle que nous avons été présentées par le type tatoué qui n'est finalement pas entré avec nous. « Oui, le squelette. » Que je dis comme pour compléter sa description, parce que "le tatoué", c'est vague, on est sans doute nombreux à l'être, je porte moi-même des tatouages, mais j'ai évidement compris à qui elle faisait allusion. Je pourrais bien dire un mot à son sujet, mais tout ce qui me vient à l'esprit, c'est qu'il me faisait un peu flipper. La brune déclare vouloir parler, idée que j'approuve en hochant la tête affirmativement. Ses premières questions sont plutôt simples, la base pour faire connaissance avec un inconnu. « Je viens de Chicago et je suis stripteaseuse. » Que je réponds tout naturellement. Je n'ai jamais eu de mal à parler de ma profession, même si, étrangement, c'est toujours plus délicat avec les femmes. « Et toi ? » Je demande simplement dans un sourire. J'ai du mal à imaginer ce qu'elle pourrait faire et où elle pourrait vivre, juste comme ça, en la regardant. Je n'ai jamais été douée aux devinettes, donc en fait, ça n'a rien d'étonnant.