Je n'aime pas les grandes assemblées et le vacarme que tout cela engendre. Malheureusement dans cette aventure je n'ai pas vraiment le choix et je dois parfois me retrouver avec les autres candidats en particulier pour le prime et les activités organisées par Cupidon. Le pire pour moi restait les repas du soir et devoir manger devant tous ces gens. Le moment du repas était le pire moment de la journée, sentir le regard des gens pendant que je mange me mettait profondément mal à l'aise. Certains appelaient ça de la paranoïa, d'autres des troubles alimentaires, je préférai plus appeler ça de la pudeur ou même de la gêne. Et si personne ne m'avait encore décrit comme une fille bizarre cela faisait pourtant parti d'une de mes surprenantes habitudes. J'attendrai une heure plus avancée dans la soirée pour pouvoir manger en toute tranquillité sans avoir à supporter le regard des gens et toutes ces odeurs de viandes. Passée une certaine heure la bibliothèque devenait déserte et elle devenait souvent mon refuge en début de soirée. Ces quelques moments de solitude me permettent d'apprécier un silence qui se fait tellement rare ces derniers temps. Je laisse mon esprit vagabonder pour me retrouver à nouveau dans mon foyer entourée de mes frères et sœurs. J'ai pris l'habitude de ne plus y penser, d'éviter de me remémorer tous ces souvenirs. Le crépitement d'un flash me sort de mes pensées. Sonnée je tourne la tête pour trouver la source de cette lumière et je découvre un Hadrien caché derrière l'objectif de son appareil photo. Il décrit mon expression comme intéressante « Je … Tu m'as fait peur ». Ça lui prenait souvent de tirer le portrait de parfaits inconnus ? Curieux comme habitude même si sur ce point là je n'avais vraiment rien à redire. Il jette un coup d’œil à l'écran de son écran puis me montre le cliché. Ugh, mon visage. « A quoi je pensais ? Mais à toi bien sûr ». Je lui réponds sans grande conviction, j'espère au moins qu'il se rend compte que je ne suis pas sérieuse. Je plonge mon regarde dans le sien avant de lui offrir une réponse sincère. « A mon petit frère Jacob ». Il voulait savoir et bien le voilà servit.  

Ce gars m'a effrayé avec son appareil photo, je ne m'attendais pas à ce qu'un autre candidat se pointe à la bibliothèque à cette heure-ci. D'habitude la bibliothèque est déserte à ce moment de la journée. En temps normal j'aurai très bien pu pester contre ce parfait inconnu qui tire mon portrait sans même m'avoir demandé mon autorisation mais je n'ai pas très envie de me mettre quelqu'un à dos ce soir. Alors si ça lui fait plaisir de me prendre en photo pendant que je suis perdue de chemin alors grand bien lui fasse, je ne lui en tiendrai pas rigueur. Lorsqu'il me demande à quoi je pense sur ce cliché, je réponds instinctivement que je songeais à lui. Chose ridicule puisque nous ne nous étions jamais parlé avant aujourd'hui. Ce n'est pour moi qu'un subterfuge pour orienter la conversation vers quelque chose de plus agréable. Pourtant je ne me sens pas la force de faire illusion ce soir. Je lui parle de mon frère, Jacob, de onze mois mon cadet. Il a toujours été mon petit préféré et ce même depuis le premier jour. Je suis lui et il est moi, comme des jumeaux.  Hadrien a toujours voulu savoir ce que ça faisait d'avoir  un frère. « C'est une constante bipolarité ». Il n'y avait pas d'autres mots plus adaptés à la situation. Du rire aux larmes, de la colère à la joie, tout ce qui définissait une relation entre un frère et sa sœur. En tant que son aînée, j'avais pour mission de l'aider à se construire en tant qu'homme et à le protéger. Pourtant je lui voue une admiration sans égale. Je n'aurai jamais dû le laisser là-bas. Si mon petit Jacob me manque ?  Affreusement, je me demandais ce qu'il était devenu depuis mon départ de la maison. Il doit être marié maintenant et peut être même que sa femme est enceinte. Que le temps est cruel. « Parfois mais le temps efface les blessures comme dirait l'autre ».  D'ordinaire je n'aime pas vraiment parlé de moi, de ce que je ressens ou de ce que j'ai vécu. Je ne suis pas une pleurnicheuse d'ordinaire, alors je me reprends vite, me redresse et redevient la Felice d'il y a quelques heures. Il s'excuse d'être un peu trop intrusif dans sa manière de me poser ces questions incessantes. « Non, ne t'excuses pas, je suis tout aussi curieuse que toi ». Je le rassure avec un léger sourire bienveillant. Je pouvais me montrer très intrusive aussi dans mon questionnement quand je m'y mettais. « Tu es photographe ? » Je lui demande en retour pour ne pas qu'il se sente seule dans sa curiosité même si je dois bien avouer que cette question me brûlait les lèvres depuis la seconde où il a pris ce cliché.