A Gibraltar, si Percy avait pris goût à pas mal de choses, il s'était particulièrement habitué aux spécialités culinaires locales, très inspirées pour certaines de la cuisine espagnole, ce qui n'était jamais sans rappeler le paradoxe qu'était le fait de vivre en territoire ibérique tout en bénéficiant d'une nationalité britannique. C'était un fait, il aimait la cuisine relevée, qui ne manquait ni de goûts ni de couleurs, et avait fini par bouder un certain nombre de classiques anglais, moins populaires au pays des macaques. Du coup, il était devenu relativement difficile par rapport à tout ce qu'il était susceptible d'avaler, c'est pourquoi il en venait le plus souvent à ne pas manger grand chose lorsqu'il était livré à lui-même et à ses talents très limités de cuisinier. Mais il fallait bien se mettre quelque chose dans le ventre, ainsi c'est dans cette optique qu'il avait emprunté le chemin de la cuisine, dans laquelle il entra pour bientôt tomber sur Gaëtane, la rouquine au drôle de look qui ne manqua d'ailleurs pas de l'accoster. « Salut » qu'il articula par réflexe, sans trop chercher pour le coup à prolonger l'échange, parce qu'il n'était déjà pas très sociable d'habitude, mais alors quand il avait le ventre vide c'était encore autre chose. Pourtant, sa camarade reprit bientôt la parole pour lui demander si, justement, il avait faim. Elle proposa de préparer davantage de pâtes, et là l'anglais fut bien forcé de reconnaître qu'il était dans son intérêt de saisir l'occasion, parce qu'il avait à faire à une demoiselle qui se proposait de lui faire profiter de ce qu'elle aurait préparé, ce qui lui éviterait d'entreprendre quoi que ce soit de son coté, en préservant en plus le droit de critiquer si ça n'était pas à son goût. « Bah écoute, ouais je veux bien » qu'il articula en la fixant, les épaules doucement haussées, tandis qu'elle sembla prise dans un sacré dilemme, puisqu'elle ne savait pas quoi mettre dans lesdites pâtes. « Chez moi, il arrive qu'on les accompagne de chorizo ou d'encornets, mais tu dois pas être habituée à ce genre de cuisine, si ? » Il le supposait par défaut, parce qu'il imaginait qu'ici beaucoup miseraient davantage sur du gruyère râpé ou une bolognaise standard avant d'envisager quoi que ce soit d'un peu moins traditionnel. Lui, ça lui paraitrait un peu fade, mais il avait de toute façon pris l'habitude de ne pas partager ses goûts avec ceux des autres, ou que très rarement.

Lorsque Percy savait qu'il était dans son intérêt de se montrer ociable, il savait faire quelques efforts. En l’occurrence, sa camarade lui proposait de faire davantage de pâtes pour qu'il puisse en profiter et il aurait clairement eu tort de laisser passer l'occasion. Mais il y avait quelque chose de bizarre, en fait c'était ce que dégageait Gaëtane qui le laissait perplexe, parce qu'elle donnait l'impression d'avoir presque appréhendé sa réponse. L'anglais voulait bien croire que sa réputation de type pas toujours très commode l'avait précédé, mais quand même, il n'avait jamais bouffé personne. Gardant ces quelques interrogations dans un coin de sa tête, il évoqua du chorizo et des encornets au moment où la rouquine sembla se demander ce qu'elle pourrait bien mettre dans les pâtes. Alors oui, ça n'était pas ce qui se trouvait le plus facilement, mais il n'aimait pas tellement ce qui était trop basique, parce que ça lui paraissait toujours fade. « Tu verras, après ça, tu pourras plus manger tes pâtes autrement. Mieux encore, tu penseras à moi à chaque fois que t'y regoûteras » qu'il énonça avec présomption lorsqu'elle trouva du chorizo dans le frigo. Sa camarade semblait partante pour tenter ce mariage de saveurs, certainement inédit pour son palet, et c'est justement au moment où il s'en fit la réflexion qu'elle lui demanda la première d'où il venait. « Gibraltar, et toi ? » Elle avait de la chance, il lui épargnerait la petite leçon de Géographie qui suivait généralement, peut être parce qu'il avait tendance à penser qu'elle n'était pas la moins susceptible de situer le territoire. Il eut en tout cas bien fait de lui retourner la question, vu qu'elle ne tarda pas à lui parler de personnes qu'il ne connaissait absolument pas, mais qu'il saurait quand même nommer. Pourquoi pas, aorès tout. « C'est qui, Diane ? Ta petite-copine ? » Et rien qu'au sourire malicieux qui étira ses lèvres, on pouvait sans mal imaginer ce qui avait tendance à lui traverser l'esprit. Deux filles ensemble, ça ne le choquerait pas, bizarrement. « Et tu bosses dans un resto ? » Il le supposait, à la façon dont elle avait décrit son patron. Le blond se saisit alors d'un couteau et passa habilement dans le dos de la rouquine, dont il se rapprocha de manière à pouvoir le lui mettre dans la main et manier celle-ci à l'aide de la sienne, tout doucement, pour couper quelques morceaux. « J'ai l'impression que je te mets mal à l'aise » qu'il souffla à son oreille, à ce moment précis où elle aurait d'autant plus de raisons de l'être. C'est que lui, il aimerait savoir s'il y avait un problème, alors autant en avoir le cœur net.

Si Percy avait l'habitude de manger des plats inspirés de la cuisine espagnole de par le fait qu'il vivait à Gibraltar, Gaëtane, en revanche, devait venir d'un tout autre coin, et c'est ce qu'elle lui confirma bientôt. « Je connais un peu le sud de la France, mais alors le nord, pas du tout » qu'il exprima en haussant les épaules. Il avait déjà passé un peu de temps dans le sud-ouest, mais davantage encore dans le sud-est, où les destinations correspondaient plus à ce qu'il recherchait. La rouquine évoqua alors une certaine Diane, et ce petit coquin de Percy ne put que chercher à savoir s'il s'agissait de sa petite-copine. « Excuse, c'est juste que t'es pas la nana la plus féminine du nid, alors ça aurait pas été une grande surprise ... » Elle avait un look un petit peu particulier, et sans vouloir généraliser à tout prix, il verrait plus une nana comme Gaëtane être branchée meufs, qu'une nana comme Tilda. Semble-t-il alors qu'il s'agissait de sa tutrice légale. « Et tes parents ? » Ça, c'était le genre de questions qui pouvaient s'avérer gênantes si la réponse faisait dans le dramatique. C'est que niveau tact, c'était pas trop ça. Sa camarade lui confirma alors bosser dans un resto, et c'est à ce moment-là que l'anglais eut envie d'être fixé quant à cette petite gêne qu'il croyait percevoir. Du coup, il n'hésita pas à se rapprocher, se plaçant carrément dans son dos, ce qui ne manqua pas de la déstabiliser, puisqu'elle se déroba, de nouveau toute hésitante. « Hé, je vais pas te manger tu sais » qu'il fit alors, en affichant un rictus, et sur un ton incrédule. Apparemment, les contacts physiques c'était pas son fort, et c'était con parce que l'anglais, lui, était plutôt tactile. Elle disait aimer discuter, mais il voyait bien qu'elle restait perturbée par ce qu'il venait de faire. Se rapprochant légèrement, il se stoppa net et agita les mains en prenant un air concerné. « Pas de panique, ce coup-ci je me rapproche parce que discuter à 4 kilomètres l'un de l'autre, ça risque de pas être très pratique » se justifia-t-il avec un peu d'ironie. Il se moquait gentiment, parce que lui forcément ça le dépassait un peu. Mais il n'allait pas jouer avec ses nerfs juste pour le plaisir non plus. « J'y suis bookmaker, ou preneur de paris si tu préfères. » Elle devait savoir en quoi ça consistait, et peut être même que c'était un métier plutôt courant là où il vivait. Et pour cause. « T'as jamais eu envie de te mettre à ton compte ? » Question surprenante si on tenait compte de leur tranche d'âge. Mais pour être précoce dans les affaires, Percy ne se rendait pas toujours compte que sa situation ne pouvait pas être celle de tous. Cela dit, comme elle avait parlé de son patron, il se demandait si elle avait au moins un peu d'ambition pour la suite.